L’avocat en droit médical sait que les méthodes de rééducation et de réadaptation font l’objet d’une recherche assidue de la part des parents d’un enfant victime d’une faute ou négligence médicale d'un gynécologue obstétricien ou une sage-femme pendant l’accouchement et la naissance.

Souvent les parents ont recours à des méthodes de prise en charge qui ne sont pas conventionnelles mais alternatives.

Il peut s'agir d'une ou plusieurs des méthodes suivantes : Bobath, Petö, Biofeedback, Doman (patterning), ostéopathie, Essentis, et d'autres. 

Or, les avocats des gynécologues obstétriciens et des sages-femmes (souvent salariées de la maternité) contestent systématiquement la demande d'indemnisation de ces méthodes alternatives.

Malheureusement, il n'existe que quelques rares décisions de justice qui donnent des repères clairs quant à la question de l'indemnisation des prises en charge alternatives.

Dans une jurisprudence, le Conseil d'Etat a rendu un arrêt favorable aux familles d'un enfant atteint handicap après une erreur médicale pendant l'accouchement (CE, 5ème chambre, 16 février 2021, n° 428513)

Néanmoins, cet arrêt ne comporte pas de critères permettant de savoir si telle ou telle prise en charge alternative ouvre droit à indemnisation.

Il en est ainsi car, dans son arrêt, le Conseil d'Etat a décidé que la décision relative à la nécessité des méthodes alternatives (non conventionnelles) relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Autrement dit, cette décision échappe au contrôle de la Haute juridiction administrative.

Dans ces conditions, l'expertise médicale retrouve toute son importance car le juge du fond se fondera souvent sur l'avis technique de l'expert.

Voilà pourquoi est bienvenue la décision n° 2021.0272/DC/SBP du 21 octobre 2021 du collège de la Haute Autorité de santé (HAS) portant adoption de la recommandation de bonne pratique intitulée « Rééducation et réadaptation de la fonction motrice de l’appareil locomoteur des personnes diagnostiquées de paralysie cérébrale ».

Cette décision de la HAS est intervenue car, contrairement aux allégations des assureurs, il n'existe pas de consensus en France relatif à la rééducation et à la réadaptation de l'enfant ayant une paralysie cérébrale (PC), appelée naguère infirmité motrice cérébrale (IMC), survenue souvent après un manque d'oxygène (anoxie ou hypoxie) pendant l'accouchement et la naissance.

Les recommandations de bonne pratique de la HAS sur la rééducation et la réadaptation de la fonction motrice des victimes de paralysie cérébrale visent à combler ce vide.

Il convient de rappeler que les recommandations ont été élaborées selon des niveaux de preuve suivants (grade des recommandations) : 

  • grade A désigne une recommandation fondée sur une preuve scientifique établie donc tirée des essais comparatifs randomisés de forte puissance et sans biais majeur ou une méta-analyse de ceux-ci.
  • grade B désigne une recommandation fondée sur une présomption scientifique tirée des essais comparatifs randomisés de faible puissance, des études comparatives non randomisées ou des études de cohorte.
  • grade C désigne une recommandation fondée sur un faible niveau de preuve tiré des études cas-témoins, des études rétrospectives, des séries de cas ou des études comparatives comportant des biais importants.
  • grade AE désigne une recommandation fondée sur un simple accord d'experts en raison de l'absence d'études.

Après une évaluation des troubles de la fonction motrice chez l'enfant atteint d'une paralysie cérébrale (infirmité motrice cérébrale), la décision de la HAS permet au soignant de choisir la méthode de rééducation et réadaptation selon les recommandations de bonne pratique.

Il convient de noter que ces recommandations sont distinguées selon qu'il s'agit d'une méthode conventionnelle ou d'une méthode alternative.

Cette distinction est importante pour les parents car souvent ceux-ci choisissent une méthode alternative à savoir la méthode conductive de Petö, la méthode Doman de patterning ou la méthode de la clinique d'Essentis.

Il est à noter que le biofeedback, la balnéothérapie, l'hippothérapie, les jeux informatiques interactifs, la thérapie miroir, la musicothérapie et l'art thérapie sont considérés comme des méthodes conventionnelles par la HAS ce qui favorise leur indemnisation devant le juge.

La thérapie neurodéveloppementale est aussi considérée comme conventionnelle mais elle n'est pas recommandée en intervention principale ou en monothérapie ce qui ne l'empêche pas donc de l'utiliser secondairement ou en bithérapie.

Quant aux méthodes alternatives, les recommandations de la HAS concernent : 

  • ostéopathie crânienne
  • acupuncture
  • méthode Feldenkrais
  • bandage adhésif thérapeutique
  • exercices Cuevas Medek (CME Medek)
  • ondes de choc extracorporelles
  • oxygénothérapie hyperbare
  • électrostimulation neuromusculaire
  • thérapie vibratoire
  • yoga
  • vêtements compressifs à visée thérapeutique

Les recommandations divergent quant à l'utilité de ces méthodes et les parents de la victime d'une paralysie cérébrale après une erreur médicale peut consulter un avocat spécialiste pour en connaître davantage sur les possibilités d'indemnisation des dépenses des santé des différentes méthodes alternatives de rééducation et de réadaptation.

Il convient de noter que les recommandations de la HAS n'évoquent pas certaines thérapies alternatives courantes telles que la méthode conductive de Petö, la méthode Doman de patterning ou la méthode de la clinique d'Essentis.

C'est pourquoi l'avocat en droit de la santé doit vérifier si la méthode alternative présente des traits communs avec certaines méthodes conventionnelles. 

Autrement dit, l'avocat peut comparer les composantes de telle ou telle méthode alternative afin de vérifier si celles-ci sont utilisées par des traitements conventionnels.

Par exemple, certaines méthodes alternatives se servent des mobilisations actives (exercices par exemple) et passives (étirements et postures par exemple).

Or, ces mobilisations font partie des méthodes conventionnelles recommandées par la HAS. 

En conséquence, une méthode alternative peut partager des points avec une méthode conventionnelle permettant à l'avocat de rapporter la preuve du bien fondé de la demande d'indemnisation de ces dépenses de santé.

Il peut utiliser cette argumentation dans le cadre de la demande d'indemnisation de la méthode Essentis, de la méthode conductive de Petö et de la méthode Doman de patterning.

Il convient de noter que la méthode conductive de Petö, une forme de rééducation manuelle individuelle, a été approuvée par les recommandations de la HAS pour la rééducation de l'adulte ayant subi un accident vasculaire cérébral. En effet, dans ce contexte, la rééducation manuelle individuelle est recommandée à tous les stades de la prise en charge par la HAS (recommandation de grade C). 

En conclusion, l'avocat spécialiste des erreurs médicales pendant l'accouchement et la naissance doit demander systématiquement l'indemnisation de l'ensemble des dépenses de santé des parents d'un enfant atteint d'une paralysie cérébrale (infirmité motrice cérébrale).

Les recommandations sur la rééducation et la réadaptation publiées par la HAS donnent des arguments de poids aux avocats permettant d'atteindre cet objectif de réparation intégrale des préjudices subis par la victime.

Annexe : extraits tirés du texte intégral des recommandations de la HAS

A) Méthodes conventionnelles

- Thérapies neurodéveloppementales (grade B) : Il est recommandé de ne pas proposer, en tant qu’intervention principale ou en monothérapie, une thérapie neurodéveloppementale aux enfants diagnostiqués de paralysie cérébrale pour améliorer la fonction motrice.

- Renforcement musculaire (grade B) : Il est recommandé de proposer des exercices actifs de type renforcement musculaire tout au long de la vie et de manière pluri-hebdomadaire aux enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale dans le but de réduire la morbidité générale (métabolique, cardio-vasculaire, etc.) et la mortalité.

- Exercices aérobie ou entraînement cardio-respiratoire à l’effort (grade C) : Il est recommandé de proposer des exercices aérobie dans le but d’améliorer la fonction motrice globale et les capacités cardio-vasculaires, à court et moyen termes, des enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale.

- Rééducation de la fonction d’équilibration (grade AE) : Il est recommandé d’inclure des activités d’équilibration en situations fonctionnelles aux séances de rééducation et réadaptation motrice dans le but d’assurer l’indépendance dans les activités de la vie quotidienne.

- Exercices basés sur le biofeedback (grade C) : Il est recommandé d’intégrer un biofeedback à la rééducation proposée aux enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale dans le but d’améliorer à court terme leur fonction motrice.

- Intégration de la double ou multiple tâche en rééducation et réadaptation (grade B) : Il est recommandé d’intégrer la double ou multiple tâche à la rééducation et réadaptation proposée aux enfants diagnostiqués de paralysie cérébrale unilatérale dans le but d’améliorer leur fonction motrice.

- Entraînement à la marche (grade A) : Il est recommandé de proposer des exercices de marche dans le but d’améliorer la fonction motrice globale des enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale en capacité de les réaliser.

- Programmes de rééducation et réadaptation intensive dirigés vers des objectifs de la vie quotidienne (grade C) : Il est recommandé de proposer la thérapie par contrainte induite du mouvement (CIMT) dans le but d’améliorer les capacités bimanuelles des enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale unilatérale.

- Activités physiques et sportives et activité physique adaptée (grade A) : Il est recommandé de proposer des activités physiques dans le but d’améliorer la fonction motrice globale des enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale.

- Balnéothérapie (grade C) : Il est recommandé de proposer la balnéothérapie aux enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale et présentant un niveau 1 à 2 au GMFCS dans le but d’améliorer leur fonction motrice globale et Il est recommandé de proposer la balnéothérapie aux enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale et présentant un niveau 3 à 5 au GMFCS dans le but d’améliorer leur fonction motrice globale.

- Hippothérapie (grade C) : Il est recommandé de proposer l’hippothérapie aux enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale dans le but d’améliorer le contrôle postural et l’équilibre.

- Jeux informatiques interactifs (grade C) : Il est recommandé d’utiliser des jeux informatiques interactifs et à mouvement contrôlé pour les enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale dans le but d’améliorer la motricité globale en complément de la rééducation et réadaptation fonctionnelle conventionnelle.

- Thérapie par réalité virtuelle (grade B) : Il est recommandé de proposer une thérapie par réalité virtuelle en complément de la rééducation et réadaptation fonctionnelle conventionnelle aux enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale dans le but d’améliorer la fonction motrice globale comme la déambulation, l’équilibre et la qualité gestuelle des membres supérieurs.

- Thérapie miroir (grade C) : La thérapie miroir peut être proposée de manière associée à de la rééducation conventionnelle aux enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale unilatérale dans le but d’améliorer la fonction bimanuelle.

B) Méthodes alternatives

- Acupuncture (grade C) : L’acupuncture, comparativement à l’utilisation d’un plâtre pour le membre inférieur ou la thérapie neurodéveloppementale selon le cadre conceptuel de Bobath, peut être proposée aux enfants et aux adolescents marchants diagnostiqués de paralysie cérébrale dans le but d’améliorer la fonction motrice globale et le tonus musculaire des gastrocnémiens.

- Bandage adhésif thérapeutique (grade B) : Il est recommandé de recourir au bandage adhésif thérapeutique en complément de la rééducation et réadaptation fonctionnelle conventionnelle aux enfants diagnostiqués de paralysie cérébrale avec un score de 1 ou de 2 au GMFCS dans le but d’améliorer le maintien de la position assise.

- Ondes de choc extracorporelles (grade C) : La thérapie par ondes de choc extracorporelles peut être proposée en complément de la rééducation conventionnelle dans le but de réduire la spasticité des enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale.

- Électrostimulation neuromusculaire (grade C) : L’électrostimulation neuromusculaire peut être proposée en complément de la rééducation et réadaptation fonctionnelle conventionnelle dans le but d’améliorer la force des muscles gastrocnémiens des enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale spastique.

- Thérapie vibratoire (grade C) : Il est recommandé de proposer la thérapie vibratoire en complément de la rééducation fonctionnelle conventionnelle dans le but d’améliorer le contrôle moteur des genoux et des chevilles des enfants et adolescents diagnostiqués de paralysie cérébrale spastique.