La préservation des espèces menacées repose sur une diversité d’outils juridiques à différentes échelles (européenne, nationale et locale). En France, plusieurs dispositifs existent pour encadrer la protection de la faune et de la flore face aux menaces croissantes, notamment la destruction des habitats, l’urbanisation ou encore certaines pratiques cynégétiques.

I. Le réseau Natura 2000 : un dispositif européen contraignant

Le réseau Natura 2000 est un ensemble de sites écologiques désignés dans l’Union européenne afin de préserver les habitats naturels et les espèces menacées. Ce dispositif découle de deux directives européennes majeures :

  • La directive « Habitats-Faune-Flore » (1992), qui vise la conservation des habitats naturels et de la faune et flore sauvages.

  • La directive « Oiseaux » (1979, révisée en 2009), qui impose la protection des habitats des espèces d’oiseaux menacées.

Les États membres doivent identifier et protéger les sites d’intérêt communautaire et veiller à l’application des mesures de gestion et de préservation. Cependant, le non-respect de ces obligations a conduit plusieurs fois à des condamnations judiciaires, notamment de la France :

  • Affaire du grand hamster d’Alsace (CJUE, 9 juin 2011, C-383/09, Com c/ France) La France a été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour ne pas avoir pris les mesures adéquates afin d’assurer la protection du grand hamster d’Alsace (Cricetus cricetus), une espèce en danger critique d’extinction. La CJUE a considéré que les actions mises en place étaient insuffisantes pour garantir le rétablissement de l’espèce, mettant ainsi en cause la responsabilité de la France dans la disparition progressive de cet animal.

  • Affaire de la chasse à la glu (CJUE, 17 mars 2021, C-900/19, One voice et LPO c/ Min. écologie) La CJUE a jugé illégale la technique de la chasse à la glu, pratiquée en France pour capturer des oiseaux sauvages, notamment des grives et des merles. La Cour a estimé que cette méthode, bien que considérée comme traditionnelle, ne permettait pas de garantir l’absence de capture d’autres espèces protégées et causait des dommages irréversibles à la faune.

II. Autres outils de protection en droit français

Outre Natura 2000, la France a mis en place divers mécanismes pour assurer la conservation des espèces et de leurs habitats :

  • Les réserves naturelles : Elles visent à protéger des espaces présentant un intérêt écologique majeur et où des restrictions strictes sont imposées sur les activités humaines.

  • Les parcs nationaux et parcs naturels régionaux : Ces territoires bénéficient d’un régime juridique protecteur limitant certaines activités pouvant nuire aux écosystèmes.

  • Les parcs naturels marins : Ils assurent la préservation des milieux marins en conciliant protection et usages durables.

  • Les arrêtés de protection de biotope : Ils permettent de préserver les milieux naturels indispensables à la survie des espèces protégées.

  • Les Trames Vertes et Bleues (TVB) et le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) : Ces dispositifs d’aménagement du territoire visent à maintenir la connectivité écologique des habitats naturels.

  • Les Espaces Naturels Sensibles (ENS) : Gérés par les départements, ils ont pour but la conservation et la mise en valeur des milieux remarquables.

  • L’interdiction de destruction des espèces protégées : Il est interdit de porter atteinte aux individus d’espèces protégées, sous peine de sanctions administratives et pénales.

III. Les limites du cadre juridique actuel

Malgré cette pluralité d’outils, plusieurs failles demeurent dans la mise en œuvre des dispositifs de protection :

  • L’absence de mise à jour régulière des arrêtés de protection des espèces : Certaines espèces en danger ne sont toujours pas inscrites sur les listes officielles.

  • Les conflits entre protection de la biodiversité et aménagement du territoire : Les projets d’infrastructures ou l’exploitation des ressources naturelles entrent souvent en contradiction avec les mesures de conservation.

  • L’insuffisance des moyens de contrôle et d’application des sanctions : De nombreux atteintes aux espèces protégées restent impunies, faute d’un suivi rigoureux.

Conclusion

Le droit de la protection des espèces menacées en France s’appuie sur un arsenal juridique varié et évolutif, mais dont l’application effective reste parfois incomplète. La condamnation de la France par la CJUE montre que les engagements environnementaux doivent être renforcés et respectés pour éviter la perte irrémédiable de biodiversité.

Face aux défis climatiques et écologiques, une mise à jour des réglementations, un renforcement des contrôles et une meilleure intégration de la biodiversité dans les politiques publiques apparaissent indispensables. Il en va de la préservation des espèces, mais aussi de l’équilibre des écosystèmes dont nous dépendons tous.