La Constitution limite à quelques personnes seulement la faculté de saisir le Conseil constitutionnel afin que celui-ci contrôle la constitutionnalité d’une loi avant sa promulgation (autrement dit, la veille de son entrée en vigueur).
Une « contribution extérieure » ou « porte étroite » est un document informel par lequel des particuliers ou des groupements (associations, entreprises…) peuvent lui soumettre de manière officieuse – mais néanmoins publique – une note argumentée visant à défendre ou bien à critiquer le texte voté par le Parlement.
À quelle occasion peut-on envisager une « porte étroite » ?
Une contribution extérieure est soumise à une seule condition : le Conseil constitutionnel doit avoir été officiellement saisi avant la promulgation de la loi.
Pour information, l’article 61 de la Constitution prévoit que sont seuls compétents pour effectuer une telle saisine : le Président de la République, le Premier ministre, les Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu’au moins soixante députés ou soixante sénateurs.
Qui peut déposer une contribution extérieure devant le Conseil constitutionnel ?
Dès lors que le Conseil constitutionnel est saisi par de l’une ou l’autre des autorités compétentes, quiconque est intéressé peut déposer une contribution extérieure devant lui pour exprimer son soutien ou sa désapprobation quant au texte voté par le Parlement.
Concrètement, tout citoyen ou groupement qui considère que son intérêt est d’assurer la promulgation d’une loi ou, au contraire, de provoquer sa censure par le juge constitutionnel, peut déposer une contribution extérieure afin de lui exposer sa position.
Pourquoi est-il utile de déposer une contribution extérieure ?
Bien que dépourvues de caractère officiel, les contributions extérieures permettent aux acteurs de la « société civile » d’influencer le contrôle de la constitutionnalité de la loi opéré par le Conseil constitutionnel.
À titre d’exemple récent, trois contributions extérieures ont été déposées dans le cadre de la saisine du Conseil constitutionnel relative à la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, dont l’une par l’association de défense des libertés constitutionnelles (ADELICO), la ligue des droits de l’homme (LDH), le syndicat des avocats de France (SAF) et le syndicat de la magistrature (SM), la seconde par des parlementaires et la troisième pour les associations CORONAVICTIMES et le Comité anti-amiante de Jussieu (v. le site du Conseil constitutionnel).
Quelles sont les modalités pratiques de dépôt d’une contribution extérieure ?
Elles peuvent être adressées au Conseil constitutionnel par toute personne qui le souhaite, à titre individuel ou au nom d’une association, d’une entreprise ou d’un groupement, même dépourvu de personnalité juridique.
Il suffit, en pratique, d’écrire au Conseil constitutionnel, à son Président, à son Secrétaire général ou à l’un ou l’autre de ses membres.
La contribution peut prendre différentes formes : un simple courrier, une note technique en rapport avec l’objet de la loi déférée, une consultation juridique …
En ce qui concerne son contenu, des éléments factuels, économiques ou sociétaux peuvent y être développés afin d’éclairer les membres du Conseil constitutionnel sur les enjeux de la loi soumise à son examen.
Toutefois, seuls les arguments relatifs à la méconnaissance des règles, principes et objectifs de valeur constitutionnelles sont susceptibles de retenir son attention en vue de justifier une censure de la loi.
Il est donc conseillé qu’un avocat maîtrisant le droit public – et plus particulièrement le droit constitutionnel – participe à la rédaction d’une telle contribution (même si ce n’est pas une obligation).
En termes de calendrier, une contribution extérieure doit être adressée au Conseil immédiatement après sa saisine officielle. Si l’on tarde trop, en effet, il est à craindre que celui-ci rende sa décision sans en avoir pris connaissance.
Quelles sont les chances pour qu’une contribution extérieure influence la décision rendue par le Conseil constitutionnel ?
En raison de son caractère officieux, rien ne permet de garantir que l’argumentation développée au soutien d’une « porte étroite » sera examinée, ni a fortiori qu’elle sera retenue par le Conseil constitutionnel, qui décide librement de tenir compte ou d’ignorer les arguments qui y sont développés.
Néanmoins, une contribution extérieure a de sérieuses chances d’être prise en compte par le Conseil constitutionnel et d’influencer sa décision si ses auteurs démontrent l’inconstitutionnalité de la loi dénoncée (ou bien au contraire son respect de la Constitution).
En effet, le Conseil étant compétent pour soulever de lui-même des questions de conformité à la Constitution n’ayant pas été formulées par les auteurs de la saisine officielle, il est particulièrement opportun de pouvoir lui proposer des arguments juridiques étayés et convaincants, qu’il sera susceptible de reprendre à son compte pour le cas où les saisines officielles ne les auraient pas développés.
La publication des portes étroites depuis 2019 incite par ailleurs le Conseil constitutionnel à prendre au sérieux celles qui développent des argumentations juridiquement imparables.
L’intervention d’un avocat en droit public pour rédiger une contribution extérieure constitue donc un atout indéniable.
Bénédicte ROUSSEAU
Avocate en droit public
* Le Conseil constitutionnel est situé au n° 2 de la rue de Montpensier, au sein du Palais-Royal où se trouve également le Conseil d'État.
Pour aller plus loin :
G. Vedel, « L’accès des citoyens au juge constitutionnel, La porte étroite », La vie judiciaire 11-17 mars 1991.
Marc GUILLAUME, « Le traitement des saisines parlementaires par le Conseil constitutionnel depuis la QPC », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 48, juin 2015, p. 127).
Denys de BÉCHILLON, « Réflexions sur le statut des “portes étroites” devant le conseil constitutionnel », Les notes du club des juriste, janvier 2017.
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