Une bombe à retardement pour les donations ?

  • Des précisions sur la récupération des prestations sociales sur succession

Par une décision du 5 février 2020, n° 422833, le Conseil d'Etat a précisé les conditions dans lesquelles une prestation d'aide sociale dite facultative peut être récupérée sur la succession du bénéficiaire:

Certaines prestations sociales doivent être versées par certaines collectivités territoriales. Ce sont les prestations obligatoires.

D'autres prestations sociales peuvent être versées: elles sont prévues par une loi (nationale), mais le choix d'en verser appartient à la collectivité territoriale. Ce sont les prestations facultatives.

Le considérant de principe à retenir pose que (mis en exergue par l'auteur) :

"Les prestations facultatives octroyées par les départements dans le cadre de leurs compétences en matière d'action sociale ne peuvent faire l'objet d'une récupération sur succession, sur le fondement de l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles, que si les dispositions réglementaires régissant ces prestations le prévoyaient au cours de la période au titre de laquelle elles ont été versées, et dans le respect des dispositions applicables à la récupération sur succession en vigueur à la date du décès du bénéficiaire de la prestation."
 

Cette décision pose que la récupération sur succession doit être prévue par un texte réglementaire, précisant que les dispositions des articles L 132-1 casf à L 132-8 casf ne suffisent pas. En l'espèce, le réglement départemental d'aide sociale prévoyait la récupération des sommes dans les conditions du droit commun. Donc: s'il faut que le réglement instituant l'aide sociale facultative prévoit la récupération, il n'est pas nécessaire qu'il soit très détaillé, une invocation générale du "droit commun", qui doit être considéré comme le droit de récupération des aides sociales obligatoires, suffit.

Le Conseil d'Etat conforte la sécurité juridique des administrés en exigeant que cette récupération doit être prévue lors du versement de la prestation ET au moment du décès, donc au moment du fait générateur de la succession.

En revanche, une incertitude subsiste : si le principe de la récupération est connu lors du versement des prestations, l'étendue de cette récupération est moins prévisible, dépendant des dispositions applicables au moment de la succession.

  • Et les donations?

Le droit français a le souci de l'intégrité de la succession et assimile par certains égards les donations aux successions, que ce soit en droit civil (obligations de rapport entre autres), en droit fiscal (droits d'enregistrement), ou social, tel l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles qui prévoit dans son 2° le recours de l'Etat ou du département contre le donataire si la donation est intervenue moins de dix ans avant la demande d'aide sociale récupérable.

La simple mention de la récupération des aides facultatives dans les conditions du droit commun devrait suffir pour permettre d'atteindre le donataires dans les dix ans.

L'article R 132-11 du casf prévoit l'évaluation du bien au jour de l'exercice du recours prévu à l'article L 132-8 et non lors de sa donation. Cette valeur est diminuée des éventuelles plus-values imputables aux travaux et impenses du donataire. 

Par conséquent, il convient de prendre en compte, lors d'une donation, la probabilité pour son auteur de devenir dépendant de l'aide sociale et, notamment, des dépenses liées au séjour en établissement de repos ou de soins.