Les modalités de contrôle et la régularité de la procédure de recouvrement sont fréquemment contestées par les professionnels de santé, suscitant un sentiment d’incompréhension et d’injustice.

Beaucoup de professionnels espèrent encore obtenir l’annulation de l’indu notifié en invoquant principalement voire exclusivement des moyens de forme ou de procédure (insuffisance de motivation de la notification de payer, défaut de preuve de l’assermentation des agents, l’irrégularité des PV d’audition, le non-respect des droits de la défense ou encore l’incompétence du signataire etc.)

Or, tel que je ne cesse de le rappeler à mes clients, il convient de garder à l’esprit que les moyens de forme et de procédure sont admis de façon très restrictive.

A titre d’exemple, il est admis de façon constante que la production par la caisse d’un tableau récapitulatif des anomalies relevées est suffisante pour justifier le bienfondé de l’indu et fonder la procédure de recouvrement.

En outre, la régularité du contrôle ainsi que la force probante des PV dressés par les agents de contrôle ne sont pas conditionnées par la preuve de l’agrément et de l’assermentation de l’agent, qui peut être rapportée par tout moyen (mention sur le PV, transmission de la carte professionnelle)[i]

S’il n’est pas question de se résigner face à la CPAM et aux juridictions de la sécurité sociale, il n’est pas envisageable de faire l’économie d’une défense au fond.

Les chances de succès d’un professionnel de santé sont avant tout conditionnées par les justifications qu’il sera en mesure d’apporter pour établir le respect des règles de facturation et la conformité des cotations.

Il importe donc de vous sensibiliser sur la charge de la preuve dans les contentieux d’indus CPAM et la préparation de votre argumentaire.

Voici quelques conseils pratiques, tirés des enseignements de la jurisprudence de la Cour de cassation et de ma pratique contentieuse, afin de vous défendre plus efficacement contre la CPAM et d’optimiser vos chances de succès.

  1. Sur qui pèse la charge de la preuve dans les contentieux d’indus ?

L’article L.133-4 du code de la sécurité sociale :

«  En cas d’inobservation des règles de tarification et de facturation des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1 et L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale et des frais de transports mentionnés à l’article L. 321-1 du même code, l’organisme de prise en charge recouvre l’ indu correspondant auprès du professionnel de santé ou de l’établissement à l’origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l’assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement ».

L’article R.133-9-1 précise en outre :

« I.-La notification de payer prévue à l'article L. 133-4 est envoyée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie au professionnel, à l'établissement ou au distributeur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.
Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie. ».

Il résulte de ces dispositions que la caisse recouvre l’indu correspondant auprès du professionnel de santé concerné non seulement lorsqu’il a sollicité la prise en charge ou le remboursement de prestations ou de soins qu’il n’a pas délivrés mais aussi lorsqu’il n’a pas respecté les conditions de prise en charge. Par conséquent, le non-respect des conditions de prise en charge peut justifier à lui seul l’indu notifié.

Ce principe légal emporte plusieurs conséquences tant d’un point de vue procédural que probatoire :

  • D’un point de vue procédural, l’indu résultant des dispositions particulières aux prestations d’assurance maladie est dérogatoire du régime de la répétition de l’indu prévu par l’article 1302[ii].

Dès lors que l’inobservation des règles de prescription ou de facturation est démontrée par la caisse, la circonstance que les prestations ont bien été délivrées, que la réalité des soins n’est pas contestée ou que les actes et prestations réalisées reposent bien sur les prescriptions médicales est indifférente.

  • D’un point de vue probatoire, la charge de la preuve pèse davantage sur les professionnels de santé.

S’il incombe à l’organisme de sécurité sociale d’établir le bienfondé de sa demande de remboursement de l’indu, c’est au praticien d’établir le respect des règles de facturation (transmission des prescriptions dans les délais réglementaires, respect des règles de délivrance d’un médicament ou d’un dispositif médical etc.), d’apporter des éléments pour justifier la cotation des actes et contester celle retenue par la caisse aux termes de la procédure de contrôle[iii].

Toutes ces spécificités ont bien évidemment une incidence sur la façon de préparer votre défense.

2. Comment préparer votre argumentaire ?

Quelle que soit la nature du contrôle réalisé ou la procédure engagée par la caisse, il est impératif pour le professionnel concerné de s’assurer qu’il est en mesure de justifier le respect des règles de facturation et de la conformité des cotations pour chaque anomalie relevée, patient par patient et ligne par ligne.

De façon régulière, les praticiens libéraux font l’objet de récupérations d’indus au motif de l’irrégularité et/ou du retard dans la transmission des prescriptions fondant la facturation. Si, en pratique, certaines caisses et juridictions (notamment la section des assurances sociales) ont pu admettre une régularisation a posteriori, la Cour de cassation a mis fin à une telle tolérance. Il est donc nécessaire de démontrer que les prescriptions ont été reçues par la caisse dans les délais réglementaires[iv].

Dans un second temps, le professionnel doit être en mesure de justifier la facturation des actes réalisés, la conformité des prescriptions ainsi que les cotations appliquées pour chaque actes de soins, médicament ou dispositif médical dont la facturation est contestée.

Il s’agit d’un vrai travail d’orfèvre, chronophage, minutieux et exigeant, qui doit être entrepris le plus tôt possible, lors de la phase de contrôle ou lors de la phase précontentieuse. Négliger cette étape préparatoire revient à vous priver d’une chance sérieuse de contester utilement l’indu notifié et le bienfondé des poursuites engagées.

3. Notre rôle en tant qu’avocat ?

Il est fréquent que les professionnels de santé décident de se défendre seul dans un premier temps soit parce qu’ils ont entendu dire que la présence de l’avocat n’était pas nécessaire au stade des auditions ou précontentieux soit par économie.

Cependant, se présenter seul aux auditions, saisir seul la CRA ou négliger tout simplement sa défense au fond constituent pour le moins un pari risqué, qui peut entraîner des conséquences sur la suite de la procédure en l’absence de maîtrise des aspects procéduraux.

Par ailleurs, plusieurs paramètres vont influer sur la stratégie de défense à adopter :

  • La nature du contrôle réalisé (administratif ou médical) 

Le contrôle administratif repose uniquement sur une série d'engagements de la caisse énoncés dans la Charte de contrôle qui n’a aucune valeur réglementaire.

Par principe, les agents de contrôle ne peuvent porter aucune appréciation d’ordre médical.

Cela étant, les agents vont disposer de pouvoirs exorbitants leur permettant de procéder à toute vérification ou mesure d’enquête (constations sur place, auditions de patients quant à la réalité ou la fréquence des soins réalisés ou des produits de santé délivrés, recueil du témoignage des médecins prescripteurs notamment lorsqu’il est suspecté des actes fictifs ou l’usage de faux documents) et de dresser des PV qui feront foi jusqu’à preuve du contraire[v].

En revanche, le contrôle par le service médical de la caisse est régi par des dispositions spécifiques du code de la sécurité sociale impliquant en particulier le respect du contradictoire et des droits de la défense[vi].

Le déroulement et le caractère contradictoire du contrôle vont varier en fonction du type de contrôle. Par ailleurs, il convient  dès ce stade d’être vigilant quant aux éléments de preuve recueillis et de répondre à tous les griefs invoqués.

  • La nature des anomalies relevées et l’existence de divergences d’interprétation 

Toutes les anomalies détectées ne permettent pas nécessairement de caractériser une fraude ou un abus.

Cependant, le professionnel de santé peut être privé de garanties (information préalable au contrôle, communication des PV d’auditions réalisés etc.) dans le cadre du contrôle dès lors qu’une fraude est suspectée. en outre, la procédure de restitution d'indu repose fréquemment sur de simples suspicions.

Il est donc important de pouvoir contester la base des poursuites et la qualification des anomalies retenue par la caisse (fraude, falsification, faux et usage de faux).

D’autre part, certaines poursuites initiées dans les suites des contrôles CPAM reposent en réalité sur des divergences d'interprétation. Le recours à un expert spécialisé en NGAP peut donc s’avérer opportun et doit être envisagé en amont de la préparation de votre argumentaire.

  • La nature de(s) procédures engagées

Un professionnel de santé peut être doublement poursuivi pour les mêmes faits devant des juridictions distinctes sur le fondement de textes et suivant des règles procédurales distinctes. 

Indépendamment de la faculté d’agir en restitution de l’indu, de déposer une plainte pénale ou devant la section des assurances sociales, l’article L.162-1-14 du Code de la sécurité sociale confère au Directeur de la caisse le pouvoir de prononcer une sanction financière.

Dans le cadre de la procédure de pénalité financière, le professionnel de santé concerné a tout intérêt à solliciter son audition et à présenter, sous couvert de celle-ci, des observations ainsi que toutes les justifications de nature à discuter la matérialité des griefs, les éléments qui selon la caisse caractérisent la fraude, ainsi que le montant de la pénalité (ce d’autant lorsqu’il a fait preuve de négligence à réception de la notification des griefs). Il sera important de pouvoir discuter la base des poursuites, le caractère de gravité et la matérialité des anomalies qui conditionnent le prononcé d’une pénalité financière et son montant.

Dans le cadre d’une plainte pénale pour escroquerie à la sécurité sociale, l’appréhension du dossier sera également différente. A la différence d’une procédure d’indu, une sanction pénale ne peut reposer sur de simples suspicions.

Le constat d'erreurs de facturation ne peuvent suffire à caractériser le délit. En outre, l’infraction doit être établie dans toutes composantes, matérielle et intentionnelle.

Au regard de ces éléments, la stratégie de défense doit s'adapter, au cas par cas, en fonction de la nature de la procédure engagée par la caisse, des anomalies relevées (acte fictifs, surcotations, falsification, prescriptions non conformes ou illisibles) et des éléments de preuve recueillis dans le cadre du contrôle ou de l’enquête préliminaire.

Fort de l’expérience acquise aux côtés des établissements de santé et professionnels de santé dans le cadre de leurs relations avec la sécurité sociale et les contentieux liés à des contrôles de facturation depuis 2015, le cabinet a mis en place une méthodologie de travail pragmatique et rigoureuse afin de vous accompagner dans le cadre de votre défense.

Vous êtes infirmiers, pharmaciens, masseurs kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes, vous faites l’objet d’un contrôle de facturation, vous devez saisir la CRA ou la commission de pénalité financière, vous souhaitez contester une notification d’indu ou une décision de pénalité financière ? Vous faites l'objet d'une plainte pénale ou auprès de la Section des Assurances Sociales, le cabinet est en mesure de vous accompagner tout au long de la procédure, devant tout type de juridiction et avec l'aide de nos consultants spécialisés en matière de NGAP.


[i] Cass. 2e civ., 16 mars 2023, n° 21-14.971, Publié au bulletin.

[ii] CA Toulouse, 4e ch. sect. 3, 22 mars 2019, n° 17/02029

[iii] Cour de cassation, Chambre civile 2, 28 novembre 2013, 12-26.506, Inédit

[iv] En outre, il appartient à chaque professionnel de santé libéral de s'assurer de la régularité de la prescription médicale en sollicitant, le cas échéant, sa modification en temps utile, avant la réalisation des soins ou la délivrance des médicaments/dispositifs. Le praticien contrôlé pourra donc difficilement se retrancher derrière une omission ou une négligence du médecin

[v] Il résulte des dispositions de l’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable aux faits, que les agents assermentés et agréés, chargés notamment de procéder aux vérifications ou enquêtes administratives concernant l’attribution des prestations versées par les organismes de sécurité sociale, ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu’à preuve du contraire.

[vi] Article L.315-1 du Code de la sécurité sociale