L’amiante est un matériau hautement toxique dont l'inhalation est à l'origine de l'asbestose (fibrose pulmonaire), de lésions pleurales, de cancers broncho-pulmonaires, ainsi que de cancers de la plèvre (mésothéliome) et de cancers du larynx et des voies digestives. La durée d’incubation de ces maladies est très longue ; elle peut s’étendre jusqu’à 40 ans. Les victimes sont principalement les « travailleurs de l'amiante », mais aussi des personnes exposées de manière environnementale et souvent à leur insu.

Le préjudice d’anxiété peut se définir comme l’inquiétude permanente, éprouvée par les travailleurs exposés, face au risque de déclaration à tout moment de l’une de ces  maladies mortelles ; il pose problème en ce qu’il conduit à réparer un sentiment absolument impossible à prouver, a fortiori quantifier.

La Cour de cassation statuant en assemblée plénière a opéré un revirement de jurisprudence avec l’arrêt du 5 avril 2019 pourvoi n° 18-17.442 en étendant l’indemnisation du préjudice d’anxiété à tous les travailleurs exposés à la poussière d’amiante.

 

I-Condamnation d’un régime d’indemnisation inégalitaire institué par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998

La loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 a institué en faveur des travailleurs qui ont été exposés à l’amiante, sans être atteints d’une maladie professionnelle consécutive à cette exposition, un mécanisme de départ anticipé à la retraite en versant une allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA).On retrouve à l’article 41 de cette loi la liste des établissements, dans lesquels les salariés ont travaillé et peuvent par conséquent prétendre à la réparation d’un préjudice spécifique d’anxiété (Soc., 11 mai 2010, pourvoi n° 09-42.241).

En revanche, elle a exclu du bénéfice de cette réparation les salariés exposés à l’amiante ne remplissant pas les conditions prévues par les dispositions législatives dont l’employeur n’était pas inscrit sur la liste fixée par arrêté ministériel, y compris sur le fondement d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (Soc., 3 mars 2015, pourvoi n° 13-26.175 ; Soc., 26 avril 2017, pourvoi n° 15-19.037 ; Soc., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-15.130).

Le développement important du contentieux concernant des salariés ne relevant pas des dispositions de l’article 41 mais ayant toutefois été exposés à l’inhalation de poussières d’amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé, a permis un réexamen complet de la question de la réparation du préjudice d’anxiété des salariés exposés à l’amiante.

 

II-au profit de tous les travailleurs exposés à la fibre d’amiante

Par cet arrêt du 5 avril 2019 pourvoi n° 18-17.442, l’Assemblée plénière, sans revenir sur le régime applicable aux travailleurs relevant des dispositions de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998, reconnaît la possibilité pour un salarié justifiant d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, d’agir contre son employeur, sur le fondement du droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

L’Assemblée plénière rappelle ainsi que, conformément aux règles du droit commun de la responsabilité civile, il appartient aux juges du fond de caractériser le préjudice personnellement subi par le salarié et résultant du risque élevé de développer une pathologie grave.

Me DIKME Angèle

DU droit de la réparation du dommage corporel

Membre de l'Association DRDC