Le bailleur peut reprendre le fonds loué pour le terme du bail en cours en vue de l'exploiter.

Ainsi,  le bailleur et le preneur en place se trouvent en concurrence pour la mise en valeur des mêmes parcelles : le preneur veut conserver son outil de travail, le bailleur veut reprendre son bien (soit pour lui-même, soit pour un membre de sa famille) pour réaliser un projet d'installation ou d'agrandissement.

Un tel conflit entre l'intérêt du preneur en place et celui du propriétaire - qui se présente comme le futur exploitant du fonds loué - justifie le fait que cette opération soit soumise au respect d'une série de conditions, lesquelles s'imposent au bénéficiaire de la reprise.

Ainsi, le congé-reprise peut être délivré (par le propriétaire-bailleur) pour le terme du bail en cours pour exploiter personnellement le fonds ou le faire exploiter par son conjoint, par son partenaire dans le cadre d’un PACS, ou  par un descendant majeur (ou mineur émancipé). A l'exclusion de toute autre personne.

1/ CONDITIONS DE FORME DU CONGÉ.

Le propriétaire doit adresser le congé, par l’entremise d’un Commissaire de justice, au fermier au moins 18 mois avant le terme du bail en cours.

Ce délai est porté à 2 ans en cas de reprise sexennale, mais uniquement pour une reprise au profit du conjoint, du partenaire lié par un PACS ou d’un descendant majeur (art. L 411-6 alinéa 3 du Code Rural et de la Pêche Maritime). Ainsi, cette reprise sexennale ne peut pas s’appliquer lorsque c’est le propriétaire lui-même qui entend exploiter personnellement. Par ailleurs, elle suppose l'insertion dans le bail d'une clause idoine.

Attention ! Par une clause du bail les parties peuvent allonger ce délai, une telle clause étant valable dès lors qu’il n’en résulte pas une restriction des droits du bailleur. Le délai de préavis fixé par la clause doit alors être respecté, à peine de nullité du congé (Cass. 3° civ., 19 nov. 2014, n° 13-25.934).

A peine de nullité, le congé devra mentionner :

- le motif du congé,

- les nom (de naissance), prénoms, âge, domicile actuel et profession du bénéficiaire de la reprise, ainsi que l’adresse de l’habitation que devra occuper après la reprise le bénéficiaire du bien repris,

- les termes de l’alinéa 1er de l’article L 411-54.

2/ CONDITIONS DE FOND DU CONGÉ.

Certaines situations excluent la possibilité de délivrer un tel congé, telles que :

a) avoir atteint l’âge de la retraite agricole, sauf si la superficie de l’exploitation reprise est au plus égale à la surface qu’un agriculteur est autorisé à mettre en valeur sans perdre le bénéfice de sa retraite agricole.

b) percevoir un avantage de vieillesse (tous régimes confondus) supérieur à 4.160 fois le SMIC horaire (cette condition s’applique quelque soit l’âge du candidat à la reprise). Cette condition ne s’applique pas dans le cas d’une reprise en vue de constituer une exploitation de subsistance (2/5ème de la Surface Minimale d’Assujettissement).

Par contre, le bénéficiaire de la reprise doit :

a) remplir la condition de compétence professionnelle, à savoir :

* posséder l’un des diplômes ou certificats requis pour l’octroi des aides à l’installation visées aux articles D 343-4 et D 343-4-1 :

- soit le baccalauréat professionnel, option « conduite et gestion de l’exploitation agricole »,

- soit le Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole (BPREA),

- soit un titre reconnu par un Etat membre de l’Union Européenne conférant le niveau IV dans le domaine agricole,

OU

* justifier d'une expérience professionnelle agricole : 5 ans de pratique agricole acquise en qualité d’exploitant, d’aide-familial, d’associé-exploitant, de salarié d’exploitation agricole ou de collaborateur d’exploitant, et ce, durant les 15 dernières années et sur une surface égale au moins au 1/3 de la surface agricole régionale (soit 24,67 ha pour la région OCCITANIE).

Toutefois, depuis l’ordonnance du 13 juillet 2006, le reprenant qui a obtenu une autorisation d’exploiter (au titre du Contrôle des Structures) est dispensé de la condition de diplôme ou d’expérience professionnelle.

b) démontrer sa volonté d’exploiter personnellement et directement (notamment lorsqu’il exerce, par ailleurs, une autre activité professionnelle).

Le juge du fond apprécie, souverainement, si l'exercice d'une autre activité est compatible avec une mise en valeur, directe et personnelle, du fonds par le bénéficiaire de la reprise.

Il prendra en considération la nature de l'activité extérieure, la disponibilité que permet cette activité, la nature de l'activité agricole (grandes cultures, élevage, ....), la taille de l'exploitation, la proximité de l'implantation de l'activité non agricole avec le siège du fonds repris, pour vérifier si le cumul d'activités est compatible.

C'est ainsi que lorsque le bénéficiaire de la reprise exerce l’activité de pharmacien (et qu’il n’entend pas abandonner cette activité) dans une commune située à 150 kms du fonds objet de la reprise (fonds d’une superficie de 50 ha 88 a), il n’est pas démontré la volonté de ce dernier de participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente. En conséquence, le congé-reprise est annulé (Cass. 3° civ., 8 juin 2023, n° 21-24.123).

c) remplir la condition de détention de cheptel et/ou de matériel, ou de moyens financiers nécessaires à leur acquisition,

d) remplir la condition d’habitation sur place ou à proximité.

e) être en conformité avec la législation sur le Contrôle des Structures des Exploitations Agricoles.

 A/ Les situations soumises à une autorisation d’exploiter sont les suivantes :

1] Installation, agrandissement, réunion d’exploitations agricoles lorsque la surface (après l’opération envisagée) dépasse le seuil fixé par le Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles (SDREA).

2] Quelle que soit la surface en cause, toute installation, agrandissement, réunion d’exploitations agricoles qui a pour conséquence :

- de supprimer une exploitation dont la surface dépasse le seuil fixé par le SDREA,

- ou de ramener la surface de l’exploitation en deçà de ce seuil,

- de priver une exploitation agricole d’un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s’il est reconstruit ou remplacé.

3] Quelle que soit la surface en cause, toute installation, agrandissement, réunion d’exploitations agricoles mises en valeur :

- par un exploitant individuel qui ne remplit pas les conditions de capacité professionnelle,

- par une société d’exploitation lorsqu’un seul des associés-exploitants ne remplit pas les conditions de pratique ou d’expérience professionnelle,

- lorsque la société ne comprend pas d’associé-exploitant,

- lorsqu’un exploitant pluriactif remplit les conditions de pratique ou d’expérience professionnelle, mais dont les revenus extra-agricoles (personnels) excèdent 3120 fois le SMIC horaire (à moins qu’il ne soit engagé dans un dispositif d’installation progressive),

4] Agrandissement ou réunions d’exploitations lorsque la distance du bien dont l’exploitation est envisagée est supérieure à un maximum fixé par le SDREA (10 km ou 20 km en région OCCITANIE, selon la zone).

5] Création ou extensions de capacité d’ateliers hors-sol :

- quelle que soit cette capacité pour les élevages de porcs sur caillebotis partiel ou intégral,

- au-delà d’un certain seuil de production fixé par décret pour les autres ateliers.

B/ Les autres opérations sont LIBRES et ne nécessitent pas d’autorisation préalable d’exploiter, ce qui suppose que toutes les conditions soient satisfaites :

  • capacité professionnelle,
  • si pluriactivité, revenus extra-agricoles < 3.120 fois le SMIC horaire,
  • surface après opération < seuil de contrôle,
  • pas d’agrandissement au-delà de la distance fixée par le SDREA,
  • pas de suppression de l’exploitation du preneur ou de réduction en-dessous du seuil fixé par le SDREA,
  • pas de privation, pour le preneur, d’un bâtiment essentiel à son fonctionnement (sauf s’il est reconstruit ou remplacé).

C/ Régime dérogatoire pour les biens de famille (dans le cas où l’opération ne serait pas libre), qui évite de solliciter une autorisation (dès lors que toutes les conditions sont remplies).

Est ainsi soumise à (simple) déclaration préalable la mise en valeur d’un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d’un parent ou allié jusqu’au 3ème degré inclus lorsque les conditions suivantes sont remplies :

1/ les biens sont détenus par ce parent ou allié depuis 9 ans au moins.

2/ le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle (Bac Pro ou BPREA ou encore 5 ans de pratique agricole),

3/ les biens sont destinés à l’installation d’un nouvel agriculteur ou à la consolidation de l’exploitation du déclarant, dès lors que la surface de celle-ci après  consolidation n’excède pas le seuil fixé par le Schéma des Structures Agricoles, seuil au-delà duquel une autorisation d’exploiter est nécessaire.

4/ les biens sont libres de location (au moment de la reprise).

Lorsque l’opération est soumise au régime dérogatoire de la déclaration préalable au titre de la reprise de biens de famille, le bénéficiaire du droit de reprise n’est pas tenu de justifier du dépôt de cette déclaration dès la date d’effet du congé, mais seulement avant de mettre en valeur les biens (une fois la reprise effective) – Cass. 3° civ., 25 mai 2023, n° 21-25.083.

Lorsque le preneur approche de l'âge de la retraite agricole, la reprise peut être différée.

Le preneur peut s'opposer à la reprise lorsque lui-même ou, en cas de copreneurs, l'un d'entre eux se trouve :

- soit à moins de cinq ans de l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles,

- soit à moins de cinq ans de l'âge lui permettant de bénéficier de la retraite à taux plein.

Dans chacun de ces cas, le bail est prorogé de plein droit pour une durée égale à celle qui doit permettre au preneur ou à l'un des copreneurs d'atteindre l'âge correspondant. Un même bail ne peut être prorogé qu'une seule fois.

Pendant cette période aucune cession du bail n'est possible.

Le preneur doit, dans les quatre mois du congé qu'il a reçu, notifier au propriétaire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sa décision de s'opposer à la reprise ou saisir directement le tribunal paritaire en contestation de congé.

Le Conseil constitutionnel a récemment déclaré contraire à la Constitution le 3ème alinéa de l’article L 411-58 du CRPM, c’est-à-dire l’obligation de délivrer un second congé (Décision n°2021-978 QPC du 11 mars 2022 – JORF du 12 mars 2022). La date de l’abrogation a été fixée au 31 décembre 2022.

UNE FOIS LA REPRISE EXERCÉE, LE BÉNÉFICIAIRE DE LA REPRISE DEVRA METTRE EN VALEUR LE BIEN, PERSONNELLEMENT ET DIRECTEMENT, ET CE PENDANT AU MOINS 9 ANS.

Si le bénéficiaire de la reprise ne respecte pas cet engagement, le preneur a droit :

- soit au maintien dans les lieux si la décision validant le congé n’a pas été exécutée,

- soit à la réintégration dans le fonds avec ou sans dommages-intérêts.

Toutefois, l’action en réintégration est fermée si, compte tenu des biens que le preneur exploite par ailleurs, elle a pour résultat de lui permettre de mettre en valeur une exploitation dont la superficie excède le seuil fixé par le Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles (SDREA).