Depuis les arrêts de la Cour de Cassation du 19/05/16 (Cass 2ème civ 19/05/67 n°15/12767), qui font l’objet d’un précédent article (cf. article du 02/03/17), le principe est désormais posé que si la faculté de renonciation prévue à l’article L132-5-2 du code des assurances a un caractère discrétionnaire, son exercice peut toutefois dégénérer en abus.

Dans plusieurs arrêts récents, la Cour d’Appel de Versailles a précisé les circonstances susceptibles de caractériser cet abus de droit dans l’exercice de la faculté de renonciation (CA de Versailles 3ème ch. 07/09/17  n°14/03907; n°14/04013; n°14/05128; n°14/04623; n°15/03311)

Dans ces arrêts, la Cour rappelle tout d’abord que l’abus de droit est le fait pour une personne de commettre une faute par le dépassement des limites d’exercice d’un droit qui lui est conféré, soit en le détournant de sa finalité, soit dans le but de nuire à autrui.

Il en ressort qu’il n’est pas nécessaire de démontrer l’intention de nuire de l’assuré, pas plus que son intention maligne lors de la souscription du contrat, l’abus dans l’exercice d’un droit s’appréciant lorsqu’il en est fait usage, en fonction de différents éléments dont certains peuvent être contemporains de la conclusion du contrat.

La Cour examine notamment si l’assuré est averti ou profane, les informations figurant dans les documents contractuels, le délai écoulé entre la souscription et la renonciation, les pertes subies, ou encore les arbitrages et rachats réalisés sur le contrat.

Après examen de ces différents éléments, la Cour d’Appel de Versailles a considéré que la finalité des dispositions de l’article L132-5-2 du code des assurances est d’imposer à l’assureur de fournir une information claire aux souscripteurs, de façon à ce qu’ils comprennent l’économie générale du contrat d’assurance vie et mesurent correctement ses avantages et ses risques, et non de protéger le souscripteur contre l’évolution des résultats financiers de son contrat.

Elle a considéré que dans les litiges qui lui étaient soumis, les assurés avaient pris en toute connaissance de cause le risque d’une opération financière dans l’espoir d’un gain conséquent et qu’ils n’invoquaient les manquements de l’assureur au formalisme prévu par les textes dans l’unique but de lui faire supporter leurs pertes financières.

Ce comportement constitue un abus de droit, la finalité recherchée par le titulaire du droit de renonciation , à savoir échapper aux fluctuations des marchés financiers n’étant pas celle voulue par le législateur.

Le motif de la renonciation n’est dès lors pas légitime, incompatible avec le principe de loyauté s’imposant aux contractants et la mauvaise foi de l’assuré est caractérisée.

Ce raisonnement a été repris par la Cour d’Appel de Paris du 02/11/17 (CA de Paris Pôle 2 ch. 2 - 02/11/17 n°16/19226).

L’appréciation de l’abus de droit se fait donc au regard de la situation concrète de l’assuré, ce que la Cour de Cassation a souligné dans un arrêt du 05/10/2017 (Cass 2ème civ 05/10/17 n°16-19565).

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation casse un arrêt de Cour d’Appel qui avaient fait droit à une demande de renonciation en se bornant à constater que les conditions d’exercice du droit de renonciation prévues par la loi étaient réunies, sans rechercher, au regard de la situation concrète de M. X, de sa qualité d’assuré averti ou profane et des informations dont il disposait réellement, quelle était la finalité de l’exercice de son droit à renonciation et s’il n’en résultait pas un abus de droit.