La vente en l’état futur d’achèvement est un mode d’acquisition de la propriété par lequel le vendeur à l’obligation d’ériger la construction prévue au contrat de vente, pour un prix négocié avec l’acquéreur, payable par tranche, au fur et à mesure de l’avancement des travaux.
Le vendeur a, en outre, l’obligation de délivrer la chose vendue dans une période fixe, prévue au contrat, auquel il ne peut pas en principe se soustraire.
Il arrive parfois que le vendeur doive faire face à des évènements imprévus qui l’empêchent de livrer la construction dans le délai imparti.
Le retard ainsi pris n’est pas sans conséquences pour les acquéreurs qui se voient, par exemple, contraints de rembourser des intérêts intercalaires, de rembourser un prêt qui se cumule à un loyer, privés de la perception de revenus locatifs, d’un avantage fiscale…
Les acquéreurs, « légitimement » mécontents, sont parfaitement fondés à solliciter une indemnisation en raison des préjudices subis et, pour contrer leur demande, les promoteurs-vendeurs opposent des clauses exonératoires de responsabilité insérées au contrat de vente.
Ces clauses, qui énumèrent des « causes légitimes de suspension du délai de livraison », sont de plus en plus complexes et détaillées comme cela ressort de la clause reproduite ci-dessous :
« Sont notamment considérés comme causes légitimes de report de délai de livraison, les événements suivants :
- Intempéries au sens de la réglementation des travaux sur les chantiers de bâtiment.
- Grève générale ou partielle affectant le chantier ou les fournisseurs.
- Retard résultant de la liquidation des BIENS, l'admission au régime du règlement judiciaire, du redressement judiciaire, de la liquidation judiciaire des ou de l'une des entreprises (si la faillite ou l'admission au régime du règlement judiciaire survient dans le délai de réalisation du chantier et postérieurement à la constatation du retard, la présente clause produira quand même tous ses effets).
- Retard provenant de la défaillance d'une entreprise (la justification de la défaillance pouvant être fournie par le VENDEUR à l’ACQUEREUR, au moyen de la production du double de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par le Maître d'Œuvre du chantier à l'entrepreneur défaillant).
- Retards entraînés par la recherche et la désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à une entreprise défaillante et à l'approvisionnement du chantier par celle-ci.
- Retards provenant d'anomalies du sous-sol (telle que présence de source ou résurgence d'eau, nature du terrain hétérogène aboutissant à des remblais spéciaux ou des fondations particulières, découverte de site archéologique, de poche d'eau ou de tassement différentiel, tous éléments de nature à nécessiter des fondations spéciales ou des reprises ou sous-œuvre d'immeubles avoisinants) et, plus généralement, tous éléments dans le sous-sol susceptibles de nécessiter des travaux non programmés complémentaires ou nécessitant un délai complémentaire pour leur réalisation.
- Injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou d'arrêter les travaux, à moins que lesdites injonctions ne soient fondées sur des fautes ou des négligences imputables au VENDEUR.
- Troubles résultant d'hostilités, cataclysmes, accidents de chantier.
- Retards imputables aux compagnies cessionnaires de fournitures d’énergie et de ressources.
- Retards de paiement de l'acquéreur tant en ce qui concerne la partie principale, que les intérêts de retard et les éventuels travaux supplémentaires ou modificatifs que le VENDEUR aurait accepté de réaliser.
Ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du BIEN d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier (…).
Les causes de retard prévues dans cette clause ont majoritairement été validées par la jurisprudence de la Cour de cassation (position constante depuis 2012 : voir notamment 3ème Civ, 24 octobre 2012, n° 11-17800).
Dans une décision rendue le 23 mai 2019 (n° 18-14212), la Cour de cassation a également validé la clause prévoyant que « en cas de survenance de l’un des événements mentionnés, cela aurait pour effet de retarder la livraison du bien vendu d’un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de la répercussion sur l’organisation générale du chantier » en indiquant, de manière fort surprenante, « qu’une telle clause relative aux causes légitimes de suspension du délai de livraison n’avait ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »
Toutefois, si la position de la haute juridiction est favorable aux promoteurs, encore faut-il que les évènements relatés dans la clause se produisent, que le promoteur soit en mesure d’en apporter la preuve et que la durée desdits évènements permette de justifier le retard pris pour livrer l’immeuble.
Ce qui, en pratique, est loin d’être évident.
Les acquéreurs ont donc toujours la possibilité de faire valoir leur préjudice quand bien même le promoteur invoque, pour justifier son retard, une cause légitime de report de la date prévue de livraison.
Quant aux préjudices indemnisables, la Cour de cassation a reconnu la possibilité de cumuler sanctions contractuelles (la fameuse règle des 1/3000 par jour de retard, applicable en matière de CCMI, à condition qu’elle soit contenue au contrat de VEFA, ce qui est rare en pratique) et sanctions légales, celles du droit commun de la responsabilité contractuelle (pertes de revenus locatifs, perte d’un avantage fiscal, remboursement intérêts intercalaires, frais bancaires, cumul du loyer avec le remboursement d’emprunt etcetc).
En conclusion, lorsque votre vendeur vous informe du report de la date de livraison prévue au contrat et qu’il invoque, pour justifier de son manquement, une ou des causes légitimes de suspension du délai de livraison, il est indispensable de faire valoir vos préjudices par le biais d’une mise en demeure afin de contraindre votre vendeur à apporter la preuve des évènements qu’il invoque.
Une fois cette première étape passée, il est nécessaire d’effectuer une analyse précise du dossier afin de vérifier la pertinence des justificatifs apportés par le promoteur pour justifier du report de la date de livraison et afin d’affiner la liste des préjudices subis par l’acquéreur pouvant ouvrir droit à indemnisation.
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