Cass. Crim., n°17-82814, 10 avril 2018, publiée.   « Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;(…) Attendu que, pour considérer comme prescrits les faits poursuivis, l'arrêt énonce notamment que la publication incriminée a été mise pour la première fois à la disposition des internautes le 9 novembre 2015 ; que M. Y... est intervenu à deux reprises après cette date ; que le 16 décembre 2015 à 13 heures 28, il est intervenu afin de déplacer le contenu litigieux de l'onglet "historique" vers l'onglet "article" ; que ce seul "déplacement" sans publication d'un contenu nouveau ne saurait être considéré comme interruptif de prescription dès lors que ce sont des contenus identiques qui sont maintenus sur le même support internet ; Mais attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;(…) ».   La prescription trimestrielle en matière de presse rend toute nouvelle jurisprudence sur la portée de l’acte interruptif d’instance en la matière particulièrement attendue. Or cette décision publiée élargit considérablement la notion de nouvel acte de publication propre à donner une existence au droit d’agir de celui ou celle qui s’estime diffamé.e sur le web. En l’espèce, deux universitaires publiaient sur le site internet de l’encyclopédie collaborative Wikipedia, un article visant une revue australienne et qui, selon la société d’édition plaignante, portait atteinte à son honneur et à sa réputation en qualifiant sa rédaction et son contenu d’antisémite et de négationiste. L’instruction s’achevait par un non-lieu qui constatait cependant l’extinction de l’action publique. En effet, la société éditrice se constituait partie civile le 16 février 2016 alors que la publication incriminée était mise pour la première fois en ligne le 9 novembre 2015, soit trois mois et une semaine après la commission des faits. Pour autant, elle faisait valoir que les auteurs avaient « déplac(é) le contenu litigieux de l'onglet "historique" vers l'onglet "article" » le 16 décembre 2015. Toute la question qui se posait était donc celle de savoir si cet acte de déplacement, sans publication d’un contenu nouveau, constituait un nouvel acte de publication et pouvait faire redémarrer un délai de prescription de trois mois. Poursuivant sa jurisprudence extensive en matière d’appréciation de la notion de nouvel acte de publication (Cass. crim., 2 nov. 2016, n° 15-87.163, P+B+I  : JurisData n° 2016-022719, Procédures n°1, janvier 2017, comm. 17, Pas de prescription en cas de nouvelle publication par lien hypertexte, A.-S. CHAVENT-LECLÈRE), la Cour de cassation sanctionne la décision de la chambre de l’instruction et estime que le « déplacement » est interruptif de prescription. Elle estime ainsi, que le déplacement d’un contenu exprime un nouveau choix éditorial et lui transfert une nouvelle portée propre à s’assimiler à une publication nouvelle. La chambre criminelle rejoint quelque peu le raisonnement des chambres civiles qui est exprimé à l’occasion des critères de répartition en la qualité d’hébergeur et la qualité d’éditeur en matière de responsabilité des contenus en ligne (Civ. 1ère, 17 fév. 2011, 09-67896, 09-13202, 09-15857, 3 arrêts, Dailymotion, Fuzz, Amen).