Pour faciliter la création de sociétés d'exploitation agricole, la loi a permis à un propriétaire de mettre à disposition tout ou partie de ses biens ruraux à la disposition d'une telle société, par dérogation au Statut du fermage (loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 codifiée à l'article L 411-2 in fine du Code rural et de la pêche maritime).

Ainsi, assuré qu'en cas de retrait de la société il pourra recouvrer la jouissance de son bien sans que la société puisse revendiquer le bénéfice d'un bail rural, il sera plus enclin à y participer.

Deux conditions sont exigées par le texte :

  1. Le propriétaire (personne physique) doit mettre les biens à la disposition de la société (peu importe la forme de la société).
  2. Il doit participer effectivement à l’exploitation du bien mis à disposition dans le cadre de la société.

La question de savoir si le propriétaire des terres doit être membre de la société bénéficiaire de la mise à disposition reste débattue.

A priori, il ne semble pas exigé qu'il soit associé : le simple fait qu’il participe (effectivement) aux travaux au sein de la société suffirait (Cass. 3° civ., 12 juillet 2018, n° 16-17.008). Mais, une jurisprudence semble dire l'inverse : Cass. 3° civ., 3 févr. 2010, n° 09-11.528.

Par contre, l'absence de participation effective aux travaux au sein de la société est de nature à entraîner la qualification (ou requalification) de la convention de mise à disposition en bail rural.

L'enjeu est important, notamment lorsque le propriétaire, après avoir participé aux travaux, a cessé de le faire (par exemple en vue de faire valoir ses droits à la retraite).

C'est ainsi que l’auteur d’une mise à disposition fondée sur l’article L 411-2 qui cesse de participer aux travaux, sans notifier à la société sa volonté de mettre fin à la mise à disposition, mais tout en continuant à percevoir la redevance, s’expose à être lié à celle-ci par un bail rural. Pour un exemple : Cass. 3° civ., 10 sept. 2020, n° 19-20.856.

Toutefois, le juge pourra prendre en considération un contexte particulier, notamment la mésentente entre les associés, pour rejeter la demande (de la part de la société) de requalification en bail rural. Ainsi, en dépit de la cessation d’activité de deux de ses membres, la société n’a pas été admise à se prétendre titulaire d’un bail rural sur les biens mis à disposition par les propriétaires sortants (Cass. 3° civ. 5 déc. 2001, n° 00-13.569).

Rien n'empêche ledit propriétaire de soumettre la convention au Statut du fermage, par le biais d'un écrit sous forme de bail "9 ans", voire de bail à long terme (18 ou 25 ans). Dans une telle hypothèse, s'il cesse l'activité il ne peut évidemment pas reprendre la jouissance des terres.

Le droit de jouissance attaché à une telle convention de mise à disposition dérogatoire est temporaire. Si, bien souvent, ce droit est lié à la durée durant laquelle le propriétaire participe aux travaux au sein de la société, rien n'empêche ce dernier de révoquer à tout moment, et sans avoir à en justifier, une telle convention, même si, dans la majorité des cas, une telle révocation intervient à l'occasion du retrait du propriétaire de la société (éventuellement de son exclusion).