Impossibilité d'exercer l'activité de restauration en l'absence d'extraction

La société civile immobilière a donné à bail commercial un local destiné à être exploité comme un restaurant. De son côté, le restaurateur locataire constate que l'activité de restauration  ne pouvait être réalisée dans les lieux loués faute de possibilité d'installer un système d'extraction obligatoire d'air ou de VMC.

En matière de bail commercial, le bailleur est tenu d'une obligation de délivrance. L'obligation de délivrance du bailleur est une obligation essentielle qui suppose la mise à disposition par le bailleur de locaux permettant au preneur de les exploiter conformément à la destination prévue au bail.

S'agissant d'un bail commercial consenti pour l'exploitation d'un fonds de commerce de restauration, le juge estime, tenant compte de l'avis de l'architecte figurant au dossier, qu'aucun système d'extraction ne peut être réalisé, empêchant toute activité de restauration, si bien que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance :

"En l'espèce, le bail commercial précise très clairement que le bail est consenti à usage d'exploitation d'un fonds de commerce de restauration et toutes activités connexes ou complémentaires et que le preneur ne pourra en changer la destination qu'avec le consentement écrit du bailleur.

Or, il est établi par l'avis de l'architecte consulté qu'aucun système pour assurer l'extraction d'air ne pourra être envisagé dans les lieux conformément à la règlementation en vigueur relative aux distances à respecter et qu'ainsi il s'avère impossible d'y installer une activité de restauration soumise à une règlementation très stricte en ce domaine.

Il convient de considérer, comme le premier juge, que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance d'un local pouvant accueillir une activité de restauration." (Cour d'appel d'Amiens, 24 octobre 2024, n°23/02101)

 

Sanction : résolution du bail commercial et non la résiliation

Le bail commercial conclu encoure la résolution conformément à l'article 1229 du Code civil. Celui-ci distingue deux hypothèses :

  • Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre.

  • Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

Selon les juges, le paiement des loyers n'a jamais eu de contrepartie, faute de respect, dès l'origine du contrat, de son obligation de délivrance par le bailleur, le locataire n'ayant pu exploiter et n'ayant trouvé aucune utilité dans le bail, si bien qu'il convient de prononcer la résolution et non la résiliation du bail :

"en l'espèce, le paiement des loyers par la société MMP n'a jamais eu de contrepartie faute de respect, dès l'origine du contrat, de son obligation de délivrance par le bailleur.

Le preneur n'a jamais pu exercer l'activité à laquelle étaient destinés les lieux.

Si, dans un contrat synallagmatique à exécution successive, la résiliation judiciaire n'opère pas pour le temps où le contrat a été correctement exécuté, la résolution judiciaire pour absence d'exécution, ou exécution dès l'origine imparfaite, entraîne l'anéantissement rétroactif du contrat.

Il convient de prononcer la résolution du contrat dès le 1er février 2019" (Cour d'appel d'Amiens, 24 octobre 2024, n°23/02101)

 

Conséquence : le bailleur doit restituer tous les loyers versés depuis la signature du bail commercial

Les juges du Tribunal Judiciaires avaient prononcé une simple résiliation, au motif que le locataire ne s'était pas plaint dès l'origine de la situation. La Cour d'appel considère au contraire que la résolution s'impose. 

Le juge prononce la résolution du contrat et condamne en conséquence le baileur à restituer au restaurateur locataire la totalité des loyers versés, celui-ci n'ayant jamais pu exploiter.

En effet, la résolution implique la restitution de tout ce que les parties se sont procurées depuis l'origine du contrat.

Il est donc essentiel, y compris pour le bailleur, d'être assuré à la conclusion du bail que la destination projetée est possible, et ce d'autant plus qu'il ne peut se décharger intégralement de son obligation de délivrance par des clauses contractuelles, qui sont inefficaces.

 

Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner et vous proposer des solutions sécurisées en fonction de votre situation :

  • Vous accompagner dans la négociation, la rédaction, et la conclusion de vos baux ou convention d'occupation du domaine public en sécurisant vos intérêts ;
  • Vous assister dans la résolution de litiges entre propriétaires bailleurs et preneurs ;
  • Vous accompagner en cas d'impayés, d'exception ou d'inexécution ou de difficultés liées à des travaux à faire sur le local.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

goulven.leny@avocat.fr - 06 59 96 93 12 - glenyavocat.bzh