Dans le cadre du financement de l’innovation, de nouvelles règles de financement dérogatoires ont été fixées à compter de 2015 pour les actes innovants inscrits au sein du Référentiel des actes Innovants Hors Nomenclature (RIHN) [i] ou au sein de la liste dite complémentaire (LC).

En synthèse, les actes du RIHN et de la liste complémentaire peuvent faire l’objet, à certaines conditions, d’une prise en charge au titre d’une dotation mission d'intérêt général spécifique identifiée " MERRI G03 ".

Selon l’instruction ministérielle, les établissements de santé, quel que soit leur statut (public ou privé), peuvent bénéficier de ce financement dès lors qu’ils participent à la mission d’intérêt général « MERRI G03 » et que les actes réalisés sont éligibles à un tel financement.

La mise en place de ce dispositif de financement dérogatoire a soulevé dès l’origine des interrogations sur périmètre d’application et les règles de facturation qui en découlent, en particulier dans le cadre des prestations inter-établissements et lorsque les examens de biologie sont réalisés à la demande de prescripteurs libéraux (médecins de ville ou exerçant au sein de cliniques privées).

Les règles de financement ainsi que les règles de facturation applicables ont fait l’objet de précisions aux termes d’une instruction du 16 avril 2018, en particulier dans le cadre des prestations inter-établissements (PIE)[ii].

Cependant, force est de constater que cette instruction n’a pas permis de dissiper toutes les difficultés posées par son champ d’application et que ce dispositif de financement affiche certaines limites préfigurant un nouveau contentieux de masse.

1.Sur les règles de financement et les limites du dispositif

Il est important de souligner qu’un financement au prescripteur est instauré depuis 2015. Cela signifie que le financement au titre de la « MERRI G03 » doit être demandé par l’établissement de santé qui demande la réalisation des examens de biologie moléculaire hors nomenclature. Il est éligible à un financement au titre de la MERRI lorsque :

  • L’acte est prescrit et réalisé dans le même établissement de santé;
  • Dans le cas de prestations inter-établissements, c’est-à-dire, lorsque l’acte est prescrit et réalisé dans des établissements de santé distincts.

L’instruction du 16 avril 2018 a eu le mérite de clarifier les règles applicables dans ce second cas de figure. Elle confirme ainsi la possibilité d’une facturation inter-établissements par le laboratoire effecteur, quel que soit le statut du patient pour lesquels les prélèvements sont effectués.

« Dans le cas où l’acte est prescrit et réalisé dans le même établissement de santé, il est éligible à un financement par cette dotation. Dans le cas où l’acte est prescrit et réalisé dans des établissements de santé distincts, il peut également être financée par cette dotation. Dans chacun des deux cas précédents, l’acte peut être financé si le patient est en consultation externe, s’il est hospitalisé ou s’il est pris en charge dans le cadre d’une prestation sans hospitalisation » (point 2.c).

Ce principe apparaît confirmé également lorsqu’il s’agit d’un transfert d’échantillons biologiques entre un laboratoire préleveur et effecteur :

« Conformément aux dispositions de l’article L. 6211-19 du CSP, si un laboratoire de biologie médicale n’est pas en mesure de réaliser un examen de biologie médicale, il peut transférer les échantillons biologiques prélevés à un autre laboratoire à des fins d’analyse et d’interprétation. Dans un contexte d’établissement de santé, cet article précise donc le principe d’un flux d’échantillons biologiques (et non de patients) entre un laboratoire préleveur en lien avec le patient et un laboratoire effecteur. Par conséquent, que le patient ait été prélevé dans le cadre d’une consultation externe ou d’une prestation hospitalière avec ou sans hospitalisation, le principe reste le même. (Point 1.c).

L’instruction précise en outre que « L’établissement effecteur ne peut pas demander un financement direct de cette activité au titre de la mission G03 ».

Par conséquent, si l’établissement effecteur déclare la totalité de l’activité (interne+PIE)[iii], les règles de financement au prescripteur commandent que seuls les actes prescrits et réalisés au sein de l’établissement (et les actes sous traités à d’autres établissements le cas échéant), à l’exclusion de son activité de production pour d’autres établissements de santé, soit pris en considération dans le calcul de la valorisation de la dotation MIG G03 versée à l’établissement gestionnaire de la PGMC[iv].

En revanche, l’activité de production pour les autres établissements de santé dans le cadre de PIE ne doit pas entrer dans le calcul de la valorisation du financement au titre de la MERRI G03.

C’est d’ailleurs ce que rappelle le point 4 de l’instruction du 31 juillet 2015 " En termes de comptabilisation l’établissement qui exécute les actes pour ses besoins ou à la demande d’un autre établissement est le seul à pouvoir les comptabiliser dans le recueil; afin d’éviter une double comptabilisation, l’établissement demandeur ne les recensera donc pas. Seule lactivité annuelle de l’établissement est prise en compte pour déterminée le montant de la dotation MERRI G03 (…) ".

Toutefois, ce dispositif présente à mon sens certaines limites qui sont à l’origine de plusieurs contentieux.  

  • La première tient au caractère limitatif des crédits.

Il s’avère qu’en pratique, la dotation MERRI G03 ne couvre pas la totalité des examens réalisés dès lors qu’il s’agit de crédits limitatifs.

Par ailleurs, les actes inscrits au sein du RIHN sont financées prioritairement. Cela signifie que les actes figurant sur la LC sont financés sur le reliquat.

Le reste à charge sera donc supporté par l’établissement prescripteur si la dotation MERRI G03 versée ne permet pas de valoriser l’intégralité des examens réalisés au titre de son activité interne et sollicités dans le cadre de PIE, outre qu’il existe un décalage entre l’année des dépenses et l’année de remboursement.

  • La seconde limite tient à l’impossibilité pour les médecins libéraux de solliciter un tel financement dès lors que le dispositif est réservé aux établissements de santé.

En effet, l’instruction du 16 avril 2018 précise « s’ils participent à cette mission d’intérêt général…d’innovation, les établissements de santé mentionnés aux a, b, c et d de l’article L.162-22-6 du CSS peuvent bénéficier de ce financement selon les conditions rappelées par la présente instruction. »[v].

Très récemment, la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 9 juillet 2022 a eu l’occasion de rappeler qu’un centre d’oncologie et de radiothérapie constitué sous la forme de société d’exercice libérale de médecins radiothérapeutes ne pouvait bénéficier de la MERRI G03 dès lors qu’il n’avait pas la qualité d’établissement de santé. Les juges du fond précisent que « La circonstance qu’il a prescrit des actes hors nomenclature ne le rend pas, de ce fait, éligible à un financement au titre de la MERRI G03. Par suite, l’instruction n° DGOS/PF4/DSS/1A/2018/101 du 16 avril 2018 n’est pas applicable au litige ».

Relevons toutefois que dans cette affaire les 41 titres émis par le CHU de Bordeaux n’ont pas été annulés dès lors que notamment il n’était pas démontré que le CHU aurait pu bénéficier d’un financement par la MERRI G03[vi].

2.Sur la possibilité discutée d’une refacturation des actes de biologie HN dans le cadre de PIE par le laboratoire effecteur

Dans une quarantaine d'affaires, des cliniques privées contestent les titres exécutoires émis par un centre hospitalier régional universitaire au titre de la facturation d’actes de biologie moléculaire lorsque les examens sont prescrits par des médecins libéraux exerçant en son sein mais dont certains ont leur cabinet de consultation en ville, ou lorsqu’il s’agit d’examens réalisés sur des prélèvements transmis par d’autres laboratoires au bénéfice de patients hospitalisés ou reçus en consultation externe.

Elles tendent à considérer que seuls les actes réalisés au bénéfice de patients hospitalisés en leur sein peuvent faire l’objet d’une facturation.

Partant de ce constant, elles contestent la facturation des examens réalisés lorsque les patients n’étaient pas hospitalisés à la date des examens au motif qu’il s’agit de patients reçus en consultation externe.

Les cliniques privées considèrent en synthèse que les analyses afférentes aux patients externes ne peuvent pas entrer dans le périmètre de l’instruction ministérielle, se prévalant en filigrane de son illégalité.

Mais paradoxalement, certaines contestent également leur qualité de prescripteur lorsque les examens refacturés ont été prescrits par des médecins libéraux exerçant au sein des dites cliniques et quand bien même ils ont été réalisés au bénéfice de patients hospitalisés.

Dans cette dernière hypothèse, les cliniques invoquent l’irrégularité des prescriptions et la nécessité d’un accord préalable de l’établissement lorsque le biologiste de l'établissement effecteur réalise des examens complémentaires hors prescription dans le cadre d’un transfert d’examens par un autre laboratoire.

Concernant l’exception d’illégalité de l'instruction, elle a récemment été rejetée par le le tribunal administratif de Rouen a: « La circonstance que l’activité de «consultation externe» au sens de linstruction relève, sagissant des établissements de santé privés lucratifs comme la requérante, du champ libéral ne fait pas obstacle à ce que, sagissant des modalités de financement des actes innovants, qui relève d’une question distincte, l’instruction qualifie l’établissement de santé privé qui héberge le médecin qui exerce en partie au moins une activité libérale en son sein d’établissement «prescripteur» et autorise l’établissement dit «effecteur», qui est saisi pour effectuer des analyses innovantes hors nomenclatures, à adresser à l’établissement «prescripteur» une facture destinée à couvrir les coûts de réalisation de lacte. En outre, pour le même motif, la société pôle de santé Léonard de Vinci entre dans le champ de cette instruction »[vii].  

Les juges ont donc annulé les titres afférents aux actes réalisés à compter de mai 2018 (après l’entrée en vigueur de l’instruction du 16 avril 2018).

Rappelons également que le biologiste médical peut réaliser des actes hors prescription « sauf avis contraires du prescripteur porté sur l’ordonnance ». Désormais, l’accord du prescripteur n’est donc plus requis[viii].

Les dernières affaires jugées tendent à conforter un droit à refacturation des établissements publics gestionnaires.

 Néanmoins, une clarification urgente s’impose face à l’expansion des contentieux.

 

NOTES

[i] Défini initialement par l’instruction DGOS/PFA/2015/258 du 31 juillet 2015[i], il permet une prise en charge précoce, pendant une période transitoire d’évaluation, des actes de biologie dits innovants, susceptibles de présenter un bénéfice clinique significatif permettant de satisfaire à un besoin médical non couvert ou insuffisamment couvert ou de réduire significativement les dépenses de santé. A côté des actes répertoriés dans le RIHN, il existe une liste d’actes résiduels, en instance d’évaluation par la Haute Autorité de Santé et susceptibles de faire l’objet d’une proposition de prise en charge par la collectivité compte-tenu du niveau de validation clinique estimé par les sociétés savantes. Cette liste a vocation à disparaître au fur et à mesure de la publication des avis de la HAS, dont certains conduiront à la prise en charge de droit commun par les nomenclatures.

[ii] DGOS/PF4/DSS/1A/2018/101 du 16 avril 2018

[iii] Le fichier FICHSUP est composé de deux recueils, le G59 et le G60.

  • Recueil pour les établissements producteurs avec le code G59 en type de fichier : actes produits par type de production (détail de l’activité interne, de la production pour les laboratoires, de la production pour les établissements).
  • Recueil pour les établissements demandeurs avec le code G60 en type de fichier : actes sous-traités à d’autres établissements (détail de l’activité effectuée par d’autres établissements).

Les déclaratifs G59 et G60 se font par codes actes et par codes finess pour chacun des établissements.

[iv] L’établissement prescripteur peut solliciter un financement au titre de la MERRI G03 à l’aide du logiciel dédié de remontée d’activité. La prise en charge s’effectue sur la base d’une déclaration des données d’activité réalisée via le fichier dédié, FICHSUP. Le volume d’actes déclarés à l’année n-1 sert pour calculer le montant de la dotation MERRI GO03 versée l’année n. L’instruction énonce deux limites à ces règles :

  • La première, si le patient n’est pas un assuré social, les actes lui sont refacturables qu’ils soient réalisés en hospitalisation ou dans le cadre de soins externes[iv] ;
  • La seconde est que l’acte HN prescrit et/ou réalisé par un établissement et éligible à un financement dérogatoire ne peut être financé qu’une seule fois

[v] Instruction du 16 avril 2018, page 4, point 2-a

[vi] CAA Bordeaux, 2e ch. (formation à 3), 9 juin 2022, n° 20BX02853.

[vii] TA Rouen, 3 ème ch., 30 juin 2022, n° 1903875.

[viii] Article L.6211-8 du code de la santé publique, modifié en 2020