« Le lotissement suppose du lot viabilisé »
Tel est le postulat classique et immuable désormais régi par l’article L. 442-1 du Code de l’urbanisme :
« Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ».

L’article L. 442-1-2 affine ce postulat par la précision suivante :
« Le périmètre du lotissement comprend le ou les lots destinés à l’implantation de bâtiments ainsi que, s’ils sont prévus, les voies de desserte, les équipements et les espaces communs à ces lots. (…) »

L’article R. 421-19 a) du même Code affirme :
« Doivent être précédés de la délivrance d’un permis d’aménager :
a) Les lotissements :
– qui prévoient la création ou l’aménagement de voies, d’espaces ou d’équipements communs internes au lotissement ; (…) »

De son côté l’article L. 332-15, alinéa 1er prévoit que :
« L’autorité qui délivre l’autorisation (…) de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l’équipement (…) du lotissement, notamment en ce qui concerne
la voirie,
l’alimentation en eau, gaz et électricité,
les réseaux de télécommunication,
l’évacuation et le traitement des eaux et matières usées,
l’éclairage,
les aires de stationnement,
les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés ».

Enfin, l’article R. 442-8 indique que :
« Les dispositions de l’article R. 442-7 – imposant au lotisseur de constituer une association syndicale des acquéreurs de lots (ASL) « à laquelle seront dévolus la propriété, la gestion et l’entretien des terrains et équipements communs » – ne sont pas applicables :

lorsque les voies et espaces communs sont destinés à être attribués en propriété aux acquéreurs de lots ou lorsque le lotisseur justifie de la conclusion avec la commune ou l’EPCI compétent d’une convention prévoyant le transfert dans leur domaine de la totalité des voies et espaces communs une fois les travaux achevés.

Au vu de telles dispositions, les lots issus d’une opération de division relevant du régime du lotissement, doivent être desservis en voies et réseaux, à savoir parfaitement équipés, afin que le ou les acquéreurs puissent procéder aux branchements privés.

Comme le rappelle M. Besson (in Les lotissements, éd. Berger-Levrault 1971, p. 214), l’obligation d’effectuer les travaux d’aménagement incombe au lotisseur, et à lui seul.
Il s’agit d’une « obligation d’ordre public dont rien ne peut le dispenser, car elle est inhérente à la nature de l’opération qu’il a entreprise » (v. sur la question, points 11 et s. étude immob. 1111, Le lotissement soumis à déclaration préalable de division suppose-t-il la viabilité du ou des détachements de terrain à bâtir ?, par R. Ducourau in JCP N 2009).

Or, que le lotissement soit soumis à permis d’aménager ou à déclaration préalable de division il est toujours question de « lotissement » devant se conformer au régime décrit par le Code de l’urbanisme …

Bien évidemment, un lotisseur « DP » ou « PA » ne saurait valablement et contractuellement se décharger de son obligation légale de viabiliser les lots sur le ou les colotis. Et ce, sous peine de poursuites pénales (v. L. 480-4-1) et de nullité de la vente (v. art. L. 480-15).

L’articulation de toutes ces dispositions textuelles, induit la formulation suivante.

Le lotisseur est tenu d’aliéner des lots viabilisés afin de les rendre aptes à être bâtis.
Autrement dit : aptes à être couverts par un permis de construire devant être sollicité par chacun des colotis.

Sur le principe, il faut que le lot de lotissement, soit cédé « clef en main » du lotisseur au coloti.

Ce dernier doit avoir pour seule et unique contrainte l’élaboration de son dossier de demande de permis de construire le bâtiment projeté, et l’obtention dudit permis.

Pour ce faire, le terrain, le lot de lotissement, se doit d’être équipé en eau potable, électricité, gaz, assainissement, voirie …

La liste exhaustive des travaux d’équipement propre à une opération de lotissement figure sous le 1er alinéa de l’article L. 332-15 du Code de l’urbanisme sus-reproduit.

Autrement dit, l’opération « lotissement » implique deux types de travaux, qu’il ne faut pas confondre qui incombent soit au lotisseur, soit au coloti
• la réalisation des travaux de branchement privés qui ont toujours été et demeurent à la charge des propriétaires, en l’occurrence des colotis,
• et les travaux « d’équipement propres » à une opération de lotissement qui, quant à eux, incombent au lotisseur.

Les travaux d’équipement propres à l’opération de lotissement sont ceux qui consistent à amener les réseaux publics au droit des lots afin que leurs acquéreurs puissent effectuer les branchements privés …
Soit, les travaux, au sein d’une opération d’aménagement telle qu’un lotissement, devant permettre aux acquéreurs de se rapprocher du syndicat des eaux ou d’ERDF pour que les travaux, à leur charge, tels que « la mise en place d’un fourreau entre le coffret électrique situé en limite de propriété et le tableau basse tension situé dans le bâtiment puissent être réalisés (v. Rép. min. Q. n° 09.638, JO Sénat du 11/03/2010, p. 605, ci-jointe).

Cela signifie que lorsqu’un lotissement soumis à déclaration préalable de division est en bordure de voie publique, à proximité des points de raccordement publics, il ne sera pas question de travaux d’équipement communs devant être assurés et assumés par le lotisseur.

Les seuls travaux à réaliser seront des travaux visant à permettre aux propriétaires des lots de se raccorder aux réseaux publics, autrement dit des travaux de branchement privés correspondant au branchement et à la fraction de l’extension du réseau située sur le terrain d’assiette de l’opération de construction.

Dès lors, le fait que le syndicat des eaux ou ERDF puissent renvoyer à la demande de permis de construire l’établissement des devis de viabilisation n’est nullement en contradiction avec le fait que le lotisseur – qu’il soit soumis à déclaration préalable de division ou à permis d’aménager – doive réaliser les travaux d’équipements propres à l’opération de lotissement …

Incidences d’un lotissement « DP » supposant des travaux d’équipement « propres » aux lots non décrits dans le formulaire « DP »

D’un point de vue purement contentieux – pénal et administratif –, l’opération est supposée, plus exactement apparaît comme étant régulière.

La décision de non-opposition à DP est irrégulière puisque tronquée dans son contenue. Elle n’en deviendra pas moins définitive passés les délais de recours et de retrait.

Pour autant, l’opération de lotissement pourrait être mise à mal, et ce par les futurs colotis qui peuvent opposer au lotisseur leur volonté (leur droit) de se voir céder des lots dûment viabilisés …
Et, à ce titre, mettre en difficulté le lotisseur – vendeur.

Certes, la décision de non-opposition à DP couvrant le périmètre du lotissement est devenue, passés les délais de recours et de retrait, incontestable, et n’a pas été délivré par fraude à la réglementation d’urbanisme (avec les risques de poursuites pénales que cela impliquerait). Il n’en demeure pas moins que « côté colotis », les lots ne sont pas viabilisés.

Lotissement « DP » sans travaux déclarés, mais non moins viabilisé en « off » par le lotisseur …

À l’instar des « cabinets de l’ombre » britanniques, ce lotissement ressemble à un lotissement sans en avoir, pour autant, toutes les garanties juridiques et techniques. Le lotisseur a effectivement réalisé les travaux de viabilisation qui, selon lui, s’imposaient, mais sans pour autant en avoir obtenu, en amont, l’autorisation ou du moins la validation des services instructeurs.

Le lotisseur a, de manière totalement irrégulière, masqué aux services instructeurs la véritable nature de son lotissement en le faisant passer pour un lotissement « déclaré sans travaux » alors qu’il aurait dû être couvert par une « décision de non-opposition à DP avec travaux de viabilisation des lots le composant ».

Du coup, le ou les colotis, se retrouvent dans l’incapacité de savoir si de tels travaux d’équipement, de voirie sont techniquement adaptés aux projets de construction sur chacun des lots …

Logiquement, pas de description de travaux dans la demande d’autorisation de lotir, pas de déclaration d’achèvement et de conformité des travaux …

L’opération de lotissement a clairement contourné les dispositions et dispositifs codifiés au Code de l’urbanisme.
Au-delà de l’illégalité de la décision de non-opposition susceptible d’être réglée par l’expiration des délais de recours (il est fort possible que tel soit le cas), le Notaire se trouve dans la situation où, alors qu’il est censé sécuriser les actes qu’il est chargé d’authentifier, il sera dans l’incapacité matérielle de garantir au coloti acquéreur que son lot de lotissement est dûment et parfaitement viabilisé …

Et pour cause, la teneur des travaux qui, soit disant ont été réalisés, n’ont pas reçu de validation officielle (et ce, malgré l’éventuel dépôt et enregistrement d’une DAACT).

La solution : l’obtention d’une décision de non-opposition à DP de régularisation : DP avec travaux.

Si les travaux de viabilisation réalisés sans contrôle de l’autorité d’urbanisme se révèlent techniquement – matériellement inadaptés à l’opération de lotissement, il incombera au lotisseur de réaliser les travaux qui pourraient être exigés par les services instructeurs …

Le coloti est en droit d’engager la responsabilité civile du lotisseur.

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