Nous savons que les dispositions permettant la suspension du règlement des loyers commerciaux, en dehors d’être mal rédigées, ne s’adressent en fait qu’à un nombre extrêmement restreint de commerçants.

Donc, pour la plupart d’entre eux, et principalement ceux dont la réouverture sera la plus lointaine, les difficultés de règlement des loyers commerciaux constitueront une grosse difficulté.

Pour sortir de ce brouillard, il conviendra de revenir aux sources et aux dispositions permettant d’obtenir des délais de règlement.

Les dispositions régissant les règlent relatives aux baux commerciaux précisent, en cas d’impossibilité de payer son loyer commercial une procédure en deux temps principaux.

Le premier temps : Le bailleur constatant que son loyer demeure impayé par faire délivrer par huissier un commandement de payer visant la clause résolutoire présente à votre bail.

Ce commandement vous laisse alors un mois pour régler les loyers impayés, ce délai passé, l’acquisition de la clause résolutoire est automatique et le bailleur peut enclencher le deuxième temps de sa procédure.

Le deuxième temps : Le bailleur assigne alors en référé son preneur afin de solliciter du juge la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et l’expulsion du preneur de son du local commercial.

L’assignation se fait devant le Président du Tribunal Judiciaire, sous la forme de l’audience des référés.

Le preneur dispose alors d’une série de moyens de défense qui sont principalement au nombre de  deux.

Il peut d’abord tenter de contester la validité le commandement de payer et sa signification.

Ces commandements sont encadrés par un formalisme strict dont sa rédaction parfois hasardeuse peut parfois le rendre facilement annulable. (Mais l’étude de ces moyens de défense n’est pas l’objet principal de cet article)

En effet, le preneur peut aussi solliciter du juge des délais de règlements, qui n’auront pas pour but de remettre en cause l’acquisition de la clause résolutoire, mais d’en suspendre les effets.

C’est donc la décision du juge qui ferra du respect de l’échelonnement proposé la condition élémentaire de la suspension de l’effet de la clause résolutoire.

Pour autant, il ne suffit pas de se présenter devant le juge des référés, et de solliciter, des délais et la suspension de la clause résolutoire pour pouvoir les obtenir.

Encore faut-il présenter au juge un dossier démontrant que ses conditions d’octroi sont remplies.

1/ Les conditions de l’octroi de délais de paiement

L'article L. 145-41 du Code de commerce détermine les conditions d'application de la clause résolutoire et de sa suspension. 

Cette disposition précise que les juges saisis d'une demande présentée par le preneur dans les formes et conditions prévues à l’articles 1343-5 du Code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre les effets de la clause résolutoire.

En effet,  le juge des référés est toujours attentif à l’analyse de ces situations puisque l’acquisition de la clause résolutoire emporte la perte de son fonds de commerce par la preneur, il s’agit donc d’une décision lourde de conséquences.

"Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’articles 1343-5 du Code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée (....)".

L’octroi de délais de paiement est subordonné à deux conditions :

-Le juge des référés ou le juge du fond doit être saisi d'une demande en ce sens par le preneur, il n’existe donc aucune automaticité, ni d’obligation de relevé ce moyen d’office pour le juge.

–  cette demande n’est recevable que lorsque la résiliation n'a pas été prononcée ou constatée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée.

Une simple opposition au commandement de payer ne suffit pas, il faut en faire expressément la demande.

Le preneur peut solliciter sa demande après le délai d’un mois prévu par le commandement et même pour la première fois en appel.

Il est fréquent qu’un locataire ne parvient pas régler les causes du commandement de payer dans le délai d’un mois qui lui est imparti.

 Ainsi l’article 1343-5 du Code civil dispose :

Toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

En outre, il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement, par le débiteur, d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux dettes d'aliments.

 

Il est nécessaire de rappeler la jurisprudence constante puisque la Cour de cassation décide que le juge ne peut suspendre les effets de la clause résolutoire et dire que la clause n'a pas joué, au seul motif que la locataire se trouvait à jour de ses loyers, sans accorder auparavant des délais au preneur.

(Cass. 3e civ., 4 mai 2011, n° 10-16.939, FS-D, Vigna c/ Sté Hôtel de Lausanne).

La demande de délais est nécessaire même si le locataire a exécuté ses obligations dès lors qu'il ne l'a pas fait dans le délai d'un mois imparti par le commandement.

Des délais peuvent être accordés dans la limite de deux ans compte tenu à la fois “de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier”.

En outre, le juge peut prescrire que les sommes dues porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal (C. civ., art. 1244-1, al. 2).

La demande de délais n’est nullement conditionnée à la seule existence d'une situation économique catastrophique de celui qui les demande, mais relève du pouvoir discrétionnaire du juge (CA Lyon, 8e ch., 13 sept. 2011, n° 10/03484 : JurisData n° 2011-024415).

En pratique le débiteur devra faire la preuve de sa bonne foi et de ses difficultés financières en apportant toutes les preuves justifiant du non-paiement.

Venir à l’audience éventuellement avec un règlement partiel fera toujours bonne impression au juge. (Sans pour autant garantir de la suspension de la clause résolutoire)

Les magistrats refusent la demande de délais lorsqu’il y a aggravation constante de la dette sans que le preneur ne puisse établir qu'il sera en mesure de l'apurer dans le délai sollicité (CA Paris, 26 févr. 2003) ou de la remise à l'huissier ayant délivré le commandement de 4 chèques antidatés permettant d'étaler leur encaissement sur plusieurs mois, ce qui relève d'une pratique illégale (CA Orléans, 22 sept. 2005, n° 04/03213 : JurisData n° 2005-297061)).

Ainsi, si le juge estime les conditions remplies, il va rendre une ordonnance qui, constatera l’acquisition de la clause résolutoire et sa date, MAIS en suspendra les effets au respect du calendrier de paiement fixé par le juge.

SI le preneur respecte les dispositions de l’ordonnance, alors, la clause résolutoire ne peut être invoquée par le bailleur.

Cependant si le preneur n’en respecte pas les conditions de règlements, alors les conséquences sont lourdes.

II/ sur les conséquences du défaut de paiement

Le défaut de paiement par le débiteur de l'échéancier prévu, entraîne l'acquisition définitive de la clause résolutoire.

L’ordonnance de référé prévoit fréquemment que la suspension des effets de la clause résolutoire est subordonnée au paiement des loyers à échoir à la date contractuelle pendant la durée des délais impartis.

Si les loyers à échoir postérieurement ne sont pas visés par l'ordonnance, leur non-paiement par le débiteur ne peut entraîner la résiliation sur le fondement de la clause résolutoire qu'après signification d'un commandement.

Il est donc recommandé de demander au juge qui accorde les délais de prévoir que le défaut de règlement des échéances à échoir emportera la résiliation de plein droit.

(Cass. 3e civ., 2 avr. 2003, Sté Foncière Burho c/ Sté Clayton : Juris-Data n° 2003-0018477 (Cassation de CA Paris. 16e ch. civ., sect. B, 19 oct. 2001)

Nous terminerons sur un piège redoutable qui se referme bien souvent sur le preneur imprudent.

Il s’agit du cas, où l’ordonnance de référé octroyant des délais n’est pas immédiatement signifiée par le bailleur. Le preneur peut alors, à tort, considérer qu’il n’a pas à exécuter le règlement échelonné prévu par le juge.

Grave erreur, car l’ordonnance de référé signifiée même plusieurs mois plus tard ne viendra qu’entériner le défaut de paiement du preneur et le défaut de respect des dispositions de cette ordonnance....son bail commercial sera définitivement perdu.