L'enjeu est de taille pour les entreprises en cette période d'incertitude sur l'évolution du virus.
La notion de force majeure ou d'imprévision a une incidence sur la responsabilité du débiteur d'un contrat qui n'honore pas ses obligations : si un tel cas est reconnu alors aucune faute ne pourra lui être reprochée.
Voici un tour d'horizon de ce que prévoit la législation française pour les cas de force majeure et d'imprévision dans les contrats :
- La force majeure
Selon l’Article 1218 du Code Civil :
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux Articles 1351 et 1351-1 ».
En pratique, reste à savoir si le CORONAVIRUS peut être reconnu comme un cas de force majeure, pouvant justifier une inexécution ou un retard dans l'exécution d'un contrat, sans qu'une faute puisse être reprochée.
Les trois critères doivent impérativement être réunis : l'évènement doit être à la fois imprévisible lors la conclusion du contrat , irrésistible dans son exécution, et extérieur (échappant au contrôle des personnes concernées).
Les contrats peuvent prévoir des clauses définissant précisément ce qui sera reconnu comme un cas de force majeure ou non. Même si ette clause est assez dangereuse, puisqu'elle peut se retourner contre son rédacteur en cas d'oubli...
Il a déjà été reconnu de façon jurisprudentielle, que les catastrophes naturelles ou climatiques étaient des cas de force majeure.
Il est donc, eu égard à ces trois critères, fort probable que ce cas de CORONAVIRUS soit considéré comme un cas de force majeure... En tous cas, pour les contrats passés avant la déclaration de la propagation du virus !
Pour les contrats passés à compter de ces jours-ci, il y a lieu de penser que le critère de l'imprévisibilité ne sera pas retenu. L'appel est donc à la vigilence des contrats passés à compter des prochains jours, et d'anticiper expressément si la propagation du virus devait durer et avoir des répercussions sur l'exécution du contrat, que la force majeure pourra quand même être constituée.
En cas de contestation, la question devra être débattue en justice.
La CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) a appelé ce jour le gouvernement à déclencher une claude de force majeure, compte tenu du contexte, afin de protéger les entreprises des risques de pénalités en cas d'inexécution ou de retard dans l'exécution des contrats.
Dans cette hypothèse, les compagnies d'assurance pourraient alors prendre en charge les conséquences économiques de la défaillance du débiteur de l'obligation contractuelle et il n'y aura plus d'hésitation sur le fait que le CORONAVIRUS constitue bien un cas de force majeure.
Le droit françois a également prévu les conséquences contractuelles des évènements imprévisibles.
- L'imprévision
Aux termes de l’Article 1195 du Code Civil :
« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ».
L'imprévision se distingue de la force majeure en ce qu'elle n'empêche pas l'exécution du contrat, mais la rend excessivement onéreuse.
A n’en pas douter, l’épidémie pourrait parfaitement entrer là aussi, dans un cas d’imprévision, permettant aux parties de renégocier leur contrat, le temps que dure la situation de crise.
Il est clair cependant que les parties auront intérêt à soigner la rédaction des clauses d’imprévision, en aménageant les conditions de la négociation.
Une attention particulière devrait alors être portée sur la cohérence et l’articulation entre les dispositions prévues à la clause de force majeure, et celles prévues à la clause d’imprévision.
Keep care !
ACTUALISATION AU 15 MAI 2020:
A noter. Le gouvernement a mis en place plusieurs mécanismes de report des délais qui arrivent à échéance pendant la période d’urgence sanitaire. Il s’agit principalement des délais prévus par la loi ou le règlement, encore des clauses pénales et astreinte, ou encore des délais de résiliation ou dénonciation d’un contrat. Pour tous les délais qui ne rentrent pas dans l’une des catégories pour lequel un mécanisme de report a été prévu (par exemple les délais prévus par le contrat pour régler une somme d’argent), la question de la force majeure peut se poser.
Le Ministre de l’Economie et des Finances a annoncé, à propos de l’exécution des marchés publics, que le Coronavirus sera considéré comme un cas de force majeure pour les entreprises. La question se pose toutefois de l’application de la force majeure dans le cadre des relations commerciales entre entreprises privées, au regard des conditions prévues dans les contrats de droit privé.
- Irrésistibilité : l’application de la force majeure s’appréciera au regard des solutions alternatives qui ont ou auraient pu raisonnablement être mises en place afin d’assurer une continuité de service, de production, de livraison, etc. ; notez que, dans le cas du Coronavirus, les différentes mesures économiques mises en place par le Gouvernement (report du paiement des charges, accompagnement financier, etc.) pourraient être qualifiées de solutions alternatives. Il faudra donc prouver que les mesures sanitaires ont empêché le débiteur de l’obligation de la réaliser, ce qui ne sera pas forcement le cas de celles qui peuvent être effectuées à distance.
Concernant la maladie. La survenance d’une maladie n’est pas à elle seule un cas de force majeure. Encore faut-il prouver qu’elle est imprévisible lors du contrat et qu’elle rend impossible son exécution.
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