Par une ordonnance du 26 juillet 2018, le juge des référés du Conseil d'Etat refuse d'ordonner en urgence le maintien de la fabrication et de la commercialisation en France de l'ancienne formule du Levothyrox.
Le Levothyrox, médicament commercialisé par le laboratoire Merck et destiné aux patients souffrant de troubles de la thyroïde, fait actuellement l’objet de vives controverses en raison des effets indésirables de cette nouvelle formule qui tend à remplacer l’Euthyrox.
Devant le risque d’une rupture d’approvisionnement de ce dernier médicament à compter du 30 juin 2018, et en raison de l’annonce faite par le laboratoire Merck d’en interrompre définitivement la fabrication au 31 décembre 2018, plusieurs patients ont saisi le tribunal administratif de Paris sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, afin de solliciter le maintien pérenne de la fabrication et de la commercialisation en France de cette ancienne formule.
Cette requête ayant été rejetée, ils ont alors saisi le juge des référés du Conseil d’Etat afin qu’il se prononce sur cette demande.
Pour rappel, l’article L. 521-2 du code de justice administrative, relatif au référé-liberté, dispose que :
« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »
Par une ordonnance du 26 juillet 2018, n° 422237, le Conseil d’Etat rejette cette requête, aux motifs que la condition d’urgence n’est pas satisfaite, et qu’aucune carence caractérisée ne peut être reprochée à la ministre des solidarités et de la santé.
S’agissant de l’urgence, le juge des référés considère que le laboratoire Merck s’est engagé à fabriquer, à importer et à mettre à disposition la spécialité Euthyrox en France jusqu’à la fin de l’année 2018 et qu’il n’est pas établi que les nouvelles importations de cette dernière, auxquelles s’ajoutent les stocks issus des importations précédentes, ne seraient pas suffisantes pour éviter à très bref délai une pénurie. Il ajoute que l’arrêt de la production de cette formule « devrait » être progressif, se référant aux observations présentées par l’administration au cours de l’audience.
S’agissant de l’atteinte manifestement grave et illégale à une liberté fondamentale, le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord que la carence caractérisée d’une autorité administrative dans l’exercice de ses pouvoirs peut constituer une telle atteinte. Toutefois, le juge des référés considère qu’aucune carence ne peut être reprochée à la ministre des solidarités et de la santé en l’espèce, dès lors que les autorités compétentes ont engagé plusieurs enquêtes de pharmaco-vigilance, maintenu la possibilité d’un approvisionnement de l’ancienne formule pour les patients souffrant d’effets indésirables, renforcé l’information des professionnels de santé et permis l’augmentation et la diversification des médicaments à base de lévothyroxine substituables à l’ancienne spécialité.
Enfin, le Conseil d’Etat relève que les demandes présentées par les requérants ont pour objectif « des mesures d’ordre structurel reposant sur des choix de politique publique qui sont insusceptibles d’être mises en œuvre, et dès lors de porter effet, à très bref délai ». Il en déduit que ces demandes ne constituent pas, dans les circonstances de l’espèce, des mesures d’urgence que le juge des référés peut ordonner sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
Le Conseil d’Etat se refuse donc à enjoindre en urgence à l’Etat de garantir le maintien de la commercialisation de l'Euthyrox en France, pourtant réclamé par un très grand nombre de patients, en raison des nombreux effets indésirables aujourd’hui bien connus de sa nouvelle formule.
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