Rappels sur la notion de préjudice écologique

Le préjudice écologique a été inscrit dans le Code civil en 2016 aux articles 1246 et suivants suite à l'affaire Erika[1].

Il est défini comme « une atteinte non négligeable aux éléments ou fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement » (article 1247 du Code civil).

Peuvent notamment intenter une action en réparation du préjudice écologique les associations de protection de l'environnement agréés ou créées depuis au moins cinq ans (article 1248 du Code civil).

L'article 1249 du code civil a posé le principe selon lequel la réparation en nature doit être ordonnée en priorité. Le responsable d'un préjudice écologique doit donc être condamné à remettre les choses dans l'état où elles se trouvaient avant sa faute.

Ce n'est que si cette réparation en nature s'avère impossible que le responsable peut être condamné à verser des dommages et intérêts que le demandeur affecte à la réparation de l'environnement.

Si l'association ne peut affecter les dommages et intérêts à la réparation de l'environnement, il a été prévu que les fonds obtenus au titre de la réparation par équivalent seront affectés à l'Etat.

La reconnaissance d'un préjudice écologique causé par des mouillages illégaux

Sur la Côte d'Azur, depuis 2019, le mouillage de certains navires de plaisance dans les zones à enjeux pour les herbiers de posidonie est réglementé.

D'après l'OFB, ces espèces végétales occupent en effet entre 20 et 50% des fonds côtiers en Méditerranée et sont des écosystèmes pivots. Ils permettent notamment l'oxygénation de l'eau, le stockage du carbone, la limitation de l'érosion côtière et constituent des zones de refuge pour de nombreux organismes[2].

Or, ils se retrouvent menacés par les mouillages des bateaux de plaisance qui, en remontant leur ancre, peuvent les dégrader, les arracher et même les détruire.

Récemment, le tribunal maritime de Marseille a donc reconnu que ces mouillages causent un préjudice écologique.

Comment évaluer le préjudice écologique ?

Dans cette instance, pour évaluer le montant des dommages et intérêts, France Nature Environnement PACA, requérante, dévoile sur son site internet les deux méthodes de calcul envisagées[3].

D'une part, la réparation peut être fondée sur la valeur écosystémique de l'herbier, c'est-à-dire la valeur économique des services rendus par l'herbier. Elle est estimée à 86 676 euros/ha/an. En l'espèce, il est estimé que le navire a détruit au moins 327 m2 de posidonie, soit 0,0327 ha.

Il convient alors de multiplier cela par la durée du préjudice qui est évaluée à 25 ans puisqu'il s'agit de la durée pour que l'herbier retrouve son état initial ante-destruction.

D'autre part, la réparation peut être fondée sur le coût de restauration de l'herbier. Le bouturage et la transplantation ont un coût d'environ 170 euros le mètre carré. Il faut ensuite y ajouter le suivi de la transplantation et les coûts de surveillance.

Dans les deux cas, le préjudice écologique est évalué aux alentours de 200 000 euros.

Décision de la juridiction

Les capitaines de deux yatchs jugés responsables de la destruction des herbiers de posidonie ont été condamnés en l'espèce par le tribunal maritime de Marseille à verser des dommages et intérêts de 86 537 euros pour l'un et 22 423 euros pour l'autre.

Les 108 000 euros alloués par le tribunal permettront donc en partie seulement de réparer le préjudice écologique.

Il convient de préciser que ce montant sera versé à l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse car cette dernière est l'acteur œuvrant territorialement pour la conservation de l'herbier de Posidonie.

[1] CA Paris, 30 mars 2010 : le préjudice écologique de communes affectées par une marée noire est reconnu et indemnisé pour la première fois

[2] https://www.ofb.gouv.fr/les-herbiers-de-posidonies 

[3] https://fnepaca.fr/dossiers/mouillages-illegaux-et-posidonies-un-precedent-juridique-en-creation