Le législateur a considéré que l'urbanisation, la construction de logements, constituait un intérêt supérieur à celui de l'agriculture et a permis, sous conditions, la résiliation du bail pour motif d'urbanisme en instaurant l'article L 411-32 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM)

En fait, cette résiliation peut concerner tout changement de destination du bien, la destination initialement agricole étant abandonnée pour une autre destination : construction, mais aussi activités de loisir, voire boisement : le boisement envisagé par le bailleur peut constituer un changement de destination si ce boisement est incompatible avec l’exercice d’une activité agricole (Rép. Min. : JO Sénat Q, 31 mars 2016, p. 1290). Toutefois, le préfet disposera alors d’un large pouvoir d’appréciation pour autoriser - ou non - la résiliation.

La résiliation peut intervenir de plein droit (1) ou après autorisation administrative préalable (2).

1) Si la commune est dotée d’un P.O.S./P.L.U. (ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu)  et que la parcelle est classée en zone U, la résiliation est de plein droit et ne nécessite pas de décision judiciaire.

Toutefois, la résiliation du bail portant sur des parcelles situées en zone AU doit faire l’objet d’une autorisation préfectorale préalable (Cass. 3° civ., 20 fév. 2013, n° 11-26879).

2) Si la commune n’est pas dotée d’un P.O.S./P.L.U. ou si elle est dotée d'un P.O.S./P.L.U. et que la parcelle n'est pas située en zone U, la résiliation n'est envisageable qu'après autorisation préalable du Préfet.

L’autorisation préfectorale est délivrée après avis de la Commission Consultative des Baux Ruraux – article D 411-9-12-1 du CRPM - lequel  avis n’est pas un avis conforme (CE 12 nov. 1997, n° 112348). Le Préfet dispose en effet d’un pouvoir discrétionnaire pour prendre sa décision.

En la matière, le silence gardé par l’administration pendant plus de 4 mois sur la demande d’autorisation vaut décision de rejet (art. R 411-9-12 du CRPM).

Cas de la carte communale. Dans une telle hypothèse, la jurisprudence ne s'est pas montrée favorable au demandeur à la résiliation.

L’acte de notification de résiliation du bail fondé sur l’article L 411-32 du CRPM doit être annulé dès lors que la parcelle en cause fait partie d’une commune dotée d’une carte communale et qu’elle n’est pas viabilisée, ni desservie par les réseaux quand bien même elle se situe dans une zone constructible à vocation d’habitat. La notification de la résiliation aurait dû, alors, être précédée d’une autorisation préfectorale (Cass. 3° civ., 9 février 2017, n° 15-24.320).

Cette décision délivre deux enseignements :

  • la carte communale ne doit pas être regardée comme un document « tenant lieu de PLU » au sens du texte,
  • il ne suffit pas que le terrain soit situé en zone constructible de la carte communale pour être éligible à la procédure de résiliation simplifiée. Il conviendra en outre que ce terrain soit « viabilisé » (c’est-à-dire raccordé aux différents réseaux d’eau, d’électricité, de téléphone et d’assainissement).

Exemples de décision préfectorale sur la demande du bailleur visant à être autorisé à résilier le bail.

Si la résiliation est de nature à causer un grave déséquilibre à l’exploitation du preneur, un refus d’autorisation peut être opposé au bailleur. Aussi, la décision préfectorale qui accorde l’autorisation de résiliation partielle peut être attaquée devant le juge administratif lorsque l’opération projetée rompt l’équilibre de l’exploitation (C.E. 12 novembre 1997, n° 112348).

La résiliation du bail qui ne porte pas une atteinte excessive à l’équilibre de l’exploitation du preneur peut être autorisée par le Préfet, lequel ne commet pas alors d’erreur manifeste d’appréciation (CE, 20 déc. 2006, n° 259019 ; CE, 11 juillet 2008, n° 310624).

C’est à tort que le Tribunal Administratif a annulé la décision préfectorale autorisant la résiliation d’un bail rural portant sur un moulin, au motif que les inconvénients d’ordre social qu’entraînerait le changement de la destination agricole du moulin l’emporteraient sur l’intérêt que présenterait, pour le bailleur, la reprise de celui-ci (pour le transformer en habitation principale pour son fils) – CE, 4 novembre 1983, req. n° 3632).

Recours contre la décision préfectorale

Le référé-suspension (qui a remplacé l’ancienne procédure de sursis à exécution) offre au preneur la possibilité d’obtenir la suspension des effets de la décision préfectorale qu’il conteste.

Bien que le tribunal administratif soit saisi d’une demande en annulation de la décision préfectorale, il n’y a pas lieu de surseoir à statuer sur la validité du congé au regard de l’article L 411-32 du CRPM (Cass. 3° civ., 13 oct. 1976, n° 75-10.253 : Bull. civ. 1976, III, n° 349).

Mise en oeuvre de la résiliation.

L'acte de résiliation doit être notifié par un Commissaire de justice.

Cette résiliation prend effet un an (de date à date, semble-t-il) après cette notification.

Engagement du bailleur.

La notification doit mentionner l’engagement du propriétaire de changer (ou de faire changer) la destination des terrains dans le respect du PLU ou du document d’urbanisme en tenant lieu (s’il en existe) dans les trois années qui suivent la résiliation.

Toutefois, le congé qui ne mentionne pas cet engagement ne peut être annulé que si la preuve d’un grief est apportée :

  • Cass. 3° civ., 7 mars 1978, n° 76-14.004 : Bull. civ. III, n° 105 ;
  • Cass. 3° civ., 17 novembre 1981, n° 80-12.124 : Bull. civ. III, n° 189.

Non-respect de l’engagement par le bailleur

Si le propriétaire ne respecte pas son engagement, le preneur ne peut pas obtenir sa réintégration (Cass. 3ème civ., 8 avril 1999, n° 97-13957 ; Cass. 3ème civ., 17 mai 2018, n° 16-25.195). Il pourrait, par contre, prétendre à des dommages-intérêts.

Toutefois, la demande indemnitaire, fondée sur l’article 1382 du Code Civil, implique la reconnaissance d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux. Or, la faute du bailleur n’est pas établie, dans la mesure où le retard dans le changement de destination des parcelles n’est pas imputable au bailleur (du fait d’un contentieux administratif ayant concerné les parcelles en cause) – CA Aix-en-Provence 27 février 2014, n° 13/07869 .

Délai de forclusion pour contester l'acte de résiliation.

Le délai de forclusion de 4 mois opposable au preneur qui entend s’opposer au congé portant refus de renouvellement ne l’est pas au preneur qui conteste la régularité de l'acte de résiliation pour changement de la destination agricole des biens loués sur le fondement de l’article L 411-32 du CRPM :

  • Cass. 3° civ., 11 févr. 2004, n° 02-15.105 ;
  • Cass. 3° civ. 1er juin 2010, n° 09-15.488.

Il résulte en outre de ces arrêts que le texte a bien institué un motif de résiliation du bail qui ne saurait se transformer en motif de refus de renouvellement quand bien même la résiliation du bail coïnciderait avec son échéance. Partant, le preneur n’est donc pas enfermé par un quelconque délai pour s’opposer à l’opération et contester l’initiative du bailleur, sous réserve qu'il intente son action avant l'expiration du bail.

Indemnisation du preneur.

Le preneur est indemnisé du préjudice qu’il subit comme il le serait en cas d’expropriation. Cette indemnité doit couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain qui résulte de la résiliation du bail (cf article L 13-13 du code de l'expropriation).

Pour être indemnisé, le preneur doit démontrer l’existence d’un préjudice et une mesure d’expertise ne se justifie que si un commencement de preuve de ce préjudice est apporté, ce qu’il ne fait pas. En conséquence, le preneur sera débouté de sa demande d’indemnisation (CA Lyon, chambre sociale C, 13 févr. 2020, n° 18/08438, confirmé par Cass. 3° civ., 3 juin 2021, n° 20-15.176).

Dans le cas particulier où l’éviction coïncide avec la fin du bail, le preneur n’a pas droit à une indemnisation à ce titre (jurisprudence constante) :

  • Cass. 3° civ., 29 janvier 1985, n° 83-14.967 : Bull. Civ. 1985 III n° 20 p. 13
  •  Cass. 3° civ. 30 novembre 1988, n° 87-14.248 : Bull. civ. III n° 171
  • Cass. 3° civ., 19 nov. 2020, n° 19-20.767.

Droit de rétention du preneur.

Le preneur ne peut être contraint de quitter les lieux avant l’expiration de l’année culturale en cours lors du paiement de l’indemnité qui peut lui être due, ou d’une indemnité provisionnelle fixée, à défaut d’accord entre les parties, par le président du tribunal paritaire statuant en référé.

L’initiative appartient en la matière au bailleur et non au preneur qui est en droit de rester dans les lieux, sans avoir à saisir une juridiction dans l’année qui a suivi la délivrance du congé (Cass. 3° civ., 29 nov. 2006, n° 05-20.955).

Ainsi, faute d’accord, l’intérêt du bailleur est de saisir au plus tôt, en référé, le président du Tribunal paritaire des baux ruraux d’une demande de fixation de l’indemnité provisionnelle.