La modification de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie est régulièrement à l’origine de litiges notamment entre le bénéficiaire révoqué et le nouveau bénéficiaire.
L’issue de ces litiges dépend pour beaucoup des circonstances dans lesquelles a eu lieu la modification de la clause et l’assuré doit être particulièrement vigilant lorsqu’il souhaite modifier sa clause bénéficiaire, sous peine que la situation suite à son décès ne soit pas conforme à ce qu’il désirait.
Un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 13/06/19 en est une parfaite illustration (2ème civ 13/06/2019 n°18/14954).
M. D a adhéré à la garantie décès d’un contrat d’assurance vie et a désigné son fils, M. Y, ou à défaut son épouse, Mme D, comme bénéficiaire des sommes garanties.
Le 20/06/1982, M. D a informé par courrier l’assureur de la modification de la clause bénéficiaire au profit de son épouse.
Suite au décès de M.D, l’assureur a versé le 17/10/1991 le capital garanti à Mme D.
Par la suite, M. Y a assigné Mme D en restitution du capital, en invoquant l’intention qu’avait M. D de le désigner en définitive comme unique bénéficiaire du contrat d’assurance.
En appel, Mme D a été condamnée verser à M. Y le montant du capital garanti.
La Cour d’Appel a en effet retenu que par testament olographe du 10/08/87, M. D avait révoqué toute donation faite au profit de Mme D, avait institué son fils légataire universel et avait en outre informé son notaire que son fils était son seul et unique héritier.
Il avait par ailleurs, dans un écrit signé du 29/07/87, indiqué que le capital décès de son assurance vie revenait à son fils.
La Cour d’appel a considéré que ce dernier document comportait une intention révocatoire de la clause bénéficiaire et détruisaient valablement l’attribution du capital décès à Mme D, outre qu’il était cohérent avec les autres dispositions testamentaires du défunt dans un contexte de séparation des époux D.
La Cour d’appel a en conséquence jugé qu’en conservant les fonds alors qu’elle disposait du courrier du 29/07/1987, Mme D. avait commis une faute en contrevenant aux dernières volontés du défunt, faute qui causait à M. Y un préjudice équivalent à la valeur du capital décès.
Elle l’a donc condamnée à verser à M. Y la somme de 132.379,41 € en réparation du préjudice subi.
Mme D. a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt, lequel a été cassé par la Cour de Cassation au visa de l’article L132-8 du code des assurances.
En application de ce texte, l’assuré peut, sauf acceptation de la désignation par le bénéficiaire, modifier jusqu’à son décès la clause bénéficiaire de son contrat.
La forme de cette modification n’est pas règlementée de façon impérative : l’article L132-8 indique qu’elle peut être effectuée soit par voie d’avenant au contrat, soit en remplissant les formalités de l’article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire, mais l’assuré peut utiliser d’autres moyens, l’unique condition étant que sa volonté soit exprimée de façon certaine et non équivoque.
En l’espèce, la Cour de Cassation retient que le courrier du 29/07/87 n’a été envoyé à l’assureur que le 18/10/91, ce dernier n’en ayant donc pas eu connaissance du vivant de l’assuré, et qu’en outre la Cour d’Appel n’a pas caractérisé qu’il constituait un testament olographe dont M. Y aurait pu se prévaloir.
Elle casse en conséquence l’arrêt de la Cour d’Appel pour avoir violé les dispositions de l’article L132-8 du code des assurances.
Il ressort de cet décision que le courrier de modification de la clause bénéficiaire qui n’est pas adressé à l’assureur avant le décès de l’assuré et qui n’est pas qualifié de testament olographe ne peut être considéré comme ayant valablement modifié la désignation bénéficiaire.
Lorsque l’assuré entend modifier la clause bénéficiaire de son contrat au moyen d'un courrier destiné à l'assureur, il est donc essentiel qu’il adresse effectivement sa demande à l’assureur sans quoi la modification souhaitée pourrait ne pas être prise en compte suite à son décès.
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