Le cadre antérieur à la loi : des clauses difficiles à interpréter
Avant l'adoption de la loi, les difficultés d'interprétation des règlements de copropriété étaient fréquentes et source de contentieux.
Les difficultés portaient à la foi sur la qualification de l'activité du loueur et sur l'interprétation des clauses réstrictives insérées dans les règlements, montrant des positions variables et casuistiques des juges (Voir sur le blog : Para-hôtellerie : comment interpréter les clauses restrictives d'activités commerciales dans les règlements de copropriété ?).
Ainsi, les juges retiennent régulièrement que l'activité n'est pas proscrite par une simple clause de destination bourgeoise ou restreignant les activités commerciales, tout en précisant que l'assemblée générale ne peut modifier le règlement de copropriété pour adopter une interdiction plus stricte qu'à l'unanimité :
"Eu égard à la nature civile de l'activité de location saisonnière, la destination bourgeoise, quand bien même elle serait exclusive ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ne suffit pas à l'interdire en l'absence de clauses restreignant, conformément à cette destination, les conditions de jouissance des parties privatives.
Il n'est pas non plus démontré que les occupants de la location saisonnière pratiquée par M. [N] [I] auraient nuit à la tranquillité et à la bonne tenue de l'immeuble, la seule circonstance du vote à la majorité de la résolution litigieuse ne pouvant permettre, à elle seule, une telle démonstration.
La location meublée n'est en outre pas interdite par le règlement de copropriété, et, à l'exception de la restriction liée aux personnes auxquelles la location est consentie (personnes de bonne vie et mœurs), aucune restriction particulière n'est mentionnée.
L'assemblée générale ne peut dès lors, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété.
Par conséquent, la résolution soumise au vote de l'assemblée générale du 3 juin 2022 aurait dû être votée à l'unanimité des copropriétaires, ce qui n'a pas été le cas.
[...]
Il convient en conséquence de prononcer l'annulation de la résolution n° 8a adoptée par l'assemblée générale du 3 juin 2022, sans qu'il soit nécessaire de condamner le syndicat à modifier le procès-verbal d'assemblée générale, la résolution litigieuse étant annulée et une telle notification à l'ensemble des copropriétaires ayant lieu de fait, sans qu'il soit besoin de la prononcer." (Tribunal judiciaire de Nice, 23 août 2024, n°22/03533).
Les dispositions nouvelles visant à clarifier les règlements de copropriété
La loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale a récemment été promulgée.
Elle comporte des dispositions intéressant la rédaction des règlements de copropriété :
- Il est fait obligation, pour les règlements établis à compter de l'entrée en vigueur de la loi de mentionner de manière explicite l'autorisation ou l'interdiction de location de meublés de tourisme ;
- Il est prévu la possibilité, à la majorité de l'article 26 (c'est-à-dire des deux tiers des membres), d'interdire localtion des lots à usage d'habitation autres que ceux constituant une résidence principale en meublés de tourisme, sous-réserve que le règlement interise toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale.
"La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est ainsi modifiée : 1° Après l'article 8-1, il est inséré un article 8-1-1 ainsi rédigé : « Art. 8-1-1.-Les règlements de copropriété établis à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale mentionnent de manière explicite l'autorisation ou l'interdiction de location de meublés de tourisme, au sens du I de l'article L. 324-1-1 du code de tourisme. » ; 2° Après le quatrième alinéa de l'article 26, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés : « d) La modification du règlement de copropriété qui concerne l'interdiction de location des lots à usage d'habitation autres que ceux constituant une résidence principale, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, en meublés de tourisme au sens du I de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme. « La modification prévue au d du présent article ne peut être décidée que dans les copropriétés dont le règlement interdit toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale. »" (LOI n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, article 6).
Les effets limités et les incertitudes de ces nouvelles dispositions
A la lecture des textes, il est possible d'en constatr les limites.
En premier lieu, seuls les règlements nouveaux établis à compter de l'entrée en vigueur statueront clairement sur la question. Les règlements anciens, ambigüs sur la question, vont subsister et continuer de poser les mêmes difficultés d'interprétation.
En deuxième lieu, seuls les règlements interdisant "toute activité commerciale" pourront faire l'objet d'une modification à la majorité des deux tiers pour interdire la location en meublés de tourisme. Il est probable que le contentieux se déplace désormais sur la question de ce qui constitue un règlement "qui interdit toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale". Il est probable là encore, qu'il y ait de forts aléas d'interprétation puisque la rédaction de telles clauses n'a pas été normée par le passé.
En troisième lieu, quand bien même ces règlements seront modifiés, il restera la possibilité de louer en meublés de tourisme les résidences principales. La détection des anomalies restera complexe pour les copropriétaires. La loi n'a prévu aucune modalité de justification, et il est probable que la preuve du manquement incombe au syndicat, preuve qui sera nécessairement difficile à caractériser.
En quatrième lieu, les communes, chargées du contrôle, ne pourront toujours pas s'immiscer dans ce contrôle. En raison de sa probable inconstitutionnalité (Tribunal administratif de Nice, 31 janvier 2024, n° 2104077), le contrôle par la Mairie de la conformité au règlement de copropriété lors d'un changement d'usage n'a pas été repris par le législateur. Une simple attestation sur l'honneur est prévue (LOI n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme, article 5).
Syndicats des copropriétaires, copropriétaires et Maires ne sont donc pas totalement sécurisés par ces nouvelles dispositions, qui n'apporte finalement que des outils qui ne trouveront que partiellement application et n'épuisent pas totalement les risques contentieux.
Le cabinet est à votre écoute :
- Pour vous aider à prévenir, mesurer et éviter les risques induits dans le cadre de votre projet ;
- Vous accompagner dans la sécurisation de vos acquisitions ou de vos transformations, par un audit de la conformité aux différentes législation de la situation du bien ;
- Pour vous accompagner dans la régularisation, et le cas échéant, en cas de litige lié aux mesures adoptées par l'administration locale ;
- Plus globalement, sécuriser juridiquement votre projet en identifiant, évaluant et prévenant les risques juridiques liés à la réglementation d'urbanisme.
Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
goulven.leny@avocat.fr - 06 59 96 93 12 - glenyavocat.bzh
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