Il n'est pas rare qu'un propriétaire s'accorde verbalement avec un exploitant quant à la mise en valeur de terres, de bâtiments agricoles.

Un certain rejet du formalisme, des relations de confiance font que les parties se dispensent de rédiger un écrit.

La brouille s'installe entre les protagonistes ou, à la suite du décès du propriétaire, les héritiers découvrent cette situation verbale qui leur semble anachronique.

Le propriétaire ou lesdits héritiers n'ont alors de cesse de vouloir "déloger" l'exploitant.

Un congé lui est alors délivré, sous une forme sommaire le plus souvent : lettre recommandée avec accusé de réception, lettre simple, voire simple email ou encore sms.

L'exploitant se renseigne et s'aperçoit qu'il dispose de droits eu égard au travail qu'il a accompli sur le fonds, parfois depuis de très nombreuses années.

C'est l'article L. 411-1, alinéa 1er du Code rural et de la pêche maritime qui régit la matière et que énonce que « toute mise à disposition d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime » relève du statut du fermage.

Il découle de ce texte que toute mise à disposition :

  • d’un immeuble à usage agricole,
  • aux fins d’exploitation,
  • pour y exercer une activité agricole
  • à titre onéreux.

 est soumise au Statut du Fermage.

Ainsi, si l’existence d’une convention particulière figurant parmi celles visées par l’article L 411-2 du même code n’est pas établie, le Statut de Fermage s’applique dès lors que ces quatre éléments constitutifs du bail rural son réunis.

La qualification par les parties est indifférente : ainsi un contrat dénommé « prêt à usage » peut être qualifié (ou plutôt requalifié) par le juge de « bail rural », s'il a constaté que toutes les conditions pour une telle qualification sont réalisées.

La charge de la preuve pèse sur l'exploitant dès lors que selon l'article 1353 nouveau du Code Civil "Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver".

L'exploitant qui revendique le bénéfice du Statut doit donc démontrer que les quatre critères sont réunis, et ce de façon cumulative.

De son côté, le propriétaire mettra en avant l'insuffisance des preuves apportées, ou encore le fait que la convention relève d'un régime dérogatoire, tel que visé à l'article L 411-2.

En premier lieu, il faut que soit constatée une mise à disposition, c'est-à-dire que le propriétaire ait bien entendu transférer la jouissance du bien à l'exploitant.

La jouissance de l’exploitant doit être exclusive à la fois dans le temps et dans l’espace :

  • exclusive dans le temps : les jouissances intermittentes ne caractérisent pas un bail rural,
  • exclusive dans l’espace : le Statut du Fermage ne s’applique pas en cas de jouissance partagée par plusieurs personnes, ce qui est le cas, par exemple, de la jouissance de parcelles complantées en arbres fruitiers dont le propriétaire ramasse la récolte.

1/ Il doit s'agir d'un immeuble à usage agricole.

Le bien doit avoir une vocation agricole et son exploitation doit permettre de développer une activité agricole.

Ainsi, le bail rural ne peut pas s'appliquer sur des terrains forestiers, des jardins familiaux, notamment.

2/ Aux fins d'exploitation agricole.

Le bail portant sur un bien, certes rural, mais dont le titulaire n’établit aucune preuve d’exploitation agricole ne constitue pas un bail rural soumis au Statut.

3/ Pour y exercer une activité agricole.

L'exploitant doit développer une activité de nature agricole. Sur ce point, il faut se reporter à la définition de l'activité agricole apportée par l'article L 311-1.

Ainsi, la transformation ou le conditionnement portant sur des produits agricoles achetés à des tiers ne se situe pas dans le prolongement de l’acte de production.

Ne relève pas du statut du fermage un bien dont l’utilisation agricole n’est pas principale (en l’occurrence, l’activité exercée sur les lieux était une activité commerciale).

En outre, l'activité agricole doit s'insérer dans l'économie de marché. Ainsi, le bail consenti à un enseignant de profession, non inscrit à la MSA en qualité d’exploitant agricole, ne constitue pas un bail rural dès lors que le preneur ne démontre pas qu’il se livre à une activité autre qu’une simple activité de loisir.

Enfin, la jurisprudence n’exige pas que le preneur exerce une activité agricole à titre exclusif, ni même à titre principal. Il peut exercer une autre activité professionnelle, par ailleurs.

4/ A titre onéreux.

L'exploitant doit apporter la preuve d'une contrepartie : versement d'un loyer ou autre.

L'absence de contreparte exclut la qualification en bail rural. Ainsi, une convention consentie à titre gratuit ne relève pas du Statut du Fermage : elle est constitutive d’un prêt à usage (ou « commodat ») régi par le Code Civil (article 1875 et suivants).

La contrepartie peut consister en :

  • une obligation d’hébergement ou de soins (fils obligé de pourvoir à tous les besoins de sa mère-propriétaire),
  • dans la fourniture de bois, de céréales et de fumier,
  • en des prestations d’entretien d’un jardin appartenant au bailleur,
  • ou encore dans la réparation d’une serre et d’une canalisation d’amenée d’eau,
  • de même que l’échange de services,
  • l’entretien de terres restées à la jouissance du propriétaire,
  • ou encore l’entretien de la personne du bailleur par l’exploitant.

Par contre, l’agriculteur qui, en contrepartie de l’autorisation d’utiliser une parcelle de terre, fournit au propriétaire le blé nécessaire à quelques volailles ne peut se prévaloir de l’existence d’un bail rural en raison du caractère non fixe et aléatoire de détermination  du loyer et de l’affectation des lieux , de façon ponctuelle, à la pâture de chevaux dans le cadre d’un gîte d’étape.

Le prêt à usage par l’intermédiaire duquel étaient mis à la charge de l’emprunteur l’entretien de l’immeuble prêté ainsi que le remboursement des impôts et des frais engagés par le propriétaire a été requalifié en bail rural soumis au Statut du Fermage.

Le seul fait d’exploiter les terres mises à disposition ne saurait être considéré comme une contrepartie onéreuse à la mise à disposition, de sorte que l’occupant ne peut revendiquer l’existence d’un bail rural s’il ne rapporte pas la preuve du caractère onéreux de la mise à disposition.

Le contrat de prêt à usage assorti d’un contrat de location de Droits à Paiement Unique n’entraîne pas la requalification du prêt à usage en bail à ferme. En effet, ne doit pas être regardé comme rémunérant la mise à disposition de terres le fait de valoriser les DPU loués à l’exploitant.

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Lorsque l'exploitant pourra démontrer que toutes les conditions sont réunies, le tribunal paritaire reconnaîtra l'existence d'un bail rural.

Ce bail sera alors soumis au Statut du Fermage, conclu pour 9 ans, aux clauses et conditions fixés par le contrat-type départemental (article L 411-4).

Il faudra, toutefois, réserver le cas d'une location portant sur un fonds de faible dimension, dont la surface serait inférieure au seuil fixé par arrêté préfectoral.

Un tel bail (dit bail de "petites parcelles) ne sera alors que partiellement soumis au statut du fermage (article L 411-3), à moins qu'il ne s'agisse d'un corps de ferme ou d'une partie essentielle de l'exploitation agricole.

Exception dans l'exception, lorsque la location verbale aura été conclue alors que la surface louée est inférieure au seuil préfectoral sur un bien ayant fait l'objet d'une division depuis moins de 9 ans, le bail verbal sera soumis au Statut du fermage pendant une durée de 9 ans. Il ne sera véritablement soumis au Statut du fermage qu'au moment du renouvellement (article L 411-3 alinéa 2).

Eric GRANDCHAMP de CUEILLE

1 impasse Alex Cahuzac 81000 ALBI

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Email : eric.grandchamp@gmail.com