(i) L’arrêt rendu le 5 mars dernier par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation (n°19-13.509) rappelle et confirme qu’ : « un juge ne peut pas refuser d’examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d’une partie, dès lors qu’il est régulièrement versé aux débats, soumis à la discussion contradictoire » et ce d’autant plus s’il est « corroboré par d’autres éléments de preuve. »

En matière de construction et de droit immobilier, les avocats ont tendance à demander au juge la désignation d’un expert judiciaire pour apprécier l’existence de désordres, vices et malfaçons qui affecteraient un ouvrage ou identifier les causes d’un sinistre.

L’aspect technique de la matière et les enjeux financier parfois très élevés font que le recours à un sachant, indépendant des parties, est souvent indispensable même si la mesure est souvent longue et onéreuse.

Le rapport rendu par l’expert judiciaire n’est toutefois pas parole d’évangile puisque le juge n’est pas tenu par les constations ou les conclusions de l’expert (Voir article 246 du code de procédure civile) même si en pratique elles sont souvent suivies par les juridictions.

(ii) Dans les litiges moins techniques, le recours à l’expertise « privée » tend à se généraliser afin de limiter les coûts induits par une expertise judiciaire.

Dans l’espèce rapportée, l’acquéreur d’un immeuble contestait la surface du bien qu’il venait d’acquérir et il a par conséquent assigné sa venderesse en réduction du prix et en remboursement des frais accessoires.

Pour établir l’erreur, l’acquéreur a fait dresser un certificat de mesure loi Carrez par un diagnostiqueur, puis par un géomètre-expert, hors la présence du vendeur.

Ces documents ont constitué le fondement technique probatoire de son action et ils ont été versés aux débats et soumis à la libre discussion des parties.

Après un certain nombre de péripéties et face au refus des juridictions du fond de reconnaitre une valeur probante aux pièces versées au débat, la Cour de Cassation a été contrainte de rappeler le principe déjà posé dans un arrêt du 24 septembre 2002 : « Tout rapport d’expertise officieux (privé) peut valoir à titre de preuve dès lors qu’il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire » et d’y ajouter que ledit rapport doit être corroboré par d’autres éléments de preuve (constat d’huissier, échanges de correspondance, acte de vente…).

Si, l’expertise « privée » est une preuve imparfaite qui devra, le cas échéant, être corroborée par d’autres éléments probants, elle présente l’avantage d’être moins onéreuse que l’expertise judiciaire, plus rapide et parfaitement adaptée aux dossiers qui ne présentent pas de technicité particulière.