La victime d'une erreur médicale doit se poser la question sur la voie juridique à choisir pour obtenir la meilleure indemnisation de son préjudice.

Elle peut choisir entre le juge du tribunal compétent et la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI devenue CCI mais les deux sigles seront utilisés dans cet article).

Quels sont les avantages et inconvénients des deux procédures ?

Cet article a pour objectif d'aider la victime d'un accident médical à faire ce choix (II) et d'exposer la procédure devant la CRCI (I).

I. Procédure amiable d'indemnisation de la CCI

1) Ouverture de dossier devant la CCI

La CRCI a été créée par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

a) Qui peut demander une indemnisation devant la CCI ?

Toute victime d'un dommage consécutif à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins réalisé à compter du 5 septembre 2001 peut saisir la CCI d’une demande d’indemnisation.

Il doit s'agir du cas d’un accident médical (accident survenu par exemple lors d'une chirurgie, une anesthésie, un accouchement, etc.), d’une affection iatrogène (un effet indésirable d’un traitement) ou d’une infection nosocomiale (une infection contractée dans un établissement de santé).

En cas de décès de la victime directe, son ayant droit peut également saisir la CRCI. En cas de victime mineure ou majeure protégée, la démarche sera effectuée par son représentant légal.

La demande de la victime doit être recevable devant la CRCI. Pour être recevable la victime doit avoir subi un préjudice imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins et ce préjudice doit être d'un certain niveau de gravité. 

Les dispositions de l’article D1142-1 du code de la santé publique précise le niveau de gravité requis. A cet égard, la procédure devant la CRCI est ouverte aux victimes ayant subi : 

  • tantôt une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieure à un taux de 24% (ou un décès) ;
  • tantôt un arrêt temporaire des activités professionnelles pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois ;
  • tantôt des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50% ;
  • tantôt, à titre exceptionnel, l’inaptitude à exercer son activité professionnelle ou des troubles particulièrement graves dans ses conditions d’existence (la victime de dommages subis à l’occasion de recherches biomédicales peut être indemnisée sans conditions de gravité).

b) Comment se déroule la procédure devant la CRCI ?

La demande initiale de la victime d'un accident médical comprend :

  • le formulaire de demande d’indemnisation
  • une description des faits sur papier libre
  • des pièces requises par la fiche qui accompagne le formulaire. 

La demande doit être envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception (ou sinon par dépôt contre récépissé) à la CCI compétente pour la région où a été réalisé l’acte de prévention, de diagnostic ou de soins.

Naturellement certaines pièces se trouvent dans le dossier médical qui doit être demandée par la victime.

Pour faciliter cette tâche, la victime d’un accident médical peut dorénavant télécharger en ligne sa lettre de demande du dossier médical à dimitriphilopoulos.com.

La CRCI vérifie la recevabilité de la demande notamment quant au seuil de gravité et l'imputabilité à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins. 

2) Réunion d'expertise médicale

Dans le cas où la demande serait recevable, la CRCI désigne un expert (ou des experts) avec pour mission de donner un avis technique sur l'accident médical subi par la victime.

L’ONIAM prend en charge le coût des missions d’expertise étant observé que la victime a souvent souscrit une garantie de protection juridique qui prend en charge les frais d’expertise devant le juge.

L'expert dira si les soins sont conformes aux données acquises de la science médicale, l'importance du préjudice et le lien être les deux. Il dira également si le préjudice est imputable à un accident médical sans faute et si la victime a reçu un consentement libre et éclairé.

L'expert convoquera la victime, les acteurs de santé et leurs conseils à une réunion d’expertise contradictoire.

Le rapport expertise est critique et l'avis technique des experts aura un impact majeur sur celui rendu par la CCI d'où l'importance pour la victime d'être bien défendue pendant l'expertise.

3) Réunion de la CRCI et son avis

A partir du moment où le dossier est complet (notamment lorsque le rapport d’expertise est déposé), la CCI aura 6 mois pour rendre un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l’étendue des dommages subis ainsi que le régime d’indemnisation applicable.

A cette fin, la victime sera convoquée à une réunion de la CRCI à la suite de quoi la victime recevra l'avis écrit de la commission.

Dans le cas d’un avis positif d’un accident médical non fautif, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) fait une proposition d’indemnisation à la victime dans un délai de 4 mois. En cas d’acceptation de la proposition, la victime reçoit son indemnisation dans un délai d’un mois. En cas de refus, la victime peut saisir le juge compétent.

De la même manière, dans le cas d’un avis positif d’un accident médical fautif, l’assureur du professionnel de santé en cause fait une proposition d’indemnisation dans un délai de 4 mois. En cas d’acceptation de la proposition, la victime reçoit son indemnisation dans un délai d’un mois. De même, en cas de refus, la victime peut saisir le juge compétent.

En cas de silence ou de refus de l’assureur de faire une offre, l’ONIAM est substitué à l’assureur sur demande de la victime en ce sens envoyée à l’ONIAM par lettre recommandée avec accusé de réception étant précisé qu’en cas de refus écrit de l’assureur il faut y joindre une copie du courrier.

II. Où obtenir la meilleure indemnisation ?

1) Problème des conflits

Dans le cadre de la proposition d'indemnisation après un avis positif de la CRCI, l'ONIAM (en cas d'accident médical sans faute) et l'assureur du responsable (en cas de faute) sont à la fois juge et partie. 

Il en résulte un conflit d'intérêt pouvant avoir une incidence négative sur l'indemnisation de la victime.

2) Problème des référentiels

L'ONIAM propose une indemnisation limitée par son référentiel alors que ce n'est pas le cas pour le juge.

Par ailleurs, la victime doit se contenter du point de vue du régleur de la compagnie d’assurance en cas d’accident médical fautif ou du référentiel d’indemnisation de l’ONIAM en cas d’un accident médical non fautif. 

Or, devant le juge, la victime n'occupe pas une position passive mais présente des demandes fondées sur des arguments juridiques.

En outre, le juge n'est pas limité par un quelconque référentiel.

3) Problème du barème de capitalisation

Les préjudices futurs de la victime sont souvent capitalisés. 

Plus le taux de capitalisation est bas, plus le capital alloué à la victime est élevé.

Le 15 septembre 2020, la Gazette du Palais a publié l’actualisation de son barème de capitalisation avec un taux de 0% ce qui tient compte de la conjoncture économique actuelle et du taux d’inflation nécessaire pour préserver le pouvoir d’achat du capital alloué à la victime (Gaz. Pal. 15 septembre 2020, n° hors-série).

A l’heure actuelle, la table de capitalisation du dernier référentiel de l’ONIAM se sert d’un taux trop élevé au regard de la conjoncture économique. Il en va de même des taux du barème BCRIV des assureurs (D Philopoulos. Nouveau barème de capitalisation BCRIV proposé par les assureurs : les taux ne sont pas conformes aux exigences de l’EIOPA, Gaz. Pal. 18 juill. 2017, n° 298t5, p. 18).

Il en résulte que les indemnités capitalisées sont nettement plus élevées devant le juge.

4) Problème de l'indemnisation de la tierce personne

Dans le cadre d’une proposition d’indemnisation après un avis positif de la CRCI, le tarif horaire de la tierce personne peut être nettement inférieur à celui retenu par le juge judiciaire. 

L’écart peut se creuser davantage lorsque la victime verse aux débats des factures probantes par exemple du tarif horaire en mode prestataire. 

En revanche, ce raisonnement n’est pas toujours applicable devant le juge administratif et la prudence s'impose.

Le choix de la voie de recours en tiendra compte dans le cas où une assistance par tierce personne serait nécessaire.

5) Problème de l'indemnisation du préjudice économique

L'indemnisation de la perte de gains professionnels, de la perte de chance professionnelle et de l'incidence professionnelle donne lieu à des contestations fréquentes qui trouvent leur place naturelle devant le juge.

III. Conclusion

Pour une affaire simple qui ne pose pas de difficulté particulière, la procédure de la CRCI peut être un choix avantageux. 

En effet, elle est relativement rapide par rapport à celle devant le juge et évite les voies de recours à l’encontre de la victime en cas d’acceptation de la proposition d’indemnisation par celle-ci.

En outre, l’ONIAM prend en charge le coût des missions d’expertise étant rappelé que la victime a souvent souscrit une garantie de protection juridique qui prend en charge les frais d’expertise devant le juge.

En revanche, dans les cas d'un préjudice grave ou de difficultés comme celles soulevées ci-dessus, la meilleure indemnisation de la victime d’un accident médical se trouve le plus souvent devant le juge.

Dans de tels cas, il convient de prendre conseil chez un avocat spécialisé dans l'indemnisation des victimes des erreurs médicales.

Dimitri PHILOPOULOS - Avocat et Docteur en médecine 

22 av. de l'Observatoire - 75014 PARIS

Tél : 01.46.72.37.80

Site internet du cabinet à https://dimitriphilopoulos.com/