L’exercice du droit de propriété suppose que son assiette soit parfaitement identifiée et délimitée de la ou des propriété(s) voisine(s) contiguë(s), qu’elle appartienne à une personne privée ou à une collectivité publique.

I/ Les propriétés privées sont bornées

En principe, la délimitation des biens est faite par convention.

Elle peut également résulter d’une procédure de « bornage », définie par l’Ordre des Géomètres Experts, comme « l’opération qui a pour effet de définir juridiquement et de matérialiser sur le terrain les limites des propriétés privées, appartenant ou destinées à appartenir à des propriétaires différents » (Directive de l’Ordre des Géomètres Experts, approuvée par le Conseil Supérieur de l’Ordre, le 5 mars 2002, et valant règles de l’art).

Le « bornage » dit amiable suppose la satisfaction de quatre opérations cumulatives

  • « la matérialisation de la limite ;
  • la signature d’un procès-verbal d’abornement ;
  • la confection d’un plan de bornage
  • et la publication dans le fichier national AURIGE»

En l’absence d’accord amiable – refus de l’un ou l’autre des voisins en présence de convenir et donc de signer le procès-verbal d’abornement –, et puisque « tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës » (article 646 du Code civil) ; le bornage prendra une forme « judiciaire ».

Le Tribunal d’instance statue sur la prétention d’une partie à la propriété d’un terrain, au vu du Rapport dressé par le Géomètre expert qu’il aura préalablement désigné.

Le bornage est donc la technique d’identification des biens immobiliers des personnes de droit privé – personnes physiques ou des groupements –, ainsi que des biens « domaine privé » des personnes publiques. À savoir, ceux « qui ne relèvent pas du domaine public par application des dispositions » des articles L. 2111-1 à L. 2111-17 du Code général de la propriété des personnes publiques (art. L. 2211-1 du CGPPP) …

C’est ainsi que les « chemins ruraux », définis par l’article L. 161-1 du Code rural et de la pêche maritime comme « les chemins appartenant aux communes, affectés à l’usage du public, qui n’ont pas été classés comme voies communales » et qui « font partie du domaine privé de la commune », peuvent générer une opération de bornage.

II/ Le domaine public est « aligné », jamais « borné » 

Toute opération de bornage relative à un bien du « domaine public », même virtuel, est vouée à l’échec, car inopposable à la personne publique.

C’est ce principe que le Conseil d’Etat a encore récemment rappelé, dans un arrêt Commune de Baillargues du 13 avril 2016 (req. n° 391.431 ; publié au Lebon).

1°/ L’alignement individuel

Puisque l’action en bornage 646 du Code civil est inapplicable au domaine public ; les propriétaires privés sont en droit d’enjoindre la collectivité publique à délimiter son domaine public artificiel (v. article L. 112-4 du Code de la voirie routière), mais également naturel (tel que le domaine public maritime), sous le contrôle du seul juge administratif (v. Tribunal des conflits, 28/04/1980, SCIF « Résidence des Perriers » c/ Centre hospitalier intercommunal de Montfermeil Lebon p. 506).

Cette délimitation prend la forme d’un acte unilatéral non-réglementaire dit d’alignement, adopté en fonction des limites réelles du bien immobilier identifié « domaine public ».

Mais attention ! L’arrêté d’alignement « se borne à constater les limites actuelles en bordure des propriétés riveraines » des seuls biens « domaine public » (CE, 8/06/1990 : req. n° 76.550 ; Lebon).

Les biens situés à l’extérieur d’une voie publique et n’en constituant pas une dépendance ou un accessoire indissociable, au sens de l’article L. 2111-2 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) (trottoir, terre plein, rond point, …) ; « ne font pas partie du domaine public communal et ne peuvent, s’ils appartiennent à la commune, que faire partie du domaine privé de celle-ci ».

Un calvaire dont la propriété était contestée, situé à l’extérieur de la voie publique communale ne pouvait, à l’occasion d’un alignement, régulièrement être appréhendé comme un bien du domaine public (CE, 4/03/1977 req. n° 01.964 ; Lebon). Il incombe au juge judiciaire de trancher la question « propriété » dudit calvaire entre la Commune et le riverain.

Par ailleurs, les limites du domaine public naturel – tel que le domaine public maritime –peuvent être « changeantes » (v. CE, 6/02/1976, SCI Villa Miramar : req. n° 95.784).

D’où l’intérêt de renouveler la demande d’alignement …

Si l’arrêté d’alignement individuel ne saurait établir la propriété des biens (CE, 8/06/1990 : req. n° 76.550 ; Lebon p. 90) ; il impacte néanmoins, directement et effectivement, l’utilisation et l’occupation des sols. Et pour cause :

  • « Aucune construction nouvelle ne peut, à quelque hauteur que ce soit, empiéter sur l’alignement, sous réserve des règles particulières relatives aux saillies» (article L. 112-5 du Code de la voirie routière) ;
  • Lors des travaux d’édification d’une construction nouvelle en bordure du domaine public routier, « l’autorité chargée de la conservation de la voie dispose des pouvoirs de vérification qui lui sont attribués par» l’article L. 461-1 du Code de l’urbanisme. À savoir, un droit de visite et de communication pouvant être exercé « après l’achèvement des travaux pendant trois ans » (article L. 112-7 du Code de la voirie routière) ;
  • Quant aux bâtiments existants frappés d’alignement, autres que les immeubles classés parmi les monuments historiques, ils ne peuvent faire l’objet d’« aucun travail confortatif» (article L. 112-6 du Code de la voirie routière).

2°/ Le plan d’alignement

Le domaine public routier peut être couvert par un « plan d’alignement ».

Lorsqu’il existe, l’alignement individuel doit se conformer à ses prescriptions (article L. 112-1 du Code de la voirie routière, dernier alinéa).

Le « plan d’alignement » est un document à portée réglementaire devant, le cas échéant, être annexé au PLU (v. article L. 151-43 du Code de l’urbanisme).

Il est adopté au terme d’une enquête publique « ouverte par l’autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale, propriétaire de la voie, et organisée conformément aux dispositions du Code des relations entre le public et l’administration [CRPA] » (article L. 112-1 du Code de la voirie).

Si à l’instar de l’alignement individuel, le plan d’alignement « détermine la limite entre voie publique et propriétés riveraines » ; il provoque, en sus, le transfert de propriété des biens privés qu’il couvre. Moyennant indemnité le cas échéant, « fixée et payée comme en matière d’expropriation » (article L. 112-2, alinéa 3, du Code de voirie routière).

C’est ainsi, que :

  • « La publication d’un plan d’alignement attribue de plein droit à la collectivité propriétaire de la voie publique le sol des propriétés non bâties dans les limites qu’il détermine» ;
  • Quant au « sol des propriétés bâties à la date de publication du plan d’alignement [il] est attribué à la collectivité propriétaire de la voie dès la destruction du bâtiment»

(article L. 112-2, al. 1 et 2, du Code de la voirie routière).

Fort logiquement, une Cour administrative d’appel a pu souverainement déduire que la non-prise en compte, par un plan d’alignement, d’un mur de séparation entre une propriété privée et la route départementale exclut ce dernier de la voirie publique. Les travaux de reconstruction d’un tel mur, n’incombent pas à la collectivité départementale mais au propriétaire riverain (v. CE, 1er/02/1995, Monsieur de Bray : req. n° 134.768) …

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