Cass. 1re civ., 19 juin 2019, n° 18-20883
Au cours d’un accouchement et en raison d’une dystocie des épaules de l’enfant à naître (c’est une complication rare mais grave de l’accouchement qui se manifeste lors de l’expulsion lorsque les épaules du bébé restent bloquées dans le bassin de la mère alors que sa tête est déjà sortie), le gynécologue obstétricien effectue des manœuvres d’urgence obstétricales. L’enfant présente une paralysie obstétricale du plexus brachial droit(c’est une paralysie du bras et de la main suite à une atteinte des nerfs qui innervent le bras, de l’épaule au coude) et une expertise met en évidence l’absence de faute du praticien et l’inexistence d’un dysfonctionnement de l’établissement de santé. La mère, agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentante légale de son fils mineur, assigne l’ONIAM en indemnisation.
I- Imputabilité des préjudices de la victime directe à un acte de soins au sens de l’article L.1142-1 du Code de la santé publique
Si l’accouchement par voie basse constitue un processus naturel, les manœuvres obstétricales pratiquées par un professionnel de santé lors de cet accouchement caractérisent un acte de soins au sens de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence constate, d’abord, que les experts notent, d’une part, que l’enfant ne présentait pas, au cours de sa vie intra-utérine et au moment précis de sa naissance, d’anomalies qui auraient pu interférer sur la paralysie obstétricale et sur le déroulement de l’accouchement, d’autre part, que la dystocie des épaules est une complication à risque majeur pour l’enfant, telle la lésion du plexus brachial, et que, pour faire face à la dystocie, les manœuvres les plus fréquemment utilisées sont celles qu’a réalisées le praticien. Elle retient, ensuite, que ces manœuvres, au cours desquelles une traction est exercée sur les racines du plexus et sur la tête fœtale, ont engendré la paralysie du plexus brachial. Elle ne peut qu’en déduire que les préjudices subis par l’enfant sont directement imputables à un acte de soins.
Il résulte de l’article L. 1142-1, II, du Code de la santé publique que, lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I de ce texte, ou celle d’un producteur de produits n’est pas engagée, l’ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu’ils présentent un caractère d’anormalité au regard de l’état de santé du patient comme de l’évolution prévisible de cet état. Lorsque les conséquences de l’acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l’absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d’un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès.
II- La paralysie obstétricale permanente du plexus brachial :un dommage anormal caractérisé
Après avoir énoncé que le risque issu de la réalisation des manœuvres obstétricales, constitué par la paralysie du plexus brachial, est notablement moins grave que le décès possible de l’enfant, l’arrêt retient que, si l’élongation du plexus brachial est une complication fréquente de la dystocie des épaules, les séquelles permanentes de paralysie sont beaucoup plus rares, entre 1 % et 2,5 % de ces cas, de sorte que la survenance du dommage présentait une faible probabilité. La cour d’appel en déduit exactement, sans se contredire, que l’anormalité du dommage est caractérisée, et que, par suite, l’ONIAM est tenu à indemnisation au titre de la solidarité nationale.
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