Bail emphytéotique : enjeu de la qualification
Le bail emphytéotique est régi par ses propres règles issues du Code rural (Code rural, articles L451-1 à L451-13).
Il est donc soumis à ses règles propres, et sont innapplicables les règles issues notamment du statut des baux commerciaux. Ainsi, il est jugé que le loyer ne peut être fixé par le juge dans les conditions de l'article L145-33 du Code de commerce, qui n'est pas applicable aux baux emphytéotiques (Cour de cassation, 8 septembre 2016, n°15-21.381).
Le preneur à bail emphytéotique ne dispose donc d'aucune des protections prévues par le statut des baux commerciaux :
- droit au renouvellement ou à une indemnité d'éviction,
- protection contre la refacturation de certaines charges,
- etc.
La clause résolutoire est incompatible avec le bail emphytéotique
La Cour de cassation a anciennement reconnu l'incompatibilité de la clause de résiliation de plein droit avec le régime du bail emphytéotique :
"Attendu que, pour qualifier les contrats liant les parties de baux emphytéotiques, l'arrêt retient que le caractère emphytéotique ne peut être écarté par l'effet de la clause de résiliation, en faveur du bailleur en cas de non-paiement du loyer, la précarité imposée à l'emphytéote ayant son origine dans son propre fait ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'une clause de résolution de plein droit confère à la jouissance du preneur une précarité incompatible avec la constitution d'un droit réel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;" (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 14 novembre 2002, 01-13.904, Publié au bulletin).
"Attendu que, pour mettre fin aux sous-locations consenties par la Caisse centrale de réassurance à la société Euro-Publi Marcel X... et à M. Marcel X... sur une partie d'immeuble appartenant à la Société civile immobilière du ... et à M. Y..., l'arrêt attaqué (Paris, 6 juillet 1989) retient, par motifs propres et adoptés, que ces sous-locations sont arrivées à expiration en même temps que le bail principal, car celui-ci était de nature emphytéotique ; Qu'en statuant ainsi, alors que les propriétaires s'étaient réservé une faculté de résiliation du contrat pour leur permettre de vendre ou de démolir l'immeuble, ce qui donnait au droit de jouissance du preneur un caractère précaire incompatible avec la constitution d'une hypothèque et excluait le caractère emphytéotique du bail principal, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;" (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 15 mai 1991, 89-20.008, Publié au bulletin).
Exemple d'un bail qui ne peut être qualifié d'emphytéotique
Dans cette affaire, les parties avaient un conclu un bail portant sur une durée initiale de onze ans renouvelable huit foit à la demande du locataire et comportant une clause résolutoire. Le bailleur voulait faire réviser le loyer devant le juge des loyers.
La Cour d'appel a rejeté sa demande en qualifiant ce bail de bail emphytéotique. Le Cour de cassation va à l'encontre de la Cour d'appel, et juge que la clause résolutoire insérée disqualifie le bail :
"Vu les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1709 du code civil, applicables en Polynésie française : 14. A supposer que puisse être conclu en Polynésie française un bail emphytéotique, par lequel un bailleur confère à un preneur un droit réel immobilier sur un immeuble, l'insertion dans un bail d'une clause de résolution de plein droit confère à la jouissance du locataire une précarité incompatible avec la constitution d'un tel droit. 15. Pour qualifier le contrat liant les parties de bail emphytéotique, l'arrêt retient que le bail porte sur une durée initiale de louage de onze ans mais qu'il est renouvelable huit fois à l'identique à la demande de la locataire qui est seule à disposer de la possibilité de faire cesser le bail à l'expiration de chaque période, la bailleresse ne conservant que la possibilité de rompre le bail en cas de non-paiement d'un loyer ou en cas de procédure visant la locataire. 16. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le bail contenait une clause résolutoire de plein droit en cas de non-paiement des loyers, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations excluant, en tout état de cause, le caractère emphytéotique du bail, a violé les textes susvisés." (Cour de cassation, 6 novembre 2025, n°23-11.581).
Bail emphytéotique : enjeu d'une rédaction soignée
Le preneur qui se pensait probablement titulaire d'un bail emphytéotique et donc protégé contre une évolution du loyer est exposé à ce qu'il soit refixé par le juge des loyers commerciaux, pour tenir compte de l'évolution des facteurs locaux de commercialité.
Les parties ont donc tout intérêt à s'assurer que le contrat qu'elles concluent est rédigé en cohérence avec la qualification donnée.
L'équilibre du contrat en question dans cette affaire est considérablement modifié du fait que la fait qualification de bail emphytéotique soit écartée, principalement en raison de l'insertion d'une clause résolutoire suffisamment inadaptée à ce statut pour disqualifier le bail.
Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :
- Dans la revue de titres d'occupation et de baux à droits réels tels les baux emphytéotiques ou à construction, et plus généralement dans la définition du montage juridique de votre opération afin de s'assurer de leur conformité et de leur efficacité au regard de l'évolution jurisprudentielle ;
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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
goulven.leny@avocat.fr - 06 59 96 93 12 - glenyavocat.bzh
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