Le diable est dans les détails : Bernadette Soubirous et la validité d’un modelé (TGI Bordeaux 20 novembre 2018)
Une société belge spécialisé dans les produits pieux, a déposé deux modèles appelés « Dame de Lourdes » et « Apparition ».
Le Tribunal reconnait la validité du modèle de vierge aux termes d’un attendu « éclairé » : « le tribunal, se référant à la documentation versée au débat par la défenderesse à propos de la description de la vierge faite par Bernadette SOUBIROUS, en tire comme conclusion que puisque, aux yeux de celle-ci, aucune des multiples représentations de Marie ne saurait retranscrire avec fidélité la grâce dont elle prétend avoir été personnellement touchée à sa vue, c’est qu’il importe donc au consommateur averti de s’attacher plus particulièrement à rechercher laquelle d’entre elles se rapproche au mieux de l’image subjective qu’il se fait de la beauté de l’Immaculée Conception, approche subjective qui, le cas échéant, le conduira à choisir tel modèle au détriment des autres nonobstant les canons esthétiques dont ils s’inspirent tous, de sorte que le moindre détail susceptible de modifier l’impression d’ensemble de tel ou tel modèle revêt ici une importance capitale. ».
La contrefaçon est évidente selon le Tribunal.
Morale : le contrefacteur est condamné à 138.000 € !
Pas de protection par le droit d’auteur pour le carillon (CA Aix, 29 novembre 2018)
Une fonderie a attaqué une commune pour contrefaçon de droit d’auteur sur un carillon car l’ajour de nouvelles cloches (par un tiers) porterait atteinte à la sonorité du carillon.
Le débat est pointu sur le plan de la musicologie et la Cour relève que « le travail d’harmonie procède de la sonorité de la cloche et le travail fondamental qui imprime la personnalité de l’auteur s’exprime dans la facture de la sonorité de la cloche, et non dans l’ensemble des cloches, chacune conservant une identité harmonique qui lui est propre et qui constitue en soi, une entité indépendante. »
Le carillon, dans sa globalité n’est donc pas protégeable et la commune pouvait procéder à des ajouts de cloches. Au surplus, la Cour note que « ces transformations s’insérant dans un projet d’intérêt général de la mise en valeur d’un lieu au caractère hautement historique »
La première lettre fait toute la différence (TPI, 29 novembre 2018, T-763/17)
Le Tribunal annule une décision de l’EUIPO ayant retenu un risque de confusion entre les marques Kelly’s et Welly pour des produits alimentaires identiques.
Le TPI n’accorde pourtant quasiment aucune importance aux éléments figuratifs : « les combinaisons de couleurs utilisées dans les signes respectifs sont tout à fait ordinaires et que les formes quadrilatérales en arrière-plans sont banales et couramment utilisées dans le milieu professionnel concerné. »
Le TPI considère ensuite qu’il n’y a pas de risque de confusion en raison de premières lettres différentes : « la partie initiale des éléments verbaux des signes en conflit contribue à les différencier de telle manière que leurs similitudes sont insuffisantes pour contrebalancer cette différence. En effet, la position initiale des lettres « w » et « k » dans les signes en conflit et leurs différences marquantes tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique, d’une part, et le fait que les éléments verbaux des signes en conflit sont courts, ce qui permet au public pertinent de remarquer plus facilement les différences entre ceux-ci, d’autre part, constituent des facteurs importants à prendre en considération »
Lingerie et maison d’architecte : illustration de la théorie de l’accessoire (CA Aix, 6 déc. 2018)
Des architectes ont autorisé l’utilisation de leur maison pour présenter une collection de lingerie. Ils assignent ultérieurement pour atteinte à leurs droits d’auteur estimant que leur maison est mise en évidence.
La décision est très développée sur la protection de la maison par le droit d’auteur qui est reconnue : l’«originalité résulte ainsi de l’organisation des différents espaces , du choix des emplacements, de l’opposition des matières, du déséquilibre des formes, de la combinaison des éléments d’équipement qui par ces choix singuliers apportent une physionomie particulière à cette oeuvre exclusive de toute recherche purement fonctionnelle »
La contrefaçon est en revanche rejetée en application de la théorie de l’accessoire. La Cour considère que « si la maison est visible et identifiable, de façon furtive, elle ne constitue pas le sujet principal du making off mais seulement le décor servant à mettre en scène le mannequin vêtu de la lingerie de la Société SIMONE PERELE » et que « l’attention est concentrée sur le mannequin, qui constitue sans équivoque possible le point d’attraction du making off ».
Précisions sur la demande en déchéance (CA Versailles, 11 décembre 2018)
L’arrêt apporte des précisions sur la demande de déchéance.
Procéduralement, la cour juge recevable une demande en déchéance formée pour la première fois en cause d’appel « dans la mesure d’une part, où l’écoulement du délai de cinq ans à compter de la publication de cette marque, devenu effectif durant l’instance d’appel, s’analyse en la survenance d’un fait et d’autre part, où elle tend aux mêmes fins que la demande subsidiaire initiale en nullité de la marque, à savoir faire disparaître le signe du registre national des marques; »
Sur le fond, la demande portait sur une marque en idéogramme chinois qui était arguée de fraude par une société chinoise (la fraude n’étant pas caractérisée selon la Cour). La Cour considère que le titulaire avait un juste motif pour ne pas exploiter sa marque : « La société X , dont le siège est en Chine, ne pouvait raisonnablement procéder à des investissements financiers et conclure des contrats avec des partenaires afin d’exploiter sa marque française, dès lors qu’elle était exposée au risque de voir perdre l’ensemble des contrats liés à une marque revendiquée ou annulée ; qu’elle se trouvait donc involontairement confrontée à une menace de mise en jeu de sa responsabilité et ainsi dans la nécessité de s’abstenir de tout acte matériel ou juridique d’exploitation de sa marque du fait de risque latent »
L’anagramme et le risque de confusion (EUIPO, 20/12/2018, B 2 733 395)
Affaire originale devant l’EUIPO : NOKIA s’oppose à une demande de marque AIKON, soit un anagramme en miroir.
La division d’opposition rejette l’opposition en considérant qu’il n’y a aucune similarité identique, visuelle ou intellectuelle entre les signes en cause. Or, la similarité des signes est une condition sine qua non du risque de confusion.
Le passage suivant est le plus intéressant: “The opponent’s arguments supporting its claim about the presence of visual similarity between the signs are based on the presumption that the consumer will grasp the mark as one concept both from left to right and from right to left. Even specialist consumers will not engage in such scrutiny and/or mental gymnastics. The consumer perceives a mark as a whole without expending a huge amount of intellectual energy and imagination”.
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