Suivant les termes d'un jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 octobre 2023, un centre hospitalier a été condamné à indemniser les préjudices consécutifs à l'infirmité motrice cérébrale subie par l'enfant en raison d'une embolie amniotique.

L'embolie amniotique est un événement qui peut engager la responsabilité du gynécologue-obstétricien et/ou la sage-femme par exemple en raison d'un retard dans la prise en charge de cette urgence obstétricale.

I. Faits et procédure

La parturiente enceinte de son troisième enfant a été admise à la maternité d'un centre hospitalier en vue du déclenchement de son accouchement. 

Admise en salle de travail elle a fait un malaise et a été positionnée tête en bas par la sage-femme, le rythme cardiaque fœtal présentant alors des ralentissements profonds.

Dix minutes après, la dilatation du col était complète et la tête de l’enfant engagée.

Encore dix minutes plus tard, les efforts expulsifs ont débuté et une bradycardie fœtale est apparue.

Peu après, la sage-femme a fait appel à l’obstétricien de garde qui a pris 20 minutes de venir de son domicile.

Compte tenu de l’urgence, et avant l'arrivée du gynécologue-obstétricien, la sage-femme devait procéder à une extraction de sauvetage par forceps de l’enfant qui est né en état de mort apparente.

Après la mise en œuvre immédiate de manœuvres de réanimation, son activité cardiaque a pu être restaurée mais l’enfant reste atteint d’une infirmité motrice cérébrale de type encéphalopathie dyskinétique. 

Après deux expertises médicales, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier à verser une indemnité provisionnelle au titre de la perte de chance pour l'enfant d'éviter le handicap. 

II. Solution

1) Fondement légal

Aux termes du I de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : 

« Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère. »

2) Solution du tribunal

a) La faute

Le tribunal administratif a décidé que l’infirmité motrice cérébrale avec encéphalopathie de type tétraparésie dyskinétique extra pyramidale dont souffre l'enfant résulte du retard dans l’extraction à défaut pour la sage-femme d’avoir appelé à temps l’obstétricien.

Ce retard constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier.

b) Le préjudice spécifique de la perte de chance

Selon les motifs du tribunal administratif, les conséquences d’une bradycardie s’aggravent de minute en minute. Compte tenu de la marge d’incertitude qui demeure sur l’horaire précis à laquelle l’extraction aurait dû être pratiquée en l’absence de faute, il y lieu de retenir, dans les circonstances de l’espèce, un taux de risque d’encéphalopathie sévère, en l’absence de faute, de 7 %. 

Dans ces conditions, le juge administratif a décidé que le retard fautif a fait perdre à une chance d’éviter tout ou partie des séquelles de 93 %.

3) Remarques

Aux termes de l'article L. 4151-3 du code de la santé publique, la sage-femme doit faire appel au médecin obstétricien en cas de pathologie ou de dystocie : 

« En cas de pathologie maternelle, fœtale ou néonatale pendant la grossesse, l'accouchement ou les suites de couches, et en cas d'accouchement dystocique, la sage-femme doit faire appel à un médecin. »

Suivant ce texte, la sage-femme doit appeler le gynécologue-obstétricien en cas d'anomalies du rythme cardiaque fœtal de sorte que tout retard engage la responsabilité de l'établissement de santé ce qui ouvre droit à l'indemnisation de la paralysie cérébrale imputable à la faute (cour administrative d'appel de Paris, 7 mars 2019, n° 18PA01672).

Dans le présent cas, cet appel était critique car la sage-femme ne peut légalement pratiquer un forceps en raison des dispositions de l'article 18, 4e alinéa du Décret n° 91-779 du 8 août 1991 portant code de déontologie des sages-femmes :

« Il est interdit à la sage-femme de pratiquer toute intervention instrumentale. »

En l'espèce, malgré les pathologies maternelle et fœtale, la sage-femme n'a pas appelé le gynécologue-obstétricien de garde ce qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'hôpital.

Il en est ainsi car la sage-femme est sortie totalement de son rôle qui consiste à prendre en charge l'accouchement normal ou physiologique.

Sans la faute, le gynécologue-obstétricien aurait pu extraire l'enfant et réduire la durée de la bradycardie et donc le préjudice subi.

Dimitri PHILOPOULOS

Avocat à la Cour de Paris et Docteur en Médecine

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Tél : 01.46.72.37.80