Les conditions cumulatives d'octroi de la réduction de peine exceptionnelle liée au COVID-19 (RPE COVID-19) sont les suivantes :
- Être écroué pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire (emprisonnement, placement sous surveillance électronique, semi-liberté, placement extérieur) ;
- Ne pas être écroué pour un crime, des faits de terrorisme pour des faits commis sur conjoint ou ancien conjoint ;
- Ne pas avoir initié ou participé à une action collective précédée ou accompagnée de violences envers les personnes ou de nature à compromettre la sécurité des établissements au sens de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale, ou avoir eu un comportement de mise en danger d’autres détenus ou de surveillants pénitentiaires en regard des règles imposées par le contexte sanitaire.
Le gouvernement n’a pas précisé les critères d’octroi de la RPE dans l’unique article 27 de l’ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de COVID-19.
L’objectif poursuivi par le gouvernement était de doter les juges de l’application des peines d’un outils de régulation carcérale et de prendre en compte les conditions de détention extrêmement dégradées durant cette période (outre peut-être le risque de contamination accru dans un espace confiné qu’est par essence un établissement carcéral).
En effet, en raison de la pandémie de COVID-19, les activités, soins, parloirs… ont été suspendus. Les détenus ont donc subi une peine plus difficile qu’en temps normal et moins utile qu’en temps normal.
En effet, celle-ci doit normalement favoriser la réinsertion du condamné, ce qui est « peine perdue » en l’absence de soins, d’activités et d’entretiens avec un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP).
Force est de constater que les conséquences de la pandémie se sont fait encore sentir en période de déconfinement, les parloirs ayant repris dans des conditions dégradées (hygiaphone, moins de proches donc délai plus long pour voir ses proches…) et les activités n’ayant pas toutes reprises immédiatement.
Rappelons également le taux d’occupation très élevé à la maison d’arrêt d’ANGERS :
- 183,8 % au 1er janvier 2020 (419 détenus pour 228 places),
- 240,8 % au 1er mars 2020 (549 détenus),
- 191,7 % au 4 mai 2020 (437 détenus).
Concernant justement un détenu angevin, le juge de l'application des peines a refusé l'octroi de la RPE COVID-19 en se fondant sur un incident diciplinaire durant l'état d'urgence sanitaire (détention d'un téléphone portable sanctionné d'un déclassement au travail).
Dans cette procédure, sa conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation était favorable à une RPE de deux mois, tandis que la Direction de la maison d’arrêt, le Chef de détention de la maison d’arrêt et la Direction du SPIP étaient favorables à une RPE de 15 jours. Le parquet sollicitait un refus de RPE, ce qu’a prononcé le juge de l’application des peines.
En appel, le parquet général sollicitait l’infirmation de l’ordonnance et l’octroi de 15 jours de RPE.
J'expliquais dans mes observations écrite qu'il n’apparaissait pas équitable de considérer que les incidents en détention soient pris en compte pour minorer l’octroi de la RPE. En effet, en cas d’incident en détention, le juge de l’application des peines peut retirer des crédits de réduction de peine (CRP), c’est l’unique voie de droit ouverte en telle hypothèse. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait en retirant 30 jours de CRP au détenu en raison de ce même incident. Prendre en compte l’incident tant pour minorer la RPE que pour retirer des CRP est une violation du principe non bis in idem car il s’agit dans les deux cas d’agir sur un intérêt social unique (contrairement au cumul permis entre une sanction disciplinaire et un retrait de CRP par exemple).
J'expliquais et je justifiais également des efforts de réinsertion en détention du détenu.
Le Président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel d'Angers a dans une ordonnance n° 20/00164 du 19 juin 2000 (PG n°20/00426) décidé d'octroyer les deux mois de RPE COVID-19 en se référant explicitement à l'argumentation développée et aux pièces produites.
Il en ressort donc que pour octroyer la RPE COVID-19, les incidents en détention ne peuvent pas être pris en compte mais que les efforts de réinsertion le peuvent.
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