La maîtrise des délais de prescription en droit du travail n'est jamais  chose facile pour le praticien et pour le juge. En effet, la prescription fait souvent l'objet de sérieuses discussions devant les juridictions, les modalités de décompte des délais étant souvent débattues. 

L'exigence croissante de sécurité juridique imposant des délais de prescription de plus en plus courts, ceux-ci sont désormais fixés en droit du travail par les textes suivants :

- l'article L. 1471-1 du Code du Travail pour toute action portant sur l'exécution du contrat de travail (2 ans) et pour les actions relatives à la rupture du contrat de travail (12 mois), hors action en répération du préjudice corporel (10 ans) et actions fondées sur sur une discrimination ou du harcèlement moral (5 ans)

- l'article L.3245-1 du Code du Travail pour les actions en paiement ou en répétition du salaire (3 ans)

- l'article L. 1134-5 du Code du Travail pour l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination (5 ans)

- l'article 2224 du Code Civil pour les actions ne relevant d'aucun texte spécial (délai de prescription de droit commun de 5 ans )

A la lecture de ces textes, la nature de l'action semblait guider la durée de la prescription.

Par 5 arrêts en date du 30 juin 2021 (n° 18-23.932, n° 19-10.161, n° 19-14.543, n° 20-12.960, n° 19-16.655), la Cour de Cassation apporte de nouvelles précisions, en jugeant que la durée de la prescription des actions dépend de la nature de la créance objet du litige qui détermine seule le délai de prescription applicable.

Les 5 arrêts du 30 juin 2021 illustrent chacun à leur manière cette nouvelle lecture des textes :

1) Ainsi, dans un premier arrêt (n° 18-23.932), une demande rappel de salaire fondée sur la nullité d'une convention de forfait-jours est validée par la Cour d'Appel puis la Cour de Cassation, alors même que le délai de 2 ans pour agir en nullité de la convention de forfait-jours était prescrit.

Motif ? La durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée, à savoir l'action en paiement d'un rappel de salaire. La prescription triennale est retenue.

2) Idem dans le deuxième arrêt (n° 19-10.161) sur une demande en requalification d'un contrat à temps partiel en temps complet : la prescription applicable n'est pas la prescription biennale en matière d'exécution du contrat de travail, mais la prescription triennale en matière de rappel de salaire.

Motif ? Le même ! La créance revendiquée au terme de l'action en requalification est bien un rappel de salaire, d'où la prescription triennale.

3) Le troisième arrêt (n° 20-12.960) vient illustrer le même principe avec une demande fondée sur une inégalité de traitement. La prescription triennale en matière de rappel de salaire est retenue, au détriment de la prescription quinquennale en matière de discrimination revendiquée, la créance sollicitée étant des rappels de salaire, et non des dommages et intérêts.

4) Le 4ème arrêt (n° 19-14.543) concerne une demande de monétisation du compte épargne temps. La Cour de Cassation applique la prescription triennale et non la prescription biennale rattachée aux actions liées à l'exécution du contrat de travail, au motif que la créance revendiquée constitue du salaire.

5) Enfin, le dernier arrêt (n° 19-16.655) concerne une demande classique de requalification de contrat de mission en CDI : la nature de la demande fait que la Cour de Cassation applique classiquement la prescription biennale, la demande étant liée à l'exécution du contrat de travail.

 Si le principe dégagé par la Cour de Cassation semble simple, son application devant les juridictions promet d'être assez complexe !