Placé sous les feux de l’actualité présidentielle américaine et de la crise sanitaire mondiale, le vote par correspondance existe aussi dans notre arsenal juridique, avec ses détracteurs et ses défenseurs, sans doute avec moins de polémique que celle suscitée outre-Atlantique, à des fins politiciennes…

 

Sera traitée ici la question du vote par correspondance des copropriétaires aux assemblées générales et le nouvel ordre créé par la crise sanitaire.

 

Créé par la loi ELAN du 23 novembre 2018 afin de lutter contre l’absentéisme aux assemblées générales de copropriété, il est salué par certains praticiens de la copropriété comme un outil-clé devant faciliter l’expression du suffrage des copropriétaires aux assemblées générales auxquelles ils manquent souvent à l’appel.

 

D’autres prédisent inversement qu’il nuira à la qualité des débats, dont l’oralité serait essentielle... Une oralité que la jurisprudence renforce parfois, comme le montre par exemple la question de l’instruction de vote donnée au mandataire et le choix effectué par ce dernier lors de l’assemblée, ce dernier prévalant sur la première en cas de conflit.

 

Par ailleurs, des dispositions spécifiques ont été adoptées dans le cadre de la crise sanitaire, que ce soit lors du premier confinement ou du second, les ordonnances du 25 mars 2020, 22 avril, 20 mai 2020 et enfin du 18 novembre 2020 ayant adapté le calendrier usuel des copropriétés aux contraintes générées par les restrictions sanitaires, en :

 

- prolongeant le mandat du syndic en place dans l’immeuble, jusqu’au 31 janvier 2021, et ce de plein droit (c’est-à-dire sans vote nécessaire de l’assemblée générale, malgré expiration du mandat (généralement, au 30 juin qui correspond à la date à laquelle les comptes n-1 doivent être approuvés et le budget adopté…))

 

- prévoyant la possibilité pour le syndic de copropriété, de convoquer l’assemblée générale de façon totalement dématérialisée, par visioconférence  -mais, et c’est là l’innovation - sans que ce recours ait été décidé au préalable par l’assemblée générale (comme cela est prévu dans le cadre des nouveaux dispositifs de votes introduits par la loi Elan en novembre 2018),

 

- enfin, en facilitant le recours au seul vote par correspondance de l’assemblée générale, en cas d’impossibilité de vote par visioconférence (ou tout autre moyen de communication électronique permettant l’identification des participants), cette décision pouvant être imposée par le syndic, y compris pour une assemblée générale déjà convoquée en présentiel.

 

Dans ce dernier cas, le syndic était initialement tenu d’en informer les copropriétaires au moins 15 jours avant la tenue de l’assemblée.

 

Afin de parer au second confinement et s’agissant des assemblées générales convoquées entre le 29 octobre et le 4 décembre 2020, l’ordonnance du 18 novembre 2020 a écarté la nécessité pour le syndic de respecter un délai de prévenance de 15 jours, celui-ci pouvant alors, à tout moment, informer les copropriétaires du fait que les décisions seront uniquement prises par correspondance, le syndic devant en ce cas établir, par tout moyen, la certitude de la date de réception de cette information.

 

Pour ce qui concerne le formulaire de vote par correspondance, celui-ci a été défini par un arrêté pris le 2 juillet 2020.

 

D’après cet arrêté, le formulaire doit obligatoirement être joint à la convocation de l’assemblée générale.

 

D’un point de vue formel, si le formulaire peut être adapté et modifié, aucune des mentions du modèle ne peut être supprimée.

 

Le formulaire rempli par le copropriétaire doit être retourné complété, paraphé et signé au syndic.

 

Mais celui-ci devra le réceptionner au plus tard trois jours « francs » avant l’assemblée générale (ce qui signifie trois jours pleins, celui de l’assemblée et le jour de réception par le syndic n’étant pas décomptés et s’y ajoutant donc).

 

Lorsque le formulaire de vote est transmis par courrier électronique, il est présumé réceptionné à la date de l’envoi (art. 9 bis, décret du 17 mars 1967).

 

Attention aux envois papier du formulaire car le délai d’acheminement postal doit être prévu afin que celui parvienne dans les temps au syndic.

 

Il est recommandé, s’il y a un risque de non-respect du délai, de l’envoyer en pièce jointe d’un courrier électronique car :

 

  • D’une part, le pouvoir sera présumé réceptionné à la date d’envoi du courriel, comme prévu à l’article 9 bis modifié du décret du 17 mars 1967,
  • D’autre part, un courriel peut parfaitement être réceptionné tout jour de la semaine, en particulier un dimanche, lorsque le délai expire un tel jour…

 

De plus, il faut savoir que ce délai n’est pas prorogé au premier jour ouvrable s’il expire un samedi ou un dimanche comme c’est le cas s’agissant de certains délais de procédure.

 

Concrètement, le copropriétaire va cocher la case correspondant à son choix pour chacune des résolutions.

 

Cependant, la loi prévoit que lorsqu’une résolution est modifiée en cours d'assemblée générale, le votant par correspondance ayant voté favorablement à cette résolution est alors assimilé à un copropriétaire défaillant pour cette résolution.

 

Son vote ne sera donc pas pris en compte et le procès-verbal de l’assemblée générale devra préciser, sous le résultat du vote de chaque résolution :

 

  • les noms et nombre de voix des copropriétaires opposants et de ceux qui se sont abstenus (obligation déjà prévue par les textes, puisqu’il s’agit ici de vérifier les personnes recevables à contester en justice la résolution adoptée, l’action en nullité étant ouverte aux opposants et défaillants) ;
  • ainsi que « ceux qui sont assimilés à un copropriétaire défaillant en application du deuxième alinéa de l'article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965 ».

 

En outre, la feuille de présence de l’assemblée générale devra indiquer les nom et domicile des copropriétaires ayant voté par correspondance avec mention de la date de réception du formulaire par le syndic.

 

Enfin, si un copropriétaire ayant voté par correspondance, s’est présenté à l’assemblée générale ou s’y est fait représenter (pouvoir donné à un mandataire présent à l’assemblée), les textes prévoient que son formulaire de vote sera automatiquement écarté.

 

La pratique judiciaire permettra de mieux circonscrire les difficultés d’interprétation que ne manquera pas de susciter ce nouveau mode de vote.