En ces temps tourmentés pour les exploitations agricoles (aléas climatiques, aléas économiques) le fermier peut rencontrer des difficultés pour régler le fermage.

Le non-paiement, ou le paiement partiel, du fermage met à mal l'équilibre contractuel entre le preneur et le bailleur.

Cette rupture du lien contractuel est une cause de résiliation du bail.

Toutefois, la volonté du législateur d'assurer la stabilité du preneur se traduit par des dispositions très restrictives (pour le bailleur). Ainsi, une clause résolutoire insérée dans le bail n'est pas valable et sera réputée non écrite.

C'est l'article L 411-31 I 1° du Code Rural et de la Pêche Maritime qui régit la matière.

Dans un premier temps, constatant le défaut de paiement du fermage à l'échéance convenue, le propriétaire doit adresser au locataire une mise en demeure (ou commandement de payer par voie d'huissier).

La mise en demeure (ou le commandement de payer) doit reproduire les termes du I 1° de l’article L 411-31.

Dans le corps de la mise en demeure, le bailleur doit indiquer le montant exact du fermage dû et le montant exact des sommes restant dûes (compte tenu des acomptes qui ont pu être versés par le preneur).

Cette précision suppose, dans certains cas, de procéder à un recalcul du fermage depuis la conclusion du bail (en tenant compte, bien entendu, de la variation annuelle de l'indice des fermages).

Il conviendra, également, de prendre en considération le dégrèvement spécial sur la taxe foncière (afférente au biens loués) dont a pu bénéficier le propriétaire par suite de calamités agricoles (grêle, gelée, pluviosité excessive, sécheresse, ....). En effet, selon l'article L411-24 du Code rural et de la pêche maritime, dans cette situation, le propriétaire doit en faire bénéficier le preneur, de sorte que le montant du dégrèvement doit venir en déduction du fermage dû.

A défaut de calcul exact, la mise en demeure pourra être considérée, par le juge, comme erronée et; partant, comme une excuse de nature à rejeter la demande de résiliation du bail.

Lorsque la défaillance concerne un seul terme, deux mises en demeure, espacées chacune d'elle d’un délai de trois mois, doivent être adressées. La sanction de la résiliation est alors encourue à l’expiration du second délai (de 3 mois) si le règlement n'est pas alors intervenu (soit un délai de grâce de 6 mois et un peu plus).

Exemple :

L'échéance du 1er novembre 2019 (date à laquelle le fermage devient exigible) n'a pas été réglée.

Le 1er février 2020, le bailleur adresse une première mise en demeure au fermier, lequel la reçoit le 3 février.

Il ne paie pas durant le délai de 3 mois => un premier défaut de paiement est constitué le 3 mai.

A partir du 4 mai (pas avant), le bailleur peut adresser une seconde mise en demeure. Elle est adressée le 5 mai et reçu le 7 mai.

Le preneur ne paie pas le fermage durant le second délai de 3 mois => le second défaut de paiement est constitué le 7 août.

A partir du 8 août, le bailleur peut saisir le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de résiliation du bail pour défaut de paiement du fermage, car il y a bien deux  défauts de paiement caractérisés.

Côté preneur, le règlement doit être intégral à l'expiration du délai de 3 mois. En effet, un paiement partiel n'est pas libératoire.

En revanche, une seule mise en demeure suffit si le paiement de deux (ou plusieurs) termes distincts est demandé en même temps. La sanction de la résiliation est alors encourue à l’expiration du délai de trois mois après la réception de cette unique mise en demeure.

Une fois le défaut de paiement constaté et muni des mises en demeure (non suivies d'effet), le bailleur devra saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux compétent pour que soit prononcée la résiliation du bail. Le preneur sera, également, condamné à payer les arriérés de fermage.

Raisons sérieuses et légitimes permettant d'échapper à la résiliation.

Le preneur pourra faire valoir des "raisons sérieuses et légitimes" qui feront obstacle à la demande de résolution. Ces raisons sont appréciées souverainement par le juge du fond. Le preneur restera néanmoins redevable des arriérés de fermage. D'une façon générale, les raisons sérieuses et légitimes permettant au preneur d’échapper à la résiliation du bail doivent résulter de faits indépendants de sa volonté.

* Montant excessif du fermage : cette justification suppose qu'une action judiciaire en modification du prix du bail ait été engagée par le preneur, avant l'action en résiliation du bailleur.

Le preneur peut justifier le défaut de paiement des fermages en invoquant l’existence, à la date de la demande en résiliation, d’une procédure en fixation du prix du bail renouvelé, procédure qui induit nécessairement une incertitude sur le montant du loyer (Cass. 3° civ., 12 mars 2014, n° 12-29.406).

De même, l’action en révision du prix du bail rural engagée avant l’envoi de la mise en demeure de payer par la bailleresse constitue une raison sérieuse et légitime faisant obstacle à la résiliation du bail (Cass. 3° civ., 26 mai 2016, n° 14-26917).

Ont été admis :

* Montant erroné des fermages mentionné dans la mise en demeure.

* Prescription (quinquennale) des échéances de fermage visées dans la mise en demeure.

* Mise en oeuvre par le preneur de l'exception d'inexécution qui permet alors de justifier la suspension, par le preneur, du paiement de certaines échéances de fermage.

* Calamités agricoles : inondations, épizooties, ....

* Problèmes de santé rencontrés par l'exploitant.

N'ont pas été admis :

L’incapacité pour le preneur de payer ses charges d'exploitation.

Les difficultés économiques du preneur, si elles ne résultent pas de faits indépendants de sa volonté.

* Les difficultés d’ordre fiscal rencontrées par le preneur ne peuvent constituer une raison sérieuse et légitime permettant de rejeter la demande de résiliation du bail.

A défaut de justifier de telles excuses, le bail sera résilié et le propriétaire sera libre de disposer du bien pour lui-même ou d'en confier l'exploitation à un autre locataire.