De nombreux établissements publics et des administrations d’État, notamment dans le secteur de l’enseignement (universités, éducation nationale…), mais aussi des collectivités territoriales (communes, départements, régions), recrutent des personnels qualifiés en tant que vacataires.

La précarité d’un tel recrutement est telle que, notamment, ces agents peuvent perdre leur emploi sans délai ni obtenir la moindre indemnité. En outre, ils ne bénéficient pas des droits rattachés au statut des agents contractuels (congés, régime indemnitaire, formation…).

Or, bien souvent, les vacataires ne sont pas recrutés pour effectuer des missions ponctuelles ou bien pour réaliser un acte déterminé. Au contraire, ils occupent en réalité des emplois permanents et devraient donc bénéficier du régime, moins précaire, des agents contractuels.

Des critères définis par le juge administratif en l’absence de texte

Une personne publique (une administration d’État, une collectivité territoriale ou un établissement public) peut recruter différents types d’agents :

  • des fonctionnaires, qui sont le plus souvent recrutés par concours et qui sont "titulaires" de leur poste (c'est-à-dire qu'ils sont recrutés pour une durée indéterminée et relève d'un statut particulièrement protecteur);
  • des contractuels (ou agents non-titulaires), qui sont recrutés en CDD pour assurer le remplacement temporaire d’agents titulaires ou bien en CDI lorsqu’aucun fonctionnaire n’est disponible pour occuper le poste (ils bénéficient de droits comparables à ceux des fonctionnaires) ;
  • des vacataires, qui sont recrutés pour exécuter des missions déterminées, pour faire face à des besoins ponctuels de l’administration qui les emploie. Leur statut est le plus précaire de tous les personnels recrutés par les personnes publiques puisqu’ils ne bénéficient pas des mêmes droits que les agents contractuels. L’article 1er du décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale prévoit, en effet, que ses dispositions ne sont « pas applicables aux agents engagés pour une tâche précise, ponctuelle et limitée à l’exécution d’actes déterminés ».

La difficulté réside, en l’absence de définition textuelle, à reconnaître quels sont les besoins permanents du service et ceux qui ne sont qu’occasionnels, bien que fréquents.

Ce sont donc les juges administratifs qui ont donné, au fil des affaires qui leur ont été soumises, les indices pour opérer la distinction entre vacataires et agents non-titulaires (contractuels).

  • L’absence d’un contrat écrit ne permet pas de présumer de la qualité de vacataire (CE, 2003, AP-HP, n° 236510).
  • Le juge n’est pas lié par la mention de la qualité de vacataire dans l’acte d’engagement (CE, 1982, M. Robert X., n° 21628). De même, une personne recrutée en qualité « d’agent temporaire » n’est pas nécessairement un vacataire (CE, 1990, p. 186) :
  • Le principal critère distinctif entre un agent vacataire et un agent contractuel tient dans le caractère permanent ou non du besoin ayant justifié le recrutement.

Un vacataire est recruté pour effectuer une tâche précise limitée à l'exécution d’un acte déterminé, ponctuelle (l’absence de continuité dans le temps permet de s’assurer que l’emploi ne correspond pas à un besoin permanent de la collectivité).

L’administration peut tout à fait recruter des vacataires par plusieurs contrats successifs (CE, 2013, Mme B., n° 347145). Dans ce cas, le besoin de la personne publique dure plus longtemps que prévu, mais il ne peut pas être permanent (autrement, l’agent concerné doit être recruté en tant que contractuel si aucun fonctionnaire ne peut être recruté).

Toutefois, un renouvellement successif et ininterrompu de fonctions, indépendamment de la durée de chaque recrutement, constitue un indice important de l’existence d’un besoin permanent.

En outre, la qualification d’emploi permanent est indépendante de la circonstance que l’agent qui l’occupe a été recruté à temps partiel (CE, 1993, Hemmer, T. p. 835).

Le vacataire est par ailleurs rémunéré en fonction des seules tâches que prévoit son contrat (il ne perçoit pas de traitement).

En résumé : Peu importe que l’agent concerné ait occupé l’emploi à temps complet ou à temps partiel, pour une durée limitée à quelques jours ou à quelques heures : dès lors que le besoin de l’administration est permanent, c'est-à-dire manifesté de manière constante et régulière pendant plusieurs années, cet agent ne peut être qualifié de vacataire.

 

Il arrive régulièrement que l’administration recrute des agents sous le régime de la vacation, largement moins protecteur pour ces derniers, alors que les missions qui leur sont confiées correspondent en réalité à des besoins permanents.

 

Quel est l’intérêt de contester un recrutement en tant que vacataire ?

Le statut de vacataire n’offrant aucune garantie en termes de reconduction de contrat, d’indemnité de licenciement ou de droits à des congés rémunérés, l’intérêt de la requalification du contrat de vacation tient essentiellement à ce que l’agent concerné puisse bénéficier d’un régime plus protecteur.

En cas de rupture du contrat de vacation ou de refus de renouvellement après plusieurs années d’emploi régulier, seul l’agent qui est déclaré contractuel est en droit de percevoir l’indemnité de licen­ciement prévue aux articles 43 et suivant du décret du 15 février 1988 (CAA Bordeaux, 2004 n° 00BX00213).

Par ailleurs, en cas de rupture irrégulière de la relation de travail, une demande de réintégration est envisageable seulement s’il est démontré que l’agent n’était pas vacataire mais contractuel. Au surplus, le droit à réparation sera plus important dans ce cas.

La personne publique ayant recruté irrégulièrement un vacataire au lieu d’un agent contractuel peut également être condamnée à réparer le préjudice finan­cier imputable à la différence de rémunération entre les vacataires et les agents contractuels (supplément familiale de traitement, indemnité de résidence, droits à congés, etc. – v. TA Amiens, 30 décembre 2003, n° 00439 pour la condamnation d’un département à verser à un dentiste scolaire la somme de 20 000 € au titre de l’absence des droits à congés constatés).

 

Dans quels cas peut-on espérer obtenir gain de cause devant le tribunal administratif pour faire requalifier un contrat de vacation en CDD ou en CDI ?

Il est possible de saisir la juridiction administrative pour contester son recrutement en tant que vacataire et demander la requalification d’un contrat de vacation en contrat à durée déterminée, voire en contrat à durée indéterminée si les circonstances le justifient. Le cas échéant, la requête peut être accompagnée de demandes tendant au versement d’une indemnité, voire de la réintégration de l’agent en cas de licenciement illégal.

Certes, le juge administratif peut dans certains cas confirmer le statut de vacataire malgré la succession de contrats :

  • une personne employée pendant quatre ans pour effectuer ponc­tuellement, en fonction des besoins en personnel, des activités d’animation au centre de loisirs de la commune et des remplacements dans les can­tines scolaires, selon des horaires et des périodes d’emploi variables (CAA Marseille, 2008, Mme Céline X., n° 05MA00991).
  • une chargé d’enseignement intervenant en qualité de for­matrice occasionnelle pour le compte du CNFPT, même si ses interventions ont porté sur une pé­riode de onze années (CAA Douai, 2003, Mlle D., n°00DA00824).
  • certains agents recrutés par l’INSEE pour des contrats d’une durée inférieure à un an en vue de recueillir des données pour des enquêtes différentes à l’occasion de chaque recrutement  peuvent être qualifiés de vacataires (CE, 2003, p. 149).
  • Une interprète traductrice de langue arabe recrutée entre 1991 et 1999 par des officiers de police judiciaire de la direction générale de la police nationale dans le cadre de réquisitions judiciaires pour exécuter des tâches précises et ponctuelles de traduction et ponctuellement recrutée par un ministère en juin, juillet et août de l'année 1999 ainsi qu'en avril et en mai de l'année 2001 pour des missions ponctuelles, n’est pas un agent non-titulaire de l’État mais un vacataire (CE, 2013, T. p. 668).

Toutefois, de nombreux exemples tirés de la jurisprudence administrative démontrent que personnes publiques, État ou collectivités territoriales, abusent à tort du recrutement de vacataires alors qu’elles devraient recruter des agents contractuels en CDD ou en CDI.

  • un agent inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel de Paris en qualité de traducteur-interprète en langues anglaise et arabe qui assurait non seulement des permanences d'interprétariat auprès d’un tribunal de grande instance, mais qui s’était en plus vu confier l'organisation d'un service de permanence d'interprétariat au sein de la juridiction, n’est pas vacataire mais contractuel (CE, 2015, n° 371671).
  • un agent, architecte-dessinateur, rémunéré au taux horaire et recruté à titre essentiellement précaire et révocable mais sur un emploi permanent et rémunéré mensuellement depuis plus de trois ans, n’est pas un vacataire mais un agent contractuel (CE, 1982, mentionné aux Tables).
  • Un médecin-radiologue qui a prêté son concours de manière continue au dispensaire municipal d’une commune pendant une durée de 13 ans et 5 mois, à raison de trois demi-journées par semaine en moyenne, « occupait un emploi permanent », de sorte qu’il « ne [pouvait] être regardé comme ayant eu la qualité de vacataire, alors même que l'acte par lequel il avait été nommé dans cet emploi faisait mention d'un recrutement en cette qualité, qu'il était rémunéré sur la base d'un nombre de vacations multiplié par un taux horaire et qu'il exerçait parallèlement, une activité médicale à titre libéral » (CAA Paris, 1989, Jodelet, mentionné aux Tables).
  • un professeur de solfège assurant, au conservatoire municipal, quatre heures heb­domadaires de service depuis de nombreuses années, et rémunéré sur la base d’une grille de rémunération se référant au classement indi­ciaire des fonctionnaires, n’est pas un enseignant vacataire (CE, M. Daniel X., n°135589, mentionné aux Tables)
  • Malgré les termes de son contrat d’engagement et sa rémunération par des « vacations mensuelles », n’est pas un enseignant vacataire l’agent qui a « dispensé pendant huit ans quatre heures hebdomadaires d'enseignement du piano durant la période scolaire jusqu'à la lettre du 11 septembre 1989 par laquelle le maire d'Harfleur lui notifiait que cet enseignement devait prendre fin en raison du nombre insuffisant des inscriptions d'élèves ». Cet agent occupait en réalité « non pas un poste de vacataire, mais un poste permanent d'agent non titulaire à temps partiel » (CE, 15 janvier 1997, commune d’Harfleur, n° 141737).
  • un agent recruté en qualité de professeur de formation musicale à l’école municipale de musique et de danse pour occuper un emploi permanent à temps non complet vacant, même si la collectivité l’a qualifié de « vacataire » dans les arrêtés qui le concernaient, et l’a rémunéré sur une base horaire, est en réalité un agent non-titulaire (CAA Paris, 1996, Commune de Roissy-en-France, n°95PA03856).
  • un agent territorial qui a exercé pendant plus de vingt ans les fonctions de professeur de chant à raison de 20 heures par semaine, c'est-à-dire sur un temps partiel, ne saurait être qualifié de vacataire, étant précisé « que ni la circonstance qu’elle ait été tenue de signer des feuilles de présence, ni le fait qu’elle ait été rémunérée sur la base de vacations mensuelles multipliées par un taux horaire ne sauraient permettre de la considérer comme un agent vacataire » (CE, 1988, Planchon c/ commune d’Issy-les-Moulineaux).
  • un agent recruté pour exercer les fonctions d’animateur au sein des ateliers scolaires organisés par le centre de loisirs municipal pour toute la durée de l’année scolaire, quand bien même sa rémuné­ration a pris la forme de vacations, est un agent contractuel (CE, 1996, Commune de Rambouillet, n°115865).
  • la gardienne d'un centre communal d'action sociale (CCAS) qui devait assurer une permanence journalière de gardiennage et de veille de nuit de 22 heures à 8 heures du matin, qui ne pouvait se faire remplacer qu'avec l'agrément du CCAS qui était tenue de respecter, dans le cas où elle aurait envisagé de cesser ses fonctions, un préavis de deux mois, a été qualifiée d’agent contractuel et non de vacataire par le Conseil d’État dès lors que les tâches qui lui étaient confiées et les conditions dans lesquelles elle devait les exécuter – obligations de service, respect d’un préavis avant la cessation des fonctions et existence d’un lien de subordination avec le CCAS – caractérisaient un besoin permanent de son employeur (CE, 2010, Mme Henny T. p. 829).
  • Par un récent arrêt en date du 2 décembre 2019, le Conseil d'État a également jugé qu’un gardien d’immeuble recruté en tant que vacataire depuis 10 ans pour assurer le remplacement de fonctionnaires d’un CCAS pendant leurs congés, aurait dû être recruté comme contractuel puisqu’il s’agissait d’un besoin permanent de la collectivité publique qui l’employait (CE, 2 décembre 2019, n° 412941, sera mentionné aux Tables).

                   EN CONCLUSION :

Au vu de la précarité de sa situation, l’agent recruté en tant que vacataire depuis plusieurs années peut sérieusement s’interroger sur le bien-fondé de son statut.

Un avocat pratiquant régulièrement le droit de la fonction publique pourra le conseiller utilement et lui indiquer si son contrat peut être requalifié en CDD, voire en CDI et les chances de succès d’un recours gracieux ou contentieux.