Deux décisions récentes, l'une de la Cour d'appel de Paris (CA Paris Pole 1 Ch. 2, 18 mars 2021 n° 20/13262), l'autre de la Cour d'appel de Lyon (CA Lyon, 8e Ch., 31 mars 2021 n° 20/05237) statuent à nouveau sur la question de l'exigibilité des loyers pendant la période de confinement général de la population du 16 mars au 10 mai 2020.
Les deux juridictions considèrent notamment que les moyens tirés de la force majeure et de l'exception d'inexécution, soulevés par les locataires, ne sont pas des contestations sérieuses s'opposant à une condamnation provisionnelle au paiement des loyers.
Force majeure
Pour être libéré de son obligation, le locataire doit prouver, selon l'article 1218 du Code civil que l'évènement considéré "empêche l'exécution de son obligation par le débiteur". Or, pour la juridiction lyonnaise l'obligation de payer les loyers, s'agissant d'une obligation pécuniaire, est toujours susceptible d'être exécutée, quelles que soient les difficultés d'exécution provisoires. Les juges parisiens ont une approche plus nuancée : ils écartent la force majeure en relevant que le locataire ne justifiait pas de difficultés de trésorerie rendant impossible l'exécution de l'obligation de payer les loyers. On s'interroge néanmoins sur la preuve attendue du locataire dans ce cas.
La différence de vue (qui peut s'expliquer par le fait que les magistrats lyonnais statuaient au regard des anciennes dispositions régissant la force majeure) aboutit au même résultat : le maintien de l'obligation de payer les loyers.
Ces décisions vont à l'encontre de l'arrêt rendu le 9 décembre 2020 par la Cour d'appel de Paris (CA Paris, Pole 1 Ch. 3, 9 décembre 2020 n° 20/05041), ayant jugé que la fermeture totale d'un commerce dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire et du confinement est susceptible de revêtir le caractère de la force majeure.
Exception d'inexécution
Aux termes de l'article 1219 du Code civil, une partie a le droit "de refuser d'exécuter son obligation si l'autre partie n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave". Toutefois, ce texte ne peut être invoqué utilement que dans les rapports entre les parties, comme le rappelle la Cour d'appel de Paris, et ne saurait donc justifier le non-paiement des loyers en l'absence de tout manquement établi du bailleur pendant la période de confinement.
De la même manière, les magistrats lyonnais relèvent que le bailleur a bien exécuté son obligation de délivrance puisque le locataire était bien en possession des locaux et les occupait pendant la période de confinement.
Ainsi, ni la force majeure ni l'exception d'inexécution ne permettent au locataire d'être immédiatement libéré de son obligation de payer les loyers dus pendant la période de confinement général de la population. Observons néanmoins que ces décisions interviennent sur appel d'ordonnance de référé et ne préjugent pas d'autres moyens qui peuvent être invoqués.
Le tribunal judiciaire de La Rochelle vient ainsi de décider, au titre d'une perte partielle de la chose louée, que le locataire n'était redevable d'aucune loyer pour la période du 16 mars au 11 mai 2020 (TJ La Rochelle 23 mars 2021 n° 20/02428).
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