I. Introduction

La famille d'une jeune victime d'une infirmité motrice d'origine cérébrale, appelée aussi paralysie cérébrale, se pose des questions sur leurs droits lorsqu'elle soupçonne une erreur commise par le gynécologue-obstétricien et/ou la sage-femme.

L'avocat en droit de la santé doit ainsi conseiller la famille de la victime quant à l'opportunité de saisir la justice.

Le présent article a pour objet de donner des points de repère à la famille de la victime d'une infirmité motrice d'origine cérébrale née dans le contexte d'un manque d'oxygène (anoxie ou asphyxie) en raison d'un dépassement du terme. 

II. Principes juridiques

La responsabilité d'un gynécologue-obstétricien ou d'une sage-femme ne peut être engagée qu'en cas de manquement fautif ou négligence en lien de causalité avec un préjudice.

Le principe de la faute découle de l'article L. 1142-1 (I) du code de la santé publique selon lequel les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Cette faute peut être consécutive à une imprudence, une négligence, une inattention ou plus généralement des soins non conformes aux données acquises de la science médicale.

La charge de la preuve de la faute incombe à la victime mais dans la pratique judiciaire cette preuve résulte le plus souvent des constatations et énonciations contenues dans le rapport d'expertise médicale ordonnée par le juge.

Exceptionnellement, suivant des jurisprudences similaires de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat, il a été décidé que si l'accouchement par voie basse constitue un processus naturel, les manoeuvres obstétricales pratiquées par un professionnel de santé lors de cet accouchement caractérisent un acte de soins au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

Donc, lorsque la responsabilité du gynécologue-obstétricien ou la sage-femme n'est pas engagée, la victime d'un accident d'accouchement peut être indemnisée à la condition que les préjudices subis présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état.

Selon la jurisprudence, ladite condition d’anormalité est remplie lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement. A défaut, la survenance du dommage doit présenter une probabilité faible qui doit prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès.

III. Dépassement du terme

La durée de la gestation varie entre 280 et 290 jours à partir du premier jour de la date des dernières règles.

Cette durée s’exprime généralement en semaines d’aménorrhée (SA). La durée de la grossesse varie donc entre 40 +0 jours et 41 +3 jours SA.

Le terme est la période qui va de 37 +0 jours à 41 +6 jours SA.

Par convention, la grossesse est dite prolongée au-delà de 41 +0 SA et le terme est dit dépassé à partir de 42 +0 SA.

En France, la grossesse prolongée concerne 15 à 20 % des femmes enceintes et le terme dépassé concerne environ 1 % des femmes enceintes.

En cas de grossesse prolongée, le fœtus présente un risque augmenté d’oligoamnios, d’anomalies du rythme cardiaque fœtal et d’émission méconiale in utero avec risque d'inhalation.

Certaines de ces complications, comme les anomalies du rythme cardiaque fœtal et le risque d'anoxie fœtale, sont consécutives à la sénescence placentaire donc au vieillissement du placenta.

En tout cas, en l’absence de pathologie, un déclenchement du travail devrait être proposé aux patientes entre 41 +0 jours SA et 42 +6 jours SA.

Dans le contexte d'un déclenchement du travail pour grossesse prolongée, une intervention obstétricale peut devenir nécessaire en cas de danger d'anoxie pour le fœtus.

Bien qu'il s'agisse d'un examen imparfait, le rythme cardiaque fœtal permet de surveiller le bien-être fœtal et de décider si une intervention obstétricale est nécessaire. 

IV. Rythme cardiaque fœtal

Les ralentissements tardifs permettent de soupçonner une pathologie du placenta.

En effet, la cause habituelle des ralentissements tardifs est une insuffisance utéro-placentaire comme le vieillissement du placenta lors de la grossesse prolongée ou, à plus forte raison, du terme dépassé

Les ralentissements tardifs débutent par une pente lente et progressive. Ils sont décalés par rapport à la contraction utérine et persistent après la contraction utérine.

Selon les recommandations de la pratique clinique du Collège national des gynécologues-obstétriciens français, en cas d’association à un tracé aréactif (absence d’accélération) avec variabilité minime (< 5 bpm), la définition des ralentissements tardifs inclut les amplitudes inférieures à 15 bpm donc peu profondes.

Des ralentissements tardifs non répétés sont à risque d'acidose ce qui nécessite une action correctrice et si les anomalies persistent la mise en œuvre un moyen de surveillance de deuxième ligne.

Ralentissements tardifs répétés et accélérations absentes ou variabilité minime (moins ou égale à 5 bpm) traduisent un tracé à risque important d'acidose. Dans ces cas, une décision d’extraction rapide devrait être prise étant ajouté que l’utilisation des moyens de surveillance de deuxième ligne permettant d’exclure une acidose fœtale est possible à la condition qu'elle ne retarde pas l’extraction. L'émission de méconium épais signe souvent la nécessité d'intervenir.

Les ralentissements tardifs suivis d'une tachycardie, d'une perte des accélérations et d'une diminution de la variabilité selon la séquence de Hon est un tracé à risque majeur d'acidose fœtal nécessitant une intervention obstétricale immédiate par césarienne ou forceps en fonction des conditions obstétricales de la dilatation du col et du niveau de la descente de la présentation du fœtus. Il en va de même en cas de ralentissements tardifs avec un tracé plat ou en cas de bradycardie subite sans récupération. Dans ces cas, une décision d’extraction immédiate devrait être prise sans recours à une technique de deuxième ligne

Traditionnellement, une variabilité supérieure à 5 bpm est perçue comme un indice fiable d'un pH normal même en présence d'autres aspects non rassurants du rythme cardiaque fœtal. Cependant, lorsque le pH à la naissance est inférieur à 7,10 la variabilité est le plus souvent conservée selon une grande étude prospective publiée en 2018 confirmant des résultats rétrospectifs antérieurs. 

Dans cette étude prospective, la variabilité n'avait pas d'association significative indépendante avec un pH normal. En outre, la variabilité n'avait aucun effet sur le modèle pour la prédiction d'un pH inférieur à 7,10. Si ces résultats s'avèrent fiables et robustes, l'importance de la variabilité serait moindre. Ces résultats ont également montré que l'aire totale des ralentissements avait la meilleure valeur prédictive d'un pH inférieur à 7,10. Le nombre de césariennes nécessaire pour prévenir un cas d'acidose fœtal était de 5 ce qui est relativement bas selon les auteurs.

Ces résultats sont importants car lorsque le pH est inférieur à 7 le risque de séquelles est élevé et donc une intervention obstétricale est peut-être déjà trop tard. Mais il n'en va pas de même lorsque le pH est inférieur à 7,10 qui est un niveau anormal mais sans risque inquiétant de séquelles. Ce seuil de 7,10 est donc intéressant car laissant le temps à l'équipe obstétricale d'intervenir avant que le risque élevé de séquelles ne s'installe (lorsque le pH inférieur à 7).

Quant aux accélérations, notamment les accélérations sporadiques n'ayant aucune relation avec les contractions utérines, leur présence traduit souvent un pH normal mais leur absence ne signe pas toujours une acidose fœtale. En effet, Ekengard et collègues ont montré en 2022 que 40% des fœtus avec un pH normal n'avait pas d'accélérations.

V. Lien de causalité :

Pour les enfants nés à terme ou près du terme, les critères nécessaires sont les suivants :

- pH inférieur à 7 ou un déficit de base supérieur à 12 mmol/l

- encéphalopathie précoce modérée à sévère chez un enfant né à plus de 34 semaines d’âge gestationnel. Si les autres critères sont remplis, il s'agit d'une encéphalopathie anoxo-ischémique donc consécutive à un manque d'oxygène et à un manque d'apport de sang.

- infirmité motrice cérébrale (paralysie cérébrale) de type quadriplégie spastique ou de type dyskinétique

- exclusion des autres causes telles que traumatisme, troubles de coagulation, pathologie infectieuse, problème génétique

Les critères suggérant une survenue pendant le travail d'accouchement sont les suivants :

- événement hypoxique / anoxique obstétrical survenant pendant le travail d'accouchement : un circulaire du cordon ombilical constitue un tel événement hypoxique.

- anomalies du rythme cardiaque fœtal le plus souvent à risque élevé d'acidose ou à risque majeur d'acidose

- score d’Apgar entre 0 et 6 au-delà de 5 minutes

- altérations de la fonction des organes (rein, foie, cœur, poumons) avant 72 heures de vie 

- imagerie néonatale précoce montrant des anomalies non focales (le plus souvent sur l'IRM cérébrale). La topographie des lésions peut varier selon qu'il s'agit d'un manque d'oxygène brutal ou partiel/prolongé

VI. Préjudices

La nomenclature Dintilhac permet de définir les différents postes de préjudice d'une victime atteinte d'une  infirmité motrice cérébrale / paralysie cérébrale avant et après la consolidation des séquelles.

Le plus souvent pour une victime qui a subi une anoxie pendant l'accouchement et la naissance, ces postes de préjudice sont les suivants : 

1°) Préjudices patrimoniaux

a) Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

- Dépenses de santé actuelles

- Frais divers

b) Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :

- Dépenses de santé futures

- Frais de logement adapté

- Frais de véhicule adapté

- Assistance par tierce personne

- Perte de chance professionnelle

- Préjudice scolaire, universitaire ou de formation

2°) Préjudices extra-patrimoniaux

a) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

- Déficit fonctionnel temporaire

- Souffrances endurées

- Préjudice esthétique temporaire

b) Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :

- Déficit fonctionnel permanent

- Préjudice d’agrément

- Préjudice esthétique permanent

- Préjudice sexuel

- Préjudice d’établissement

VII. Demande de dossiers d'accouchement et de réanimation néonatale

Notre cabinet d'avocat a traité plusieurs affaires d'enfants victimes d'anoxie suite à une grossesse prolongée.

La première démarche de la famille de la victime d'une infirmité motrice cérébrale / paralysie cérébrale est de demander une copie du dossier d'accouchement par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à Madame ou Monsieur le Directeur de l'établissement de santé en question. 

Il faut aussi demander une copie du dossier du service de réanimation néonatale et du service de néonatologie. 

La victime peut trouver une lettre type de demande du dossier d'accouchement à cette page de notre site internet : 

https://dimitriphilopoulos.com/erreur-grossesse-accouchement-naissance/avocat-erreur-medicale-accouchement.php

Dimitri PHILOPOULOS

Avocat à la Cour de Paris et Docteur en Médecine

22 avenue de l'Observatoire - 75014 PARIS

Site internet : https://dimitriphilopoulos.com

Tél : 01.46.72.37.80