Affirmer que la clause d'activité d'un bail commercial est d'une importance capitale est une vérité d'évidence.

 

C'est pourtant un élément du bail souvent mal négocié par le preneur ou mal compris de ce dernier quant aux conséquences de sa rédaction ou lors de son évolution.

 

Pour rappel, la clause d'activité prévue au bail permet au preneur de connaître et fixer les activités qu'il pourra exercer au sein de ses locaux.

 

L'analyse de cette clause aura toute son importance au moment de la négociation du bail et au cours de sa rédaction, mais aussi en cas de cession du fonds de commerce.

 

En effet, à l'occasion de la vente de son fonds de commerce il sera indispensable de vérifier, entre autre,  que l'activité prévue au bail correspond avec celle envisagé par le cessionnaire du fonds de commerce et aussi que l'activité exercée au sein du fonds de commerce convoité soit autorisée par le règlement de copropriété.

 

C'est un cas de figure fréquent que l'on rencontre maintes fois notamment lorsqu'il s'agit d'un fonds de commerce de restauration.

 

Le client envisage d'acquérir un fonds de commerce de restauration et présente un bail commercial dont la clause d'activité autorise tout type de restauration.

 

Le fonds de commerce existe depuis un certain temps parfois depuis plusieurs dizaines d'années.

 

Malgré cette préexistence il faudra toujours vérifier que le règlement de copropriété n'interdit pas l'activité de restauration.

 

Cela semble simple mais cette vérification n'est pas systématique et expose le nouveau preneur ou le cessionnaire du fonds à une action en résiliation du syndicat des copropriétaires.

 

La sanction sera alors radicale.

 

La clause d'activité prévue au bail est donc fondamental mais elle ne demeure pas figée pour autant durant la vie du bail.

 

Cette clause peut évoluer, c'est ce que l'on nomme la déspécialisation, qui sera partielle, plénière ou intervenant dans le cadre d'une cession particulière dite "cession-déspécialisation"

 

1. Déspécialisation partielle

 

A- Définition

 

La déspécialisation partielle est la possibilité pour le locataire d’adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires (C. com., art. L. 145-47) ou, pour le tribunal de commerce, dans le cadre d’un plan de cession, de permettre au repreneur d’adjoindre à l’activité prévue au contrat des activités connexes ou complémentaires.

 

Cette notion d’« activités connexes et complémentaires » n’est définie que par la jurisprudence qui est en la matière très dense et à analyser en fonction des activités concernées.

Il s’agit d’activités qui sont voisines ou qui complètent l’activité du preneur telle qu’elle résulte du contrat. Elle se distingue de celle d’activités incluses, que le preneur peut librement exercer en dehors de toute procédure.

B- Régime de la déspécialisation partielle hors plan de cession

Aux termes des articles L. 145-47 et L. 145-55 du code de commerce, le locataire commercial est tenu de faire connaître son intention au propriétaire par acte extrajudiciaire, en indiquant les activités dont l’exercice est envisagé.

 

À partir de cette signification, le propriétaire dispose de deux mois, à peine de déchéance, pour indiquer à son cocontractant s’il conteste le caractère connexe ou complémentaire de ces activités. Le silence vaut acceptation.

 

En cas de contestation, que le bailleur n'a pas à motiver, le tribunal de grande instance, saisi par la partie la plus diligente, se prononce en fonction notamment de l’évolution des usages commerciaux.

 

Lors de la première révision triennale suivant la notification de déspécialisation, il peut être tenu compte, pour la fixation du loyer, des activités commerciales adjointes, dès lors que celles-ci ont entraîné par elles-mêmes une modification de la valeur locative des lieux loués.

 

Le preneur dispose d’un droit de renonciation à exercer ses prérogatives issues de la déspécialisation partielle : à tout moment et jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, le locataire qui a formé une demande de déspécialisation partielle peut y renoncer en le notifiant au bailleur par acte extrajudiciaire. Il supporte alors tous les frais de l’instance (C. com., art. L. 145-55).

C- Régime de la déspécialisation partielle dans le cadre d’un plan de cession

Selon l’article L. 642-7 du code de commerce, alinéa 4, issu de la loi no 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, après avoir entendu ou dûment appelé le bailleur, le tribunal de commerce peut, si un contrat de bail commercial portant sur un ou plusieurs immeubles ou locaux utilisés pour l’activité de l’entreprise figure dans le plan de cession, autoriser dans le jugement arrêtant le plan le repreneur à adjoindre à l’activité prévue au contrat des activités connexes ou complémentaires.

 

Ces dispositions sont applicables aux procédures de liquidation judiciaire ouvertes à compter du 20 juin 2014.

 

2. Déspécialisation plénière

 

A- Définition

La déspécialisation plénière permet au preneur à bail commercial, sur sa demande, d’exercer dans les lieux loués une ou plusieurs activités différentes de celles prévues au bail (C. com., art. L. 145-48).

 

Le changement doit être imposé par la conjoncture économique et les nécessités de l’organisation rationnelle de la distribution et ces activités doivent notamment être compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble ou de l’ensemble immobilier.

 

Exemple habituel et facilement compréhensible:

 

Si votre local se situe dans un quartier ou la restauration connaît un véritable essor, alors qu'il était avant destiné à la vente d'objet de décoration, vous ne pourrez demander la déspécialisaton que si le règlement de copropriété n'interdit pas l'activité de restauration et si la mise en place d'une extraction demeure possible.

 

B- Champ d’application

 

Le droit à déspécialisation totale appartient à tout locataire soumis au statut des baux commerciaux, à l’exception du premier locataire d’un local compris dans un ensemble constituant une unité commerciale définie par un programme de construction. Cette exception vaut pendant un délai de neuf ans à compter de la date de l’entrée en jouissance du locataire.

 

C- Régime

 

Une demande doit être faite au bailleur par acte extrajudiciaire et comporter, à peine de nullité, l’indication des activités dont l’exercice est envisagé.

 

Selon la même forme, elle doit être dénoncée aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce. Ces derniers peuvent demander que le changement d’activité soit subordonné aux conditions de nature à sauvegarder leurs intérêts.

 

Dans le mois de cette demande, le bailleur doit en aviser par acte d’huissier, ceux de ses locataires envers lesquels il se serait obligé à ne pas louer en vue de l’exercice d’activités similaires à celles visées dans la demande.

 

Ceux-ci doivent, à peine de forclusion, faire connaître leur attitude dans le mois de cette notification.

 

À défaut par le bailleur d’avoir, dans les trois mois de la demande, signifié son refus (qui ne peut être motivé que par un motif grave et légitime ou par la volonté du bailleur de reprendre les locaux à l’expiration de la période triennale en cours pour réaliser des travaux), son acceptation ou encore les conditions auxquelles il subordonne son accord, il est réputé avoir acquiescé à la demande.

Le changement d’activité peut motiver le paiement, à la charge du locataire, d’une indemnité égale au montant du préjudice dont le bailleur établirait l’existence. Ce dernier peut en outre, en contrepartie de l’avantage procuré, demander, au moment de la transformation, la modification du prix du bail à la valeur locative sans attendre la prochaine échéance triennale.

 

Le tribunal de grande instance peut autoriser la transformation totale ou partielle malgré le refus du bailleur, dès lors que ce refus n’est pas justifié par un motif grave et légitime. Si le différend porte seulement sur le prix du bail, c’est le président du tribunal qui est saisi, dans le cadre d’une procédure sur mémoire.

Comme en matière de déspécialisation partielle, le preneur bénéficie d’un droit de renonciation.

 

3. Cession-déspécialisation

 

A- Définition

 

Possibilité, pour le preneur à bail commercial ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité attribuée par le régime d’assurance invalidité-décès des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales, de céder fonds de commerce (C. com., art. L. 145-51).

 

L’associé unique d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, tout comme le gérant majoritaire depuis au moins deux ans d’une société à responsabilité limitée, lorsque celle-ci est titulaire du bail, sont éligibles à ce dispositif.

 

B- Régime

 

Le locataire doit signifier à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l’exercice est envisagé ainsi que le prix proposé.

 

Pendant deux mois, le bailleur dispose d’une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification. À défaut d’usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n’a pas saisi le tribunal de grande instance.

 

 Enfin, La nature des activités dont l’exercice est envisagé doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble, notamment une fois de plus respecter les interdictions prévues au règlement de copropriété. (Interdiction de la restauration, bar etc....)