Depuis fin 2020, l’assurance maladie a la possibilité de suspendre provisoirement le conventionnement d’un professionnel de santé en cas de manquements graves aux engagements conventionnels ayant entraîné un préjudice financier important pour l’assurance maladie.

Cette procédure qui ne concernait jusqu’alors que les professionnels de santé libéraux, a été étendue aux centres de santé, aux pharmaciens, aux prestataires de services et distributeurs de matériel, aux entreprises de transports sanitaires et aux taxis conventionnés (ayant adhéré à l’une des conventions ou accords nationaux) courant 2023 . Selon un récent communiqué de la CPAM, 12 professionnels de santé ont été déconventionnés en urgence en 2023 (9 infirmiers libéraux, 1 sage-femme, 1 orthophoniste et 1 masseur kinésithérapeute).

Le constat de pratiques frauduleuses de facturation a également conduit au déconventionnement de plusieurs centres de santé.

Plus récemment, le décret n°2023-1316 du 27 décembre 2023 définit les conditions et modalités d’application de la procédure de mise hors convention d’office des professionnels de santé engagée par les organismes d’assurances maladie à l’encontre de tout professionnel ou centre de santé.

Dans cet article, nous explorons les méandres d’une procédure complexe, les modalités de mise en œuvre, ses implications pratiques ainsi que les voies de recours dont disposent les acteurs de santé concernés.

Qu'est-ce que le déconventionnement ?

La procédure de déconventionnement peut être envisagée dès lors qu'un contrôle de facturation de l'assurance maladie permet de constater qu'un professionnel de santé ne respecte par les engagements conventionnels régissant ses rapports avec l'assurance maladie.

Le déconventionnement entraine la suspension des effets de la convention. Concrètement, la prise en charge par l’assurance maladie des actes de soins ou des prestations réalisées est réduite à son minimum, sur la base du tarif d’autorité.

Déconventionnement d'urgence ou d'office : quelle différence?

L’article L.162-15-1 du code de la sécurité sociale prévoit une procédure de déconventionnement d’urgence permettant de suspendre provisoirement les effets de la convention en cas de manquements graves aux engagements conventionnels. La suspension des effets de la convention peut intervenir dans deux hypothèses :

  • Lorsque "la violation des engagements prévus par la convention est particulièrement grave"
  • ou "lorsqu'il en résulte pour l'organisme un préjudice financier"

Il résulte des article L.162-15-1 et R.162-54-11 du code de la sécurité que le Directeur de la CPAM peut placer d’office un professionnel de santé hors de la convention « Lorsqu’un professionnel de santé fait l’objet, pour la seconde fois sur une période de cinq ans, d’une pénalité ou d’une condamnation devenue définitive pour des faits à caractère frauduleux ayant occasionné un préjudice financier au moins égal à huit fois le plafond mensuel de la sécurité sociale au détriment d’un organisme d’assurance maladie » (environ 30 000€).

La finalité est donc le même, suspendre les effets de la convention. Dans le premier cas, la suspension est provisoire, limitée à une durée de trois mois. Si elle est abandonnée, le directeur de la caisse pourra poursuivre la procédure de déconventionnement classique.  Dans le second cas, la mise hors convention s’applique si le professionnel de santé est en état de récidive et elle peut être prononcée pour une durée plus longue ne pouvant néanmoins excéder 5 ans. La seconde différence réside dans le déroulement de la procédure puisque les deux procédures vont reposer sur des bases réglementaires distinctes : 

En synthèse, les principales étapes de la procédure sont identiques (notification de la mesure, motivation, droit de présenter des observations, audition etc.). En revanche, la procédure d’urgence est plus rapide encore et est enserrée dans des délais plus brefs justifiés par la gravité des manquements reprochés et l'urgence à suspendre les effets de la convention.

Justification de la procédure de déconventionnement d'office

La caisse primaire d’assurance maladie peut placer d’office hors de la convention un professionnel de santé (ou un centre de santé, un transporteur sanitaire, un taxi conventionné) qui « a fait l’objet pour la seconde fois sur une période de cinq ans d’une pénalité ou condamnation pour des faits à caractère frauduleux […] ayant occasionné un préjudice financier estimé par la caisse soit au moins égal à huit fois la valeur mensuelle du plafond de la sécurité sociale" (soit environ 30 000 euros). Le décret apporte des précisions concernant la notion de "faits à caractère frauduleux". Elle vise ainsi les manquements ayant fait l’objet du prononcé :

  • D’une pénalité financière, en application de l’article L.114-17-1 du code de la sécurité social
  • Ou d’une condamnation ordinale ou pénale devenue définitive

Bien qu’imprécis, le décret semble faire référence aux sanctions susceptibles d’être prononcées par la section des assurances sociales des chambres disciplinaires de première instance ou par la section spéciale des assurances sociales du conseil national de l’ordre en raison d’honoraires abusifs.

Tel qu'il définit la notion de faits à caractère frauduleux, le décret englobe un large éventail de manquements, quitte à amalgamer différentes anomalies sous la notion de fraude.

Cela étant, cette procédure semble être réservée aux manquements les plus graves et ayant occasionné un préjudice financier supérieur au seuil réglementaire.

Il importe en outre que la décision ait un caractère définitif.

Les étapes de la procédure de déconventionnement d'office 

Le décret du 27 décembre 2023 est venu préciser les conditions et modalités d’application de la procédure de placement hors convention d’office.  Elles sont reprises à l’article R.162-54-11 du code de la sécurité sociale :

1- Notification préalable de la mesure envisagée 

Le directeur de la caisse dispose d’un délai de deux mois à compter du caractère définitif de la pénalité ou de la sanction pour notifier au professionnel sa mise hors convention. Ce courrier doit l’informer des faits reprochés ainsi que de la durée du placement hors convention qui est envisagée.

2- Droit de présenter des observations ou d'être entendu 

Le professionnel dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception du courrier pour présenter des observations ou demander à être entendu, assisté le cas échéant de la personne de son choix. Dès lors qu’une audition est demandée, le directeur de la caisse dispose d’un délai de 45 jours pour l’organiser après notification de ce même courrier.

3- Notification de la décision 

La décision définitive est notifiée à l’expiration du délai d’un mois ou après réalisation de l’audition, après avoir recueilli l’avis du Directeur Général de l’UNCAM. Les dispositions de l’article IV de l’article R.147-2 du code de la sécurité sociale s’applique à la notification du déconventionnement d’office impliquant que le courrier puisse être déposé par un agent assermenté et qu’il sera réputé réceptionné à la date de présentation. La notification doit en outre préciser les voies et délais de recours pour être opposables.

Durée du placement hors convention

Elle est laissée à l'appréciation du Directeur de la caisse mais elle ne peut excéder une durée de 5 ans. Et en tout état de cause, il est lié par la durée notifiée initialement qu'il ne peut dépasser. 

Cette mesure est-elle cumulable avec une autre mesure?

Oui, cette procédure ne fait pas obstacle à la mise en œuvre d'une procédure de recouvrement d'indu initiée sur le fondement de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale.

Quelles sont les voies de recours?

Les décisions prises en matière de déconventionnement relèvent de la compétence des juridictions administratives et peuvent donc faire l’objet d’un recours en première instance devant le tribunal administratif idoine.

En conclusion, le recours à cette procédure de sanction conventionnelle tend à se développer. Plus rapide, elle permet de suspendre les effets de la convention et donc l’arrêt immédiat de la prise en charge des soins ou prestations par l’assurance maladie sur la base des tarifs conventionnels. Dans le cadre de sa stratégie de lutte contre la fraude, la procédure de sanction conventionnelle apparaît donc comme un véritable levier dissuasif au regard des conséquences sur la continuité des soins, la perte d’exploitation qu’elle entraine inévitablement du fait de l’application des tarifs dit d’autorité mais aussi de la perte de patientèle prévisible.

Bien que motivée par la gravité des manquements et la nécessité de lutter contre certaines dérives, l’organisme de sécurité sociale se doit de respecter une certaine procédure permettant en particulier au professionnel concerné de présenter ses observations écrites ou d'être entendu dans le cadre de la procédure.

C’est pourquoi, il est essentiel de maîtriser les finalités et le déroulement de la procédure pour vous défendre efficacement et en temps utile !