La responsabilité du gynécologue-obstétricien et de la sage-femme en cas d'urgence obstétricale dans une maternité

I. Introduction

L'avocat intervenant en droit de la santé conseille la famille de la victime d'une infirmité motrice cérébrale ( paralysie cérébrale ) quant à l'opportunité d'engager une action en justice contre une maternité notamment en cas de soupçon d'une négligence commise par un gynécologue-obstétricien ou une sage-femme.

Le présent article a pour objet de donner quelques informations à la famille d'un enfant handicapé né dans le contexte d'un manque d'oxygène ( anoxie ) suite à une urgence obstétricale. 

Les urgences obstétricales examinées dans cet article sont la rupture utérine, la procidence du cordon, l'embolie amniotique et l'échec de forceps suivi de bradycardie. 

II. Rupture utérine et césarienne antérieure

Une tentative de voie basse après une césarienne antérieure ( TVBAC ) au lieu d'une césarienne programmée après césarienne ( CPAC ) nécessite le consentement libre et éclairé de la mère.

Cependant deux césariennes antérieures est le plus souvent une contre-indication à l'épreuve utérine. 

Pour le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, la voie basse est l’option à privilégier dans la grande majorité des cas sauf quelques situations cliniques qui justifient une césarienne programmée.

Quant aux exigences du droit d'information de l'article L 1111-2 du code de la santé publique, Il est recommandé que cette information dispensée aux patientes porteuses d’un utérus cicatriciel en vue de leur accouchement présente les bénéfices et risques de la tentative de voie basse et de la césarienne programmée. L’information doit mentionner la présence ou non sur place de l’obstétricien et de l’anesthésiste. Si la patiente maintient son choix d’une césarienne itérative après une information éclairée et un délai de réflexion, il est possible d’accéder à sa demande.

En gros, il faut tenir compte du motif initial de la césarienne précédente, l’âge de la patiente, son indice de masse corporelle et si elle a déjà pu accoucher par voie basse après avoir subi une césarienne.

La rupture utérine peut être à l'origine d'une hémorragie dangereuse de la mère.

Le risque fœtal principal de la rupture utérine est l'anoxie ce qui nécessite une intervention par césarienne en urgence. 

L'avocat en droit de la santé doit pouvoir analyser les décisions du gynécologue-obstétricien et de la sage-femme pour déterminer si elles sont à l'origine d'un retard fautif dans l'extraction de l'enfant atteint d'infirmité motrice cérébrale.

Le délai d'extraction doit être analyser en détail pour déterminer si les soins ont été conformes aux données acquises de la science médicale.

Il convient de rappeler que la sage-femme doit gérer uniquement des accouchements physiologiques et qu'elle doit faire appel sans délai au gynécologue-obstétricien en cas d'accouchement dystocique suivant les dispositions de l’article L4151-3 du code de la santé publique : « En cas de pathologie maternelle, fœtale ou néonatale pendant la grossesse, l’accouchement ou les suites de couches, et en cas d’accouchement dystocique, la sage-femme doit faire appel à un médecin. »

Cet appel est d'autant plus important que la sage-femme ne peut pas pratiquer une extraction instrumentale du fœtus.

En effet, les dispositions de l’article 18, 4e alinéa du Décret n° 91-779 du 8 août 1991 portant code de déontologie des sages-femmes précisent : « Il est interdit à la sage-femme de pratiquer toute intervention instrumentale. »

La sage-femme doit tenir compte des contraintes de l'organisation de la maternité comme la garde à domicile du médecin obstétricien.

La seule permanence des soins reposant sur un gynécologue-obstétricien d’astreinte opérationnelle à domicile constitue une situation à haut risque compte tenu de l'imprévisibilité des urgences obstétrico-pédiatriques.

Sur la question de cette astreinte dite opérationnelle, l'article D6124-44, 2° (a) du code de la santé publique dispose : « Le gynécologue-obstétricien intervient, sur appel, en de situation à risque pour la mère ou l’enfant dans délais compatibles avec l’impératif de sécurité. »

III. Procidence du cordon

La chute du cordon ombilical en avant de la présentation du fœtus lorsque les membranes sont rompues. 

Le cordon ombilical se retrouve alors coincé entre le bassin de la maman et la présentation du fœtus.

Certains facteurs sont associés avec la procidence du cordon comme la prématurité, la position du siège et la rupture artificielle des membranes sur une présentation haute ou mobile.

En cas de diagnostic de procidence du cordon, il est recommandé de refouler la présentation dans l'attente d'une extraction en urgence le plus souvent par césarienne.

Tout comme pour la rupture utérine, l'avocat en droit de la santé doit pouvoir analyser les décisions médicales du gynécologue-obstricien et de la sage-femme pour déterminer si elles sont à l'origine d'un retard fautif dans l'extraction de l'enfant atteint de paralysie cérébrale.

IV. Embolie amniotique

L’embolie amniotique est le passage accidentel de liquide amniotique dans la circulation de la mère. 

Il s’agit d’un accident rare et imprévisible qui est toujours mal compris mais qui provoque vraisemblablement une réaction immunologique dangereuse de la mère à l'origine des symptômes de détresse respiratoire, hypotension, convulsions et troubles de la coagulation. 

Des prélèvements spécifiques sont nécessaires pour confirmer le diagnostic.

Le traitement repose sur l'oxygénation efficace, le maintien de l'hémodynamique et la correction des troubles de la coagulation. La précocité de ce traitement détermine le pronostic.

Une altération brutale du rythme cardiaque fœtal signe la souffrance fœtale par manque d'oxygène.

Comme pour les autres urgences obstétricales, l'avocat en droit de la santé doit pouvoir analyser les décisions du gynécologue-obstricien et de la sage-femme pour déterminer si elles sont à l'origine d'un retard fautif dans l'extraction de l'enfant né avec une encéphalopathie anoxo-ischémique.

V. Echec d'extraction instrumentale suivi d'une bradycardie

Parmi les facteurs de risque d'échec de forceps ou de ventouse, il faut citer la grossesse prolongée, le travail long, la présentation occipito-sacrée persistante donc en variété postérieure et la tentative d'extraction en partie haute du bassin.

Après un échec de forceps, le nouveau-né peut s'adapter parfaitement bien à la vie extra-utérine.

Dans certains cas, l'échec peut déclencher une bradycardie sans récupération nécessitant une césarienne code rouge. En cas d’échec de forceps et de tête fœtale engagée, la césarienne peut exiger les manoeuvres pour désenclaver la tête fœtale.

Pour minimiser les risques d'un mauvais résultat néonatal, il faudrait éviter l’extraction par forceps quand la pose est difficile ou quand il n’y a pas de progression avec une traction modérée. Il faut abandonner une rotation instrumentale quand elle ne se fait pas avec une pression douce. 

En cas d'absence de progression au bout de deux tractions, il faut s'interroger sur la possibilité d’une disproportion entre la tête du fœtus et le bassin de la mère. 

Par exemple, une bosse sérosanguine importante peut induire en erreur quant au diagnostic d'engagement de la tête fœtale surtout en cas de présentation en variété postérieure.

En tout cas, il peut être intéressant de noter le périmètre crânien de l'enfant à la naissance.

VI. Rythme cardiaque fœtal

L'apparition de ralentissements variables profonds peut annoncer une rupture utérine ou une embolie amniotique.

En l'absence de récupération dans 2 minutes, le ralentissement prolongé peut annoncer la bradycardie sans récupération.

Dans le contexte d'un événement obstétrical, l'extraction urgente est nécessaire afin de minimiser la durée de celle-ci.

Tout retard de l'extraction non conforme aux données acquises de la science médicale engage la responsabilité du gynécologie-obstétricien et/ou de la sage femme de la maternité sur le fondement de l'article L. 1142-1 (I) du code de la santé publique.

VII. Hypothermie thérapeutique :

L’hypothermie thérapeutique est un traitement pour l'encéphalopathie anoxo-ischémique ( EAI ) périnatale de l'enfant né à terme ou près du terme.

Il s'agit d'une hypothermie contrôlée qui est mise en place avant six heures de vie et qui permet de réduire la sévérité des conséquences du manque d'oxygène subi pendant l'accouchement par l'enfant à naître.

Une revue systématique de 11 essais randomisés a conclu au bénéfice de l'hypothermie contrôlée chez le nouveau-né atteint d'une encéphalopathie par anoxo-ischémie.

L'hypothermie thérapeutique contrôlée est une véritable révolution dans le traitement de l'enfant atteint d'un manque d'oxygène après un accouchement compliqué. 

Sur le plan moléculaire, l'hypothermie contrôlée avant six heures de vie évite la mort des cellules du cerveau car elle permet de réduire les conséquences de la phase retardée de défaillance énergétique de ces cellules qui survient après la réanimation initiale du nouveau-né.

VIII. Préjudices

Parmi les postes de préjudice de l'enfant atteint d'une infirmité motrice cérébrale, les dépenses de santé peuvent être à l'origine de contestations en cas de traitements et soins non reconnus par la médecine en France.

Souvent il s'agit des méthodes de rééducation comme les suivantes :

- « l'éducation conductive », selon le docteur Pëto (Hongrie) : elle est proposée à des jeunes enfants déficients moteurs selon un programme thérapeutique très structuré sur le plan éducatif et médical. Il fait appel à des techniques d’émulation de groupe et de rééducation, d'ergothérapie et d'orthophonie ;

- la méthode Essentis (Barcelone, Espagne) : il s’agit d’un programme dit de n euro-réhabilitation à travers l’ostéopathie, l’acupuncture, la kinésithérapie neurologique, la technique de myoténofasciotomie ainsi que d’autres techniques ;

- la méthode Biofeedback du docteur Brucker (Miami, Etats-Unis) : elle repose sur l’utilisation du biofeedback électromyographique afin de détecter et par suite d’améliorer les capacités de mouvement. Une rééducation musculaire et d’autres procédés (stimulations) sont utilisés en complément aux séances de biofeedback ;

- la méthode Doman de structuration psychomotrice (avec pour base « le patterning ») : le but est de reproduire les mouvements naturels dans l’espoir d’enseigner au cerveau lésé sa propre fonction. Un concept clé de la rééducation motrice est « le patterning », qui consiste à reproduire de façon passive les mouvements de la reptation, du déplacement à quatre pattes et de la marche debout.

La Haute autorité de santé ( HAS ) a publié en 2021 des recommandations de la rééducation et réadaptation de la fonction motrice de l’appareil locomoteur des personnes diagnostiquées de paralysie cérébrale.

Malheureusement, ces recommandations n'adressent pas directement la plupart des méthodes de rééducation déjà citées.

Il est donc important pour les parents de l'enfant atteint d'une infirmité motrice cérébrale de garder soigneusement les factures de l'ensemble des dépenses de santé pour permettre au juge de statuer sur ce poste de préjudice.

IX. Demande de dossiers d'accouchement et de réanimation néonatale

Notre cabinet d'avocat a défendu plusieurs jeunes victimes de paralysie cérébrale suite à des urgences obstétricales.

La première démarche de la famille de la victime d'une infirmité motrice cérébrale / paralysie cérébrale est de demander une copie du dossier d'accouchement par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à Madame ou Monsieur le Directeur de l'établissement de santé en question. 

Il faut aussi demander une copie du dossier du service de réanimation néonatale et du service de néonatologie. 

La victime peut trouver une lettre type de demande du dossier d'accouchement à cette page de notre site internet : 

https://dimitriphilopoulos.com/erreur-grossesse-accouchement-naissance/avocat-erreur-medicale-accouchement.php

Dimitri PHILOPOULOS

Avocat à la Cour de Paris et Docteur en Médecine

22 avenue de l'Observatoire - 75014 PARIS

Site internet : https://dimitriphilopoulos.com

Tél : 01.46.72.37.80