En principe, la responsabilité d'un hôpital ou d'une clinique ne peut être engagée qu'en cas de faute.
Par exception, les accidents médicaux non fautifs peuvent donner lieu à indemnisation au titre de la solidarité nationale lorsque "qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret... »" , ce par application de l’article L1142-1 du code de la santé publique.
La condition d’anormalité des préjudices est problématique car il est difficile de distinguer entre les préjudices normaux et anormaux en l'absence de définition donnée par la loi.
C'est donc l'oeuvre de la jurisprudence de la Cour de Cassation et du Conseil d'Etat.
Le Conseil d’État a, dans un arrêt du 12 décembre 2014, posé le principe suivant : « Considérant que la condition d’anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l’acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l’absence de traitement ; que, lorsque les conséquences de l’acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l’absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. »
La Cour d'appel d'Aix en Provence a suivi ce principe dans un arrêt du 21 mai 2015 en jugeant qu'au vu de l'expertise, l'anormalité du dommage fait défaut chez une patiente soignée pour un lymphome et atteinte d'une infection iatrogène lui ayant défénitivement perdre l'usage de ses deux reins. Les conséquences auxquelles elles s'exposait sans le traitement étaient plus graves que les conséquences survenues par la prise de produits chimiques médicamenteux. Ce qui était contestable dans ce dossier était l'existence de deux rapports d'expertise contraires. Les Juges d'Appel ont néanmoins considéré que le risque de mort auqeul était exposé le patient à défaut de traitement était plus grave que la perte définitive de l'usage de ces reins.
La Cour de cassation a, dans une autre espèce, suivi cette approche selon arrêt rendu le 15 juin 2016 et décidé que, pour apprécier la condition d’anormalité du préjudice, il convenait de rechercher si les conséquences de l’acte médical étaient notablement plus graves que celles de l’évolution naturelle de la pathologie de la victime. A défaut, il fallait déterminer si la survenance du dommage présentait une probabilité faible.
Comment apprécier la probabilité?
Il restait le problème de la méthode d’appréciation de la probabilité du risque.
Le Conseil d'Etat a censuré la Cour d'Appel de LYON et été amené à préciser sa jurisprudence, selon arrêt du 15 octobre 2018, dans les termes suivants:
"Considérant que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès ; que, pour juger que la survenance du dommage subi par M. A... ne présentait pas une probabilité faible, la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée sur la circonstance que l'intéressé se trouvait exposé, compte tenu de l'intervention chirurgicale pratiquée, à un risque d'hémorragie présentant une probabilité de 20 % ; qu'en se fondant sur la probabilité générale de subir une hémorragie lors d'une telle intervention, au lieu de se fonder sur le risque de survenue d'une hémorragie entraînant une invalidité grave ou un décès, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;"
La Cour d'Appel de LYON avait jugé que le risque d'hémorragie , dans l'opération chirurgicale en question, était assez élevé, de l'ordre de 20 % et que par conséquent, le dommage n'était pas anormal . Le Conseil d'Etat a censuré la Cour administrative d'appel qui aurait dû rechercher la probabilité que le risque d'hémorragie engendre la gravité des séquelles subies par la victime.
L'Avocat devra être particulièrement vigilent dès le stade des opérations d'expertise afin que l'Expert judiciaire réponde aux questions de façon suffisement précise.
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