La défintition de de la publicité en matière de presse figure  à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse. Elle conditionne la distinction entre la qualification délictuelle et la qualification contraventionnelle de l'infraction de diffamation. Cette différence de qualification est centrale, car au-delà de faire varier la sanction encourue, elle peut avoir – comme en l’espèce – une influence procédurale majeure en fermant la voie de la constitution de partie civile par le biais de la plainte déposée devant le doyen des juges d’instruction[1].

En l’espèce, la directrice d’une école privée sous contrat envoyait par courriel aux parents d’une élève, à l’inspectrice d’académie et à la boîte structurelle de l’académie, le compte-rendu du conseil des maîtres au sujet du comportement de leur fille de sept ans.

Le compte-rendu, qui concluait à une nécessaire prise en charge de l’enfant en dehors de cette école, comportait les passages suivant : « pendant la récréation, elle embrasse de force les garçons, les lèche, monte sur eux à califourchon, touche leurs parties intimes » ; « la maîtresse n’a aucune possibilité de savoir où elle se trouve sachant que E... a été retrouvée (souvent grâce aux caméras de surveillance et à la vigilance des membres des équipes de sécurité, des équipes pédagogiques et des équipes technique) dans des lieux interdits d'accès aux élèves » ; « dans des classes de collège (…) elle a empêché les élèves de travailler en disant qu'elle était capable de sauter du 4e étage » ; « elle a presque démoli le photocopieur » ; « négligence des parents pour défaut de soins » ; « en la mettant à l’école, les parents de E... la mettent en danger », etc.

S’estimant atteints dans leur honneur et leur considération, les parents déposaient une plainte avec constitution de partie civile en leur nom et en celui de leur fille sur le fondement du délit de diffamation publique. Le magistrat instructeur déclarait irrecevable la plainte, au motif que les faits constituaient une contravention dans la mesure où le caractère public de la diffamation faisait défaut.

Les juges du fond qui confirmaient la décision, considéraient qu’existait entre les destinataires du courriel, à savoir le chef d’établissement scolaire et les membres de l’inspection académique « une communauté d’intérêts ». La motivation insistait pour caractériser cette communauté d’intérêts, exclusive de publicité, la fonction disciplinaire commune des membres du « groupement de personnes » constitué par la directrice et l’académie.

En cela, elle suivait la jurisprudence classique depuis 2003 qui exclut toute publicité des infractions de diffamation et d’injure lorsque le message électronique circule au sein de personnes liées entre elles par une communauté d’intérêts[2].

Néanmoins, de façon scrupuleuse, la Cour de cassation censure l’irrecevabilité découlant de la nature privée du message, en reprochant à la chambre de l’instruction de n’avoir recherché, « comme elle y était invitée par un mémoire régulièrement déposé devant elle », « l’identité de toutes les personnes ayant pu prendre connaissance du courriel, comportant en pièce jointe l’écrit incriminé, à partir de la boîte structurelle ».

Elle affine à ce titre sa jurisprudence relative à l’identification des destinataires du message potentiellement visible par tous, à l’image d’une décision où – en dehors du numérique – elle avait estimé que des propos affichés dans l’enceinte d’une maison d’arrêt pouvant être vue par des détenus et non seulement par la communauté des personnels de l’administration pénitentiaire, revêtaient un caractère public[3].

 

 


[1] C. pr. pén., art. 85.

[2] V. par ex. CA Paris, 16 janv. 2003 : JurisData n° 2003-210789 ; Comm. com. électr. 2003, comm. 99. – Cass. crim., 28 avr. 2009, n° 08-85.249 : JurisData n° 2009-048276 ; Comm. com. électr. 2009, comm. 102, obs. A. Lepage ; Dr. pén. 2009, comm. 105, obs. M. Véron ; Civ. 1re, 10 avr. 2013, n° 11-19.530 P: D. 2013. Actu. 1004; ibid. 2014. 512, obs. Dreyer; JCP 2013, no 466, obs. Marino; Gaz. Pal. 2013. 1. 1891, obs. Piot. 

[3] Cass. crim., 9 déc. 2014, n° 13-86.917 : JurisData n° 2014-030676  ; Bull. crim. n° 259 ; Dr. pén. 2015, chron. 6, spéc. n° 29, obs. O. Mouysset ; Comm. com. électr. 2015, comm. 13, obs. A. Lepage.