Dans un arrêt du 21 décembre 2017 (n° de pourvoi 16-26500), la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a validé le cautionnement hypothécaire consenti par une société civile immobilière, en garantie du parfait remboursement de l’emprunt souscrit par ses associés, en faisant semble-t-il évoluer quelque peu sa position, avec un attendu ressemblant à ceux de la Chambre commerciale, pour des espèces similaires.

L’établissement bancaire bénéficiaire de la garantie réelle avait en l’occurrence sollicité la vente forcée du bien donné en garantie, afin d’obtenir remboursement des sommes prêtées aux associés.

Selon une jurisprudence bien établie, le cautionnement consenti par une société civile, en garantie d’un engagement souscrit par un associé ou un tiers, n’est valide qu’à condition :

- d’entrer dans l’objet social. En l’espèce, deux avant le cautionnement, l’objet social de la société avait été modifié à l’effet de prévoir la possibilité de se porter caution,

- et de ne pas être contraire à l’intérêt social.

La conformité à l’objet social constitue un critère objectif de la validité du cautionnement, tandis que l’appréciation de l’intérêt social est empreinte de subjectivité.

Il a d’ailleurs déjà été jugé, qu’en dépit d’un vote unanime des associés, un cautionnement pouvait être invalidé, au regard de l’intérêt social.

En l’espèce, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel par l’attendu suivant :

« Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que la valeur de l'immeuble donné en garantie par la SCI excédait le montant de son engagement, de telle sorte que la mise en jeu de la garantie ne pourrait pas entraîner la disparition de son entier patrimoine, la SCI pouvant réinvestir les sommes lui revenant après la vente conformément à son objet, la cour d'appel a pu en déduire que cet engagement, qui n'était pas de nature à compromettre son existence, n'était pas contraire à son intérêt social. »

Jusqu’alors, la troisième Chambre civile appréciait la conformité à l’intérêt social au regard de la proportionnalité entre les inconvénients que le cautionnement présentait et l’avantage que retirait la société.

Avec l’application d’un tel critère d’appréciation, il est raisonnable de considérer que la solution aurait pu être différente.

Que ce cautionnement présente des inconvénients pour la société, nul n’en doute. En revanche, retirer une somme après paiement d’une créance bancaire de 2,6 millions d’euros, pour un bien évalué avant l’engagement de caution à concurrence de 4 millions d’euros, n’a rien d’une bonne affaire pour la société.

La position adoptée par la troisième Chambre civile se rapproche de celle de la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui apprécie la conformité à l’intérêt social en se demandant si le cautionnement est de nature à compromettre l’existence de la société.

La Chambre commerciale a ainsi eu l’occasion de juger que le cautionnement hypothécaire portant sur le seul bien immobilier composant l’actif social n’était pas conforme à l’intérêt social, car constituant un risque de perte du bien en cas de vente forcée.

En l’espèce, à l’aune de ce critère, le cautionnement hypothécaire n’a donc été validé que dans la mesure où il restait entre les mains de la société une somme que l’on pourrait considérer comme substantielle, en valeur absolue…

Cette décision révèle une appréciation stricte de l’intérêt social. De là à se demander si, en constatant la régularité avec laquelle des espèces similaires lui sont soumises avec souvent des sociétés qui contestent les engagements pris au profit des seuls associés de ladite société, la Haute juridiction compte adopter une ligne « dure », il n’y a qu’un pas…