Le contrôle des structures des exploitations agricoles est une législation française originale qui se traduit par un contrôle de l'administration pour l'accès au foncier.
La finalité de cette législation est de contrôler le fait d’exploiter au regard des critères suivants :
- critères afférents à la structure de l’exploitation : taille de l’exploitation, éloignement des parcelles, démembrement (de l'exploitation mise en valeur par l'exploitant en place),
- critères afférents à la personne qui met valeur l’exploitation : capacité ou expérience professionnelle, pluri-activité.
Dans la mesure où la réglementation des structures contrôle les faits d’exploitation, elle est indifférente au titre juridique qui les autorise et sans influence sur la liberté du propriétaire des terres de choisir la personne avec laquelle il conclura un bail (CE, 30 juillet 2003, n° 241999) ou à qui il vendra les terres.
L’autorisation d’exploiter est délivrée par le préfet. Elle ne confère aucun droit à exploiter le bien, dès lors que le propriétaire n’est pas tenu de mettre à disposition ce bien à la personne qui s’est vu délivrer cette autorisation.
A l’inverse, un propriétaire peut valablement céder la propriété du bien agricole à un tiers, même si ce dernier (qui souhaite exploiter) n’est pas détenteur d’une autorisation d’exploiter (c’est lui qui supportera les sanctions éventuelles en cas d’infraction au contrôle des structures des exploitations agricoles).
Dit autrement, l'autorisation administrative d'exploiter est une condition nécessaire, mais pas suffisante pour exploiter un fonds de terre. En effet, une personne peut être titulaire d'une autorisation administrative sur des parcelles déterminées, mais ne pourra pas, bien évidemment, les exploiter si le propriétaire refuse de lui consentir un bail sur ces mêmes parcelles (cette faculté lui restant réservée).
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la législation des structures agricoles a été jugée conforme à la Constitution, dans la mesure où le propriétaire demeure "in fine" libre de choisir la personne à qui il confiera l’exploitation de son fonds (JO 28 juillet 1984, p. 2503).
OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LE CONTRÔLE DES STRUCTURES AGRICOLES.
Le Contrôle des Structures poursuit plusieurs objectifs :
- favoriser l’installation d’agriculteurs remplissant les conditions de formation ou d’expérience fixées par décret, y compris ceux engagés dans une démarche d’installation progressive,
- consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d’atteindre ou de conserver une dimension économique viable,
- promouvoir le développement des systèmes de production permettant de combiner performance économique et performance environnementale, dont ceux du mode de production biologique,
- maintenir une agriculture diversifiée, riche en emplois et génératrice de valeur ajoutée, notamment en limitant les agrandrissements excessifs.
Cette législation concerne exclusivement la mise en valeur de biens immobiliers ruraux (terres, bâtiments agricoles), soit directement, soit par le biais d'une société d’exploitation agricole) au sein d’une exploitation agricole, et ce quels que soient la forme ou le mode d’organisation juridique de celle-ci et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée.
Elle ne s'applique donc que si les biens en cause ont une vocation agricole.
DOMAINE D’APPLICATION DU CONTRÔLE DES STRUCTURES QUANT AUX OPÉRATIONS.
Le Contrôle des Structures s’applique à l'occasion du changement d’exploitant portant sur un bien déterminé.
Ce bien peut être :
- soit des terres ou des bâtiments agricoles (mutation physique),
- soit des parts sociales de société d’exploitation agricole : GAEC, EARL, SCEA, ….. On considère alors qu'il y a un changement indirect d'exploitant par l'intermédiaire de la société.
Cette réglementation ne concerne que l’exploitation et non la propriété.
Ainsi, le Contrôle des Structures ne s’applique pas aux opérations qui n’ont aucune incidence sur les conditions de mise en valeur du fonds et qui ne se traduisent, donc, pas par un changement d’exploitant.
Par exemple :
- achat de terres par un fermier qui était jusqu’alors titulaire d’un bail rural sur ces mêmes parcelles,
- donation de la nue-propriété par le propriétaire-exploitant,
- vente des terres par un propriétaire-exploitant à un investisseur qui consent aussitôt un bail au vendeur, ....
La nature des opérations visées est :
- soit l’installation : opération réalisée par une personne physique - ou morale - qui n’était pas exploitante agricole auparavant et qui le devient,
- soit la réinstallation : opération réalisée par une personne physique - ou morale - qui a été exploitante agricole par le passé, qui a perdu un certain temps cette qualité et qui redevient exploitante agricole (rupture pour des raisons personnes, perte de l'exploitation par suite d'une expropriation ou d'un congé-reprise délivré par le propriétaire, ...).
- soit l’agrandissement : opération réalisér par une personne physique ou morale qui est déjà exploitante agricole par ailleur (soit de façon directe, soit de façon indirecte par le biais d'une société),
- soit la réunion d’exploitations : opération qui se traduit par le regroupement de deux ou plusieurs exploitations, dans le cadre d'un GAEC par exemple.
Il convient de trois cas de figure :
- les opérations qui nécessitent l'obtention d'une autorisation administrative d'exploiter (a),
- les opérations libres (qui ne nécessitent donc pas l'obtention d'une autorisation administrative d'exploiter (b),
- les déclarations préalables, dans le cas particulier de la reprise de biens familiaux.
a/ Les situations soumises à une autorisation d’exploiter (évènements qui déclenchent le Contrôle des Structures) sont les suivantes :
a.1) Installation, agrandissement, réunion d’exploitations agricoles lorsque la surface (après l’opération envisagée) dépasse le seuil fixé par le Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles (SDREA).
a.2) Quelle que soit la surface en cause, toute installation, agrandissement, réunion d’exploitations agricoles qui a pour conséquence :
- de supprimer une exploitation dont la surface dépasse un seuil fixé par le SDREA,
- ou de ramener la surface de l’exploitation en deçà de ce seuil,
- de priver une exploitation agricole d’un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s’il est reconstruit ou remplacé.
a.3) Quelle que soit la surface en cause, toute installation, agrandissement, réunion d’exploitations agricoles mises en valeur :
- par un exploitant individuel qui ne remplit pas les conditions de capacité professionnelle (3° du I de l’article L 331-2 du Code Rural et de la Pêche Maritime) :
- possession de l’un des diplômes ou certificats requis pour l’octroi des aides à l’installation visées aux articles D 343-4 et D 343-4-1 :
- soit le baccalauréat professionnel, option « conduite et gestion de l’exploitation agricole »,
- soit le Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole (BPREA),
- soit un titre reconnu par un Etat membre de l’Union Européenne conférant le niveau IV agricole,
ou
- expérience professionnelle : 5 ans de pratique agricole acquise en qualité d’exploitant, d’aide-familial, d’associé-exploitant, de salarié d’exploitation agricole ou de collaborateur d’exploitant, et ce, durant les 15 dernières années et sur une surface égale au moins au 1/3 de la surface agricole régionale (soit 24,67 ha pour la région OCCITANIE).
- par une société d’exploitation lorsqu’un seul des associés-exploitants ne remplit pas les conditions de pratique ou d’expérience professionnelle,
- lorsque la société ne comprend pas d’associé-exploitant,
- lorsqu’un exploitant pluriactif remplit les conditions de pratique ou d’expérience professionnelle, mais dont les revenus extra-agricoles (personnels) excèdent 3120 fois le SMIC horaire (à moins qu’il ne soit engagé dans un dispositif d’installation progressive, au sens de l’article L 330-2 du Code Rural et de la Pêche Maritime) -> cf décret n° 2016-78 du 29/01/2016.
4] Agrandissement ou réunions d’exploitations lorsque la distance du bien dont l’exploitation est envisagée est supérieure à un maximum fixé par le SDREA (10 km ou 20 km en région OCCITANIE, selon la zone).
5] Création ou extensions de capacité d’ateliers hors-sol :
- quelle que soit cette capacité pour les élevages de porcs sur caillebotis partiel ou intégral,
- au-delà d’un certain seuil de production fixé par décret pour les autres ateliers.
B/ Les autres opérations sont LIBRES et ne nécessitent pas d’autorisation préalable d’exploiter, ce qui suppose que toutes les conditions soient satisfaites de façon cumulative :
- capacité professionnelle,
- si pluriactivité, revenus extra-agricoles < 3.120 fois le SMIC horaire,
- surface après opération < seuil de contrôle,
- pas d’agrandissement au-delà de la distance fixée par le SDREA,
- pas de suppression de l’exploitation du preneur ou de réduction en-dessous du seuil fixé par le SDREA,
- pas de privation, pour le preneur, d’un bâtiment essentiel à son fonctionnement(sauf s’il est reconstruit ou remplacé).
Il est toutefois préférable de faire valider, par écrit, cette appréciation par la Direction Départementale des Territoires.
C/ Régime dérogatoire pour les biens de famille (dans le cas où l’opération ne serait pas libre).
L’opération, en principe, soumise à autorisation préalable d’exploiter peut n’être soumise qu’à un régime de déclaration lorsqu’elle est réalisée dans un cadre familial et que des conditions bien précises sont réunies. Il s'agit d'une dérogation à l'obligation d'obtenir une autorisation d'exploiter en cas de reprise d'un bail de famille.
En premier lieu, il doit s'agir d'une mise en valeur d’un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d’un parent ou allié jusqu’au 3ème degré inclus.
Ensuite, les conditions suivantes doivent être remplies :
- le déclarant doit satisfaire aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle,
- les biens doivent être libres de location (à la date d'effet du congé en cas de congé-reprise),
- les biens doivent être détenus par ce parent ou allié depuis 9 ans au moins,
- les biens doivent être destinés à l’installation d’un nouvel agriculteur (sans limite de superficie) ou à la consolidation de l’exploitation du déclarant, dès lors que la surface de celle-ci après consolidation n’excède pas le seuil fixé par le Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles au-delà duquel une autorisation d’exploiter est nécessaire.
Ce régime de déclaration préalable évite ainsi de solliciter une autorisation d’exploiter dans les hypothèses suivantes :
- quelle que soit la surface mise en valeur en cas d’installation,
- quelle que soit la distance séparant le siège de l'exploitation et les terres en cas d'agrandissement,
- quelque soit le montant de ses revenus extra-agricoles, en cas d'exercice d'une autre activité professionnelle par le reprenant,
- quand bien même l'opération se traduirait par le démembrement de l’exploitation de l’exploitant précédent ou par la perte - par ce dernier - d'un bâtiment essentiel.
ENFIN LES OPERATIONS REALISEES PAR L'ENTREMISE DE LA SAFER SONT SOUMISES A UN REGIME SPECIFIQUE.
EN PRESENCE DE PLUSIEURS CANDIDATS (situation de concurrence), ce dispositif permet de départager ces candidats en s'appuyant sur des critères objectifs.
En présence de demandes concurrentes pour la mise en valeur du même fonds, le Préfet se réfère à l'ordre de priorité fixé par le Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles (SDREA).
L’article L 331-3-1 du Code Rural et de la Pêche Maritime énumère une liste limitative de cas (au nombre de quatre) pour lesquels une demande d’autorisation d’exploiter peut être refusée :
- le fait qu’il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du SDREA,
- lorsque l’opération compromet la viabilité de l’exploitation du preneur en place (ce qui laisse entendre que, même si la situation du preneur se trouve à un rang de priorité inférieur à celui de l’autre candidat – c’est-à-dire du bénéficiaire de la reprise dans le cadre d’un congé-reprise – ce dernier se verrait notifier un refus d’autorisation d’exploiter),
- lorsque l’opération conduit à un agrandissement excessif (étant précisé que ce motif de refus ne pourra être opposé au demandeur dans les cas où il n’y a pas d’autre candidat à la reprise de l’exploitation ou du bien considéré, ni de preneur en place). Toutefois, dans une telle hypothèse, la Cour Administrative d'Appel de NANTES (17 nov. 2023, n°s 22NT03550 et 23NT00304) a considéré qu'une autorisation d'exploiter pouvait être accordée, malgré le caractère excessif du projet d'agrandissement, dès lors que le demandeur était mieux placé dans l'ordre de priorité fixé par le SDREA.
- dans le cas d’une mise à disposition de terres au profit d’une société, lorsque celle-ci entraîne une réduction du nombre d’emplois salariés ou non salariés sur les exploitations concernées.
Il convient de noter que, dans ces différents cas de figure, le refus reste une faculté pour le Préfet, qui peut, exceptionnellement, s'extraire de ces dispositions.
En effet, ces dispositions ne font plus obligation au Préfet de refuser l'autorisation d'exploiter à tel demandeur quand ce dernier est situé dans un rang de priorité inférieur à l'autre candidat (ou aux autres candidats). Toutefois, les juridictions administratives n'acceptent que le Préfet puisse s'écarter de l'ordre de priorités du SDREA qu'à titre exceptionnel et à condition que l'intérêt général ou des circonstances particulières le justifient. La Cour administrative d'appel de NANTES a rappelé ce principe, en refusant l'autorisation d'exploiter à celui qui était moins bien placé dans l'ordre de priorité, dès lors que ce demandeur ne démontrait pas l'existence de telles circonstances (CAA NANTES, 3° chambre, 21 janvier 2022, n° 21NT01202).
Email : eric.grandchamp@gmail.com
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