Par principe, le bail rural est incessible (article L 411-35 du Code Rural et de la Pêche Maritime). Il s'agit d'un contrat personnel : le bailleur a choisi tel preneur au regard de ses qualités personnelles, et pas un autre.

Toutefois, le Statut du Fermage réserve le cas où le preneur souhaiterait céder son droit au bail à un membre de sa famille : conjoint ou partenaire lié par un PACS participant à l'exploitation, descendant ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipé.

Une telle cession est autorisée par la loi, mais suppose le respect d'une procédure.

1/ CESSION AMIABLE AVEC L'ACCORD DU PROPRIETAIRE.

Le bail peut être cédé à un membre de la famille avec l'accord du propriétaire, sous réserve que cet accord soit donné avant la cession.

Une cession faite à l'insu du propriétaire est irrégulière et est frappée de nullité. Elle est, de plus, passible de la résiliation du bail, à moins que le bailleur n'accepte de ratifier la cession irrégulière.

2/ CESSION AVEC L'AGREMENT PREALABLE DU TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX.

A défaut d'accord du bailleur, le preneur a la faculté de saisir le tribunal paritaire des baux ruraux pour être autorisé à céder son droit du bail.

Mais, cette autorisation judiciaire ne sera accordée que sous réserve que plusieurs conditions soient satisfaites de façon cumulative.

a/ Tout d'abord, le preneur ne doit avoir commis aucune faute dans l'exécution du bail (preneur de bonne foi).

Ainsi, la cession sera refusée lorsque :

  • le preneur n'a pas réglé en temps et en heure le fermage,
  • il n'a pas mis en valeur correctement le fonds, ou lorsqu'il a commis des fautes telles que l'arrachage de vignes ou de plantations sans l'accord du bailleur, la sous-location prohibée, ....
  • le défaut d'information du bailleur par le preneur lorsqu'il a mis les terres louées à la disposition d'une société d'exploitation agricole (au sein de laquelle il participe aux travaux) : Cass. 3° civ., 26 oct. 2022, n° 21-17.886.

Les manquements reprochés au preneur sont sanctionnés par un refus d’autoriser la cession, même s’ils ne justifient pas un refus de renouvellement ou la résiliation du bail.

Toutefois, un manquement partiel aux obligations du preneur (défaut d'exploitation d'une petite parcelle de 60 ares pour une surface totale louée de 6 ha 44 a 50 ca) n'est pas de nature à empêcher la cession du bail à un descendant (Cass. 3° civ., 11 mai 2022, n° 21-14.319).

b/  En cas de cession au conjoint ou au partenaire avec lequel le preneur est lié par un pacte civil de solidarité, le conjoint ou le partenaire doit participer effectivement à l’exploitation.

Une simple inscription à la MSA en qualité de conjoint collaborateur ne suffit pas. Il faut que la participation soit effective.

c/ aptitude professionnelle du cessionnaire

Les conditions d’aptitude exigées du cessionnaire pressenti sont identiques à celles exigées du bénéficiaire de la reprise en cas de congé-reprise pour exploiter :

  • possession de l’un des diplômes ou certificats requis pour l’octroi des aides à l’installation :
    • - soit le baccalauréat professionnel, option « conduite et gestion de l’exploitation agricole »,
    • - soit le Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole (BPREA),
    • - soit un titre reconnu par un Etat membre de l’Union Européenne conférant le niveau IV agricole,
  •  ou
  • expérience professionnelle : 5 ans de pratique agricole acquise en qualité d’exploitant, d’aide-familial, d’associé-exploitant, de salarié d’exploitation agricole ou de collaborateur d’exploitant, et ce, durant les 15 dernières années et sur une surface égale au moins au 1/3 de la surface agricole régionale.

d/ si le cessionnaire pressenti exerce une autre activité professionnelle, cette activité doit être compatible avec la mise en valeur des biens loués.

e/ le candidat doit être solvable et/ou posséder le matériel nécessaire à l’exploitation du fonds.

f/ le candidat à la cession doit remplir les mêmes conditions que celles exigées du bénéficiaire d’un congé-reprise visé par l’article L 411-59 et, il doit être en mesure de mettre en valeur le fonds de façon effective et permanente.

g/ le candidat à la cession doit être en règle avec le contrôle des structures des exploitations agricoles.

Il convient de distinguer :

  • - la cession irrégulière, à savoir une cession autorisée par la loi (au profit d'un membre de la famille du preneur), mais qui n'a pas respecté l'une des deux procédures susvisées.
  • - la cession illicite, à savoir la cession du bail à un tiers (non membre de la famille), laquelle est frappée de nullité quand bien même une telle cession aurait été acceptée par le bailleur (il vaut mieux alors résilier l'ancien bail et conclure un nouveau bail au profit du nouveau locataire).

Ne sont pas évoquées dans cet article :

- la cession du bail à une société civile d'exploitation agricole prévue à l'article L 411-38,

- le bail cessible qui fait l'objet de dispositions particulières (se rapporter à l'article sur le BAIL CESSIBLE),

- la cession du droit au bail dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire (article L 642-1 alinéa 3 du Code de Commerce).

3/ FORMALISME À RESPECTER UNE FOIS L'ACCORD OU L'AGREMENT OBTENU.

Selon l'article 1216 alinéa 2 du Code civi, un contrat écrit doit être établi entre le preneur-cédant et le preneur-cessionnaire. Et ce à peine de nullité.

Selon ce même article (alinéa 1), le contrat doit être notifié au bailleur (soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par acte de Commissaire de justice), à moins que le bailleur en ait pris acte (en paraphant par exemple l'acte de cession). A défaut, le congé délivré au preneur initial en raison de son âge est valable, quand bien même la cession du bail à son descendant a été agréée par le tribunal et quand bien même un acte écrit de cession entre l'ancien preneur et le nouveau a été établi (Cass. 3° civ., 11 janvier 2024, n° 22-15.661).