Si le statut du fermage régit les relations d'ordre privé entre le propriétaire et l'exploitant, le contrôle des structures des exploitations agricoles organise un contrôle de l'administration sur le droit d'exploiter.

En principe, ces deux législations sont indépendantes. Ainsi, l’autorisation d’exploiter délivrée par le préfet ne confère aucun droit à exploiter le bien et le propriétaire n’est pas tenu de mettre à disposition ce bien à la personne qui s’est vu délivrer cette autorisation (cf blog sur le contrôle des structures des exploitations agricoles).

Bien entendu, ces deux législations se confrontent à l'occasion de la formation et des évènements qui émaillent le bail.

Comment s'articulent alors ces deux corps de règles ?

Validité du bail

L'article L 331-6 précise que tout preneur, lors de la conclusion du bail, doit faire connaître au bailleur la superficie et la nature des biens qu’il exploite et que mention expresse en est faite dans le bail. Toutefois, le texte n’assortit le défaut de cette mention d’aucune sanction.

Par principe, le preneur doit être muni d'une autorisation d'exploiter pour conclure le bail, si tant est que cette autorisation s'impose. Il se peut, en effet, qu'une telle autorisation ne soit pas nécessaire (opération libre) si toutes les conditions sont réunies (surface inférieur au seuil fixé par le SDREA, capacité professionnelle suffisante, exercice d'une autre activité professionnelle procurant un revenu inférieur au seuil, .....).

La question se pose de savoir si le bail est valable dans l'hypothèse où le preneur n'est pas titulaire d'une autorisation d'exploiter, alors que cette dernière est nécessaire.

Cette question rejoint celle de la validité d'une clause suspensive insérée dans le bail conditionnant la validité de l'acte à la production de l'autorisation administrative.

Or, il a été jugé qu'une telle condition suspensive ne peut pas porter sur un élément de validité du contrat et que, partant, elle doit être réputée non écrite (Cass. 3° civ., 22 oct. 2015, n° 14-20.096).

De sorte qu'une telle clause suspensive serait dépourvue de toute efficacité (cf B. Grimonprez, "Le notaire et le contrôle des structures : l'appel du devoir" : Defrénois 30-8-2014).

Seule l'action en nullité, soumise à des conditions strictes, permet l'anéantissement du bail (cf ci-après).

Régularisation.

A supposer qu'un exploitant ait pris à bail des terres sans être détenteur d'une autorisation d'exploiter (alors qu'une telle autorisation s'imposait), il peut, à tout moment, régulariser la situation auprès de l'administration. Le risque reste, toutefois, qu'il essuie alors un refus, si un concurrent se présente et que ce dernier est mieux placé que lui dans l'ordre de priorité fixé par le Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles.

Action en nullité du bail.

C’est uniquement lorsque le preneur exploite malgré un refus définitif d’autorisation d’exploiter ou sans avoir présenté la demande d’autorisation exigée en application de l’article L 331-7 1er alinéa du C.R.P.M. dans le délai imparti par l’autorité administrative que l’action en nullité du bail peut prospérer.

Ce n’est pas l’infraction (en soi) au Contrôle des Structures, mais le refus d’obtempérer à la mise en demeure adressée par le préfet qui justifie l'action en nullité.

Cette action en nullité du bail ne  peut être engagée que :

  • par le préfet,
  • par la SAFER (mais uniquement lorsqu’elle exerce son droit de préemption),
  • par le bailleur.

En effet, il faut rappeler que les règles du Contrôle des structures des exploitations agricoles autorisent la SAFER « lorsqu’elle exerce son droit de préemption » à faire prononcer la nullité du bail lorsque le fermier n’a pas obtenu l’autorisation d’exploiter ou n’a pas présenté de demande d’autorisation dans le délai imparti par le Préfet (art. L 331-6 du Code rural et de la pêche maritime). Pour ce faire, la SAFER, informée de l'existence d'un bail rural grevant le bien objet de la préemption, mais aussi du fait que le preneur est soumis à autorisation d'exploiter (on suppose pour les terres objet du bail) et qu'il n'a pas déféré aux injonctions de l'administration, devra saisir le Tribunal paritaire des baux ruraux aux fins d'annulation du bail. Il semble que la saisine du tribunal doit intervenir dans le délai de deux mois dont dispose la SAFER pour préempter, suspendant ainsi la procédure de préemption tant que la décision judiciaire n'est pas devenue irrévocable. De sorte que la SAFER (si elle obtenait gain de cause) achéterait alors un bien libre de bail, facilitant ainsi sa rétrocession.

Motif de résiliation du bail rural (non)

La non-conformité de la situation du preneur au regard du contrôle des structures agricoles n’est pas un motif de résiliation du bail, dès lors que les motifs de résiliation sont limitativement énoncés par l’article L 411-31  (Cass. 3° civ., 20 juin 2019, n° 18-12.417).

Motif de non-renouvellement du bail (oui)

Le preneur qui a conclu un bail, sans  demander d’autorisation d’exploiter alors qu'il était tenu de le faire, et qui est toujours en situation irrégulière au moment du renouvellement du bail s’expose au non-renouvellement de son bail (jurisprudence constante).

Motif de refus de cession du bail (oui)

Lorsque le preneur envisage de céder son droit au bail, le cessionnaire pressenti doit être en règle avec le contrôle des structures des exploitations agricoles (jurisprudence constante et article L 331-6 du CRPM).

Motif de résiliation du bail à l'encontre des héritiers du preneur qui se voient attribuer le bail à la suite du décès de ce dernier (non).

Le non-respect du Contrôle des structures des exploitations agricoles par les héritiers du preneur n’est pas (ou plutôt n'est plus) un motif de résiliation du bail (pas de résiliation sans texte) : Cass. 3° civ., 20 juin 2019, n° 18-12.417).

Motif d'annulation d'un congé-reprise pour exploiter délivré par le bailleur (oui)

En cas de congé-reprise délivré par le bailleur en vue d'exploiter (ou de faire exploiter par un membre de sa famille) les terres louées, le bénéficiaire doit être en règle avec le contrôle des structures des exploitations agricoles. A défaut, le congé sera annulé.

Toutefois, lorsque les terres sont destinées à être exploitées dès leur reprise dans le cadre d'une société et si l'opération est soumise à autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société (article L 411-58 alinéa 7).

Enfin, ces "sanctions" ne s'appliquent pas lorsque le preneur, ou le cessionnaire pressenti, ou l'attributaire, ou encore le bénéficaire de la reprise, se trouve en situation "libre" au regard du contrôle des structures (dans ce cas, il n'a pas à solliciter d'autorisation auprès de l'administration), ce qui suppose que tous les critères soient remplis.

Le preneur peut également résilier le bail (de façon unilatérale) en vue de mettre en conformité la structure de son exploitation avec le Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles, lorsque l'administration lui a notifié une décision de refus d’exploiter  (article L 411-33 du CRPM). Le texte ne dit pas si la faculté de résiliation dont bénéficie le preneur ne peut porter que sur les seules terres qui ont fait l'objet de la demande d'autorisation d'exploiter ayant essuyé le refus ou si cette faculté peut porter sur toute partie de l'exploitation (partie laissée alors à la seule discrétion du preneur) pour permettre à l'exploitation de se retrouver en conformité avec cette législation.