L'accouchement de jumeaux comporte un risque accru d'encéphalopathie anoxo-ischémique pouvant évoluer vers une infirmité motrice cérébrale ( paralysie cérébrale ). 

Fort heureusement, le nouveau-né qui a subi un manque d'oxygène peut bénéficier d'un traitement par hypothermie contrôlée et cette cryothérapie a montré pleinement son efficacité.

En cas de handicap résiduel après la mise sous hypothermie, les parents de la victime posent des questions à l'avocat sur la prise en charge de la naissance afin de connaître les chances de succès d'une demande en justice tendant à engager la responsabilité du gynécologue-obstétricien ou la sage-femme de la maternité. Parfois, il peut aussi s'agir de la responsabilité de l'anesthésiste ( en cas de retard fautif avant la césarienne ) ou du pédiatre ( en cas de négligence pendant la réanimation néonatale ).

En droit de la responsabilité médicale, la victime doit prouver un manquement aux données acquises de la science médicale en lien de causalité avec le préjudice subi.

Or, dans le contexte de l'accouchement de jumeaux, les données acquises ont évolué ces dernières années comme il est exposé ci-après.  

I. L'avocat devant le cas d'accouchement de jumeaux

L'accouchement de jumeaux est un cas particulier en raison notamment des risques de dystocie, de procidence du cordon, du risque particulier du second jumeau, de prématurité, de petit poids et de placenta unique partagé ( outre celui de l'hémorragie de la délivrance du placenta ).

En raison de ces risques, la surveillance des jumeaux pendant la grossesse est renforcée par rapport à celle d'une grossesse unique.

Ainsi le contrôle échographique est mensuel afin de dépister un éventuel retard de croissance d'un ou des deux jumeaux.

Ce contrôle échographique est davantage renforcé en cas de placenta unique partagé par les deux jumeaux où, lorsque chacun est dans sa propre poche amniotique, il peut exister une fuite ( une véritable transfusion ) néfaste du sang d'un jumeau envers l'autre. Cette fuite est recherchée pendant l'échographie car il y aura une différence entre les quantités de liquide amniotique dans la poche des eaux de chaque jumeau.

Pour ce qui est de la santé des jumeaux selon le mode d'accouchement, des études étrangères de qualité discutable ont montré un bénéfice de la césarienne programmée par rapport à la voie basse mais des études françaises de meilleure qualité n'ont pas mis en évidence ce bénéfice.

Fort heureusement, des études de qualité bien supérieure ont été publiées ultérieurement car en 2013 un essai contrôlé randomisé nord-américain n'a pas montré de différence en termes de santé néonatale entre la tentative de voie basse et la césarienne programmée. Par la suite, en 2017, une grande étude française de nature prospective est arrivée à une conclusion similaire.

Voilà pourquoi le Collège national des gynécologues-obstétriciens français autorise la tentative d'accouchement de jumeaux par voie basse sauf contre-indication particulière.

Par exemple, la césarienne est formellement indiquée dès lors qu'il y a un placenta qui couvre le col, un premier jumeau en présentation transverse, un utérus avec des cicatrices de césariennes antérieures, une pathologie sévère liée à la grossesse ainsi qu'un placenta unique avec une poche des eaux unique avec risque de dystocie mécanique.

Il existe aussi des contre-indications relatives comme l'utérus avec une cicatrice d'une césarienne antérieure, un retard très important de la croissance et la présentation du siège du premier jumeau avec risque de dystocie.

Il convient de noter que l'estimation des dimensions du bassin de la mère par un scanner n'est pas actuellement recommandée suivant les données acquises de la science médicale.

En revanche, en l'absence d'entrée en travail spontanée et pour le cas où chaque jumeau a son propre placenta, le Collège national des gynécologues-obstétriciens français a établi des recommandations suivant lesquelles un déclenchement est à prévoir dès 38 semaines de grossesse dès lors que les conditions locales du col sont favorables ( à 39 semaines dans l'hypothèse contraire ).

En cas de placenta unique partagé, le déclenchement est à prévoir dès 36 semaines de grossesse selon les mêmes recommandations.

La péridurale est encouragée compte tenu de la fréquence élevée de manœuvres et/ou de césarienne.

Pendant le travail, spontané ou déclenché, la survenance d'une dystocie est plus fréquente en cas de jumeaux par rapport au cas de grossesse unique. En effet, les contractions peuvent ne pas être efficaces en raison d'un utérus trop distendu par les deux enfants à naître.  En outre, le second jumeau peut gêner l'engagement du premier jumeau dans le bassin de la mère.

II. Questions des parents sur la prise en charge de la grossesse gémellaire

L'analyse porte sur plusieurs éléments médico-légaux donc on se bornera à soulever quelques-uns ici.

Tout d'abord, la maternité de niveau III n'est pas obligatoire pour l'accouchement de jumeaux à la condition que la maternité choisie puisse respecter les recommandations du Collège national des gynécologues-obstétriciens français. 

La surveillance du rythme du cœur de chaque jumeau ( donc, un double monitorage ) est nécessaire afin de dépister un manque d'oxygène.

Il convient de rappeler le risque de la chute en avant du cordon ombilical du premier jumeau après la rupture de la poche des eaux ce qui peut entraîner l'anoxo-ischémie. Il y a aussi celui d'enchevêtrement des cordons des jumeaux situés dans la même poche des eaux. 

Il y a également le risque spécial d'anoxie du second jumeau si bien que le délai entre la naissance du premier jumeau et celle du second doit être abrégé.

Il en est ainsi car, dans l'attente de la naissance du second jumeau, le placenta peut commencer le décollement conduisant à son expulsion naturelle ce qui pertube l'apport d'oxygène et du sang au second jumeau outre le risque de procidence du cordon. 

C'est pourquoi les recommandations de la pratique clinique préconisent une prise en charge active de l'accouchement du second jumeau afin de réduire le délai entre les deux accouchements.

Cette prise en charge active est d'autant plus nécessaire que les chances de césarienne sur le second jumeau sont liées à ce délai.

Toujours est-il que, pour la naissance du premier jumeau qui est le plus souvent en présentation céphalique, il est nécessaire d'attendre la dilatation complète et l'arrivée de la présentation sur le plancher du bassin avant le début des poussées de la maman. Dès lors que la plus grande partie de la tête du premier jumeau s'extériorise, la perfusion d'oxytocine est arrêtée.

L'expulsion permet la prise en charge sans délai du second jumeau.

Lorsque celui-ci est en présentation céphalique fixée ou engagée, le poche des eaux est rompue et la perfusion d'oxytocine recommencée suivie des poussées de la maman pour aboutir à l'expulsion.

En revanche, pour certaines maternités, en cas de présentation céphalique mobile du second jumeau, une intervention rapide avant la reprise des contractions utérines permet une version par manœuvre interne pour la transformer en celle du siège. La manœuvre est suivie d'une grande extraction de siège ( les manœuvres aboutissant à l’expulsion du massif des hanches ) suivie d'une petite extraction du siège ( les manœuvres permettant l'accouchement des épaules et/ou de la tête dernière ).

En cas de présentation du siège du second jumeau, la grande extraction suivie d'une petite extraction permet la naissance.

Ainsi les pratiques d'accouchement du second jumeau en présentation céphalique varient selon les maternités et les données sont rares quant à la supériorité d'une pratique par rapport à l'autre.

Pour l'avocat, l'important est vérifier la conformité aux recommandations de bonne pratique quelque soit la technique choisie à la condition que celle-ci ne soit pas contre-indiquée. 

Par ailleurs, l'avocat en droit de la santé sera attentif au délai entre les naissances des jumeaux car tout retard peut entraîner une encéphalopathie anoxo-ischémique et la nécessité d'un traitement par hypothermie contrôlée.

Plus généralement, l'avocat prendra soin de remarquer toute dystocie et son incidence sur la conduite à tenir devant d'éventuelles anomalies du rythme cardiaque fœtal de chaque jumeau traduisant une mauvaise tolérance fœtale nécessitant une intervention par césarienne notamment pendant le premier stade du travail.

Tout retard à la prise en charge doit être analysé au regard des exigences de la jurisprudence afin de déterminer, d'une part, s'il est fautif et, d'autre part, s'il existe un lien de causalité entre ce retard et le handicap subi par la jeune victime.

III. Le dossier médical est nécessaire pour répondre aux questions de la famille

Le professionnel du droit restera attentif devant l'analyse d'une naissance de jumeaux car s'agissant d'un accouchement à risque.

L'avocat spécialiste doit analyser le dossier de la maternité afin de répondre aux questions des parents sur la conformité de la prise en charge et l'opportunité d'engager une action en justice afin d'indemnisation du préjudice subi. 

Or, pour que l'avocat puisse effectuer cette analyse, il a besoin d'étudier le dossier médical.

En conséquence, la famille de la victime d'un handicap subi à la naissance doit demander une copie du dossier d'accouchement ainsi que des dossiers du service de réanimation néonatale et du service de néonatologie. 

La famille de la victime peut trouver une lettre type de demande du dossier d'accouchement à cette page du site internet de notre cabinet d'avocat : 

https://dimitriphilopoulos.com/erreur-grossesse-accouchement-naissance/avocat-erreur-medicale-accouchement.php

Il ne faut pas oublier de demander également le compte rendu du service de réanimation néonatale et celui du service de néonatalogie.

Dimitri PHILOPOULOS

Avocat à la Cour de Paris et Docteur en Médecine

22 avenue de l'Observatoire - 75014 PARIS

Site internet du cabinet : https://dimitriphilopoulos.com

Tél : 01.46.72.37.80