L'avocat en droit de la santé répond souvent aux questions de la famille d'un enfant handicapé en raison d'un préjudice subi pendant l'accouchement.

Une erreur médicale survenue pendant la naissance d'un enfant atteint d'une infirmité motrice cérébrale ( appelée aussi paralysie cérébrale ) concerne différents intervenants de la maternité notamment le gynécologue-obstétricien, la sage-femme, l'anesthésiste-réanimateur et le pédiatre.

La communication entre ces intervenants est critique afin de garantir des soins conformes aux données acquises de la science médicale.

Or, la responsabilité médicale de la sage-femme dépend étroitement de cette communication car suivant les termes de l'article L. 4151-3 du code de la santé publique :

« En cas de pathologie maternelle, fœtale ou néonatale pendant la grossesse, l’accouchement ou les suites de couches, et en cas d’accouchement dystocique, la sage-femme doit faire appel à un médecin. »

En vertu de cette disposition légale, la sage-femme doit faire appel au gynécologue-obstétricien dès que l'accouchement devient pathologique et/ou dystocique.

Autrement dit, la sage-femme est uniquement habilitée à prendre en charge des accouchements physiologiques.

L'avocat en droit de la santé doit ainsi déterminer le moment où l'accouchement devient pathologique et/ou dystocique.

En effet, à partir de ce moment, la sage-femme aura une obligation légale d'appeler le gynécologue-obstétricien. A défaut d'appel, la sage-femme commet une faute qui engage sa responsabilité personnelle ou celle de la maternité en cas de contrat de travail.

Vu l'importance de ladite obligation légale, cet article aura pour objet d'exposer à la famille de la victime d'une infirmité motrice d'origine cérébrale la notion de la dystocie autrement dit l'accouchement qui n'est pas eutocique.

I. L'accouchement eutocique

Cette notion recouvre celle de l'accouchement physiologique ( donc normal ).

C'est l'accouchement qui aboutit par la seule influence des phénomènes naturels à l’expulsion de l’enfant par voie basse.

La première étape du travail concerne la période du début du vrai travail jusqu’à la fin de la dilatation du col de l’utérus ce qui dure 6 à 18 heures chez la primipare ( femme qui accouche pour la première fois )  et 2 à 10 heures chez la multipare ( femme qui a accouché plus d'une fois ). Lors de la première phase dite de latence, la dilatation est lente mais elle devient plus rapide lors de la phase dite active avant de décélérer peu avant la dilatation complète.

Le début du travail est reconnu par des contractions régulières, rythmées et douloureuses qui s’accompagnent de modifications du col.

Concernant les membranes, la poche des eaux se voit avec l'avancement de la dilatation. La rupture des membranes donne issu au liquide amniotique. La couleur du liquide amniotique est normalement clair et sa coloration en vert par le méconium peut traduire une souffrance fœtale surtout lorsque un liquide claire devient méconial pendant des anomalies prononcées du rythme cardiaque fœtal.

La rupture artificielle des membranes est souvent recommandée quand la dilatation dépasse 6 centimètres si la présentation du fœtus est engagée dans le bassin de la maman.

Cependant, une rupture prématurée des membranes nécessite une hospitalisation en raison du risque d’infection et celui du passage du cordon ombilical devant la présentation du fœtus donc d'une procidence du cordon.

La deuxième étape du travail décrit la période allant de la fin de la dilatation du col de l’utérus jusqu'à la naissance de l’enfant.

Outre la question de la dilatation du col, le bébé doit traverser le bassin de la maman surtout la partie supérieure de celui-ci ce qui caractérise l'étape importante de l'engagement de la présentation du fœtus.

En effet, après l’engagement de la tête, l'accouchement par voie basse est souvent possible car il n'y aurait pas d'obstacle comme une tête trop large du bébé ou une anomalie de positionnement du placenta.

L'engagement est rendu possible par les mouvements de la tête du bébé comme sa bonne flexion, son orientation oblique et, éventuellement, son inclinaison latérale et ses déformations.

La bonne flexion est critique afin que la tête du bébé à naître puisse réduire au maximum son diamètre antéro-postérieur.

Ainsi lorsque le bébé présente la tête la première, l'engagement se fait dans quatre variétés principales ( outre deux variétés occipito-transverses ), lesquelles sont définies par la position de la partie arrière de la tête dite l'occiput.

En raison de la forme de l'aire de la partie supérieure du bassin qui est marquée par un relief ou éminence de la première vertèbre sacrée, l'engagement se fait avec la tête du bébé dans une position oblique, donc de manière diagonale, par rapport à ladite aire. La variété d'engagement la plus fréquente est celle d'occipito iliaque gauche antérieur ( OIGA ) ce qui décrit une position de l'occiput du bébé du côté antérieur de l'os iliaque gauche de la maman ( donc le dos du fœtus est vers le côté gauche du ventre de la mère ).

Cependant l'aire des parties moyenne et inférieure du bassin n'est pas marquée par ce relief vertébral si bien qu'une rotation ( de 45° ou de 135° en fonction respectivement de la position antérieure ou postérieure de l'occiput lors de l'engagement ) est nécessaire afin de permettre un dégagement du bébé soit dans la variété antérieure favorable dite occipito-pubienne ( OP ) soit dans la variété postérieure défavorable dite occipito-sacrée ( OS ).

Lors du dégagement sous le contrôle de l'accoucheur, le sous-occiput est fixé sous la symphyse pubien et la tête commence un mouvement de déflexion. Une fois la tête dégagée, l’occiput effectue une rotation naturelle de restitution pour s'aligner avec le dos. En outre, lors de l'expulsion de la tête, les épaules s'engagent dans la partie supérieure du bassin. Après leur descente, une traction vers le bas par l'accoucheur permet de dégager l’épaule antérieure. Ensuite, une traction vers le haut dégage l’épaule postérieure après quoi le dégagement du siège intervient sans difficulté.

Les efforts expulsifs de la maman en même temps que les contractions lors de la deuxième phase du travail ne doivent pas excéder 20 minutes.

II. L'accouchement dystocique

C'est l'accouchement qui n'est pas eutocique donc celui qui entraîne une difficulté ou une impossibilité d’accouchement par voie basse.

Les différents types de dystocies sont de deux sortes. 

D'une part, il y a des dystocies dynamiques de l'activité utérine et/ou de la dilatation du col. 

Il peut s'agir d'une anomalie dynamique au début du travail comme une dystocie de démarrage ou en cours de travail comme un arrêt ou un ralentissement de la dilatation du col. Par ailleurs, des contractions trop fortes ou trop faibles peuvent gêner la dilatation du col.

D'autre part, il y a des dystocies mécaniques. Celles-ci sont réparties en dystocies osseuses et dystocies des tissus mous ( le contenant ), en anomalies du volume fœtal ( le contenu) ou en anomalies des deux ensemble ( disproportion foetopelvienne ).

Par exemple, il peut s'agir d'une dystocie osseuse lorsque le bassin de la mère présente une anomalie de taille ou de forme ce qui ne permet pas le passage du fœtus à travers les différents niveaux du bassin comme le niveau supérieur en cas de dystocie d'engagement. Il peut s'agir d'une macrosomie fœtale ou de présence d'un obstacle tel qu'un fibrome ou un placenta praevia.

On peut citer séparément la dystocie des épaules au cours d’un accouchement par voie basse en présentation céphalique par les difficultés de dégagement des épaules du fœtus après expulsion de la tête.

Dans toutes ces formes de dystocie, la sage-femme aura une obligation légale de faire appel au gynécologue-obstétricien à défaut de quoi elle engage sa responsabilité ou celle de la maternité dans le cas où la sage-femme serait salariée de cette dernière.

Suivant les dispositions déjà citées de l'article L. 4151-3 du code de la santé publique, cette obligation légale existe également en cas de pathologie fœtale pendant l’accouchement. Il peut s'agir des anomalies du rythme cardiaque fœtal comme des ralentissements profonds et répétés éventuellement accompagnés d'une tachycardie et une réduction de la variabilité.

A plus forte raison, la sage-femme doit faire appel au gynécologue-obstétricien lorsqu'il existe à la fois une dystocie et des anomalies du rythme cardiaque fœtal faute de quoi elle engage sa responsabilité à double titre.

Il convient d'ajouter que les variétés postérieures de la présentation fœtale ne sont pas des dystocies proprement dites mais souvent elles sont à l'origine des durées allongées du travail et de l'accouchement ainsi qu'une augmentation des extractions instrumentales, des déchirures périnéales et des infections.

Cet appel de la sage-femme est impératif en cours de travail afin de permettre une intervention obstétricale pour traiter la dystocie ou hâter la naissance en cas d'anomalies du rythme cardiaque fœtal.

Par exemple, afin de traiter une dystocie dynamique, la rupture artificielle des membranes ( au niveau de la poche des eaux ) et l’administration d’ocytocine ( Syntocinon* ) peuvent corriger des anomalies des contractions et/ou de la dilatation du col. 

Pour traiter une dystocie mécanique, une extraction instrumentale, comme un forceps ou une ventouse, peut permettre le passage du fœtus à travers le bassin de la maman.

En cas d'échec de ces mesures, surtout lorsqu'il y a des anomalies du rythme cardiaque fœtal montrant un manque d'oxygène ( souffrance fœtale ), une césarienne en urgence est pratiquée.

III. Rôle de l'avocat de la famille de la victime d'une infirmité motrice cérébrale

L'avocat en droit de la santé doit déterminer le moment où un accouchement eutocique devient dystocique signant l'obligation légale pour la sage-femme de faire appel au gynécologue-obstétricien.

L'avocat doit vérifier sur le partogramme ( diagramme d'accouchement ) le bon déroulement de la dilatation et/ou de la descente de la présentation du fœtus. 

Toute difficulté ou toute lenteur excessive de la descente et/ou la dilatation par rapport aux limites fixées par les recommandations de la pratique clinique signe la dystocie et ladite obligation légale de la sage-femme d'appeler le médecin obstétricien. 

Pour que l'avocat spécialiste puisse effectuer cette analyse, la famille de la jeune victime d'un manque d'oxygène lors de la naissance doit demander une copie du dossier d'accouchement ainsi que ceux du service de réanimation néonatale et du service de néonatologie. 

La famille de la victime peut trouver une lettre type de demande du dossier d'accouchement à cette page de notre site internet : 

https://dimitriphilopoulos.com/erreur-grossesse-accouchement-naissance/avocat-erreur-medicale-accouchement.php

Il ne faut pas oublier de demander aussi le compte rendu du service de réanimation néonatale et celui du service de néonatalogie.

Dimitri PHILOPOULOS

Avocat à la Cour de Paris et Docteur en Médecine

22 avenue de l'Observatoire - 75014 PARIS

Site internet du cabinet : https://dimitriphilopoulos.com

Tél : 01.46.72.37.80