Dans le cadre de son communiqué de presse du 30 septembre 2022, Thomas Fatôme, Directeur de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie exposait les axes prioritaires de sa stratégie renforcée de lutte contre la fraude et promettait de redoubler d’efforts dans sa chasse aux fraudeurs avec l’objectif de recouvrir 500 millions d’euros de préjudice financier, contre près de 220 millions euros détectés en 2021 (2/3 des fraudes détectées par l’Assurance Maladie en 2021 concerneraient les infirmiers, les pharmaciens, les fournisseurs de services et matériel médical et les transporteurs )[1].

La priorité de « sanctionner plus vite » s’est concrétisée avec l’article 44 du PLFSS 2023[2].

Il dispose :

« II. – L’indu mentionné au A du I peut, lorsque l’inobservation des règles de tarification est révélée par l’analyse d’une partie de l’activité du professionnel, du distributeur ou de l’établissement, être fixé forfaitairement, par extrapolation à tout ou partie de l’activité donnant lieu à prise en charge de l’assurance maladie, à l’issue d’une procédure contradictoire entre l’organisme d’assurance maladie en charge du recouvrement de l’indu et ce professionnel, ce distributeur ou cet établissement.
« Lorsque la somme fixée en application de l’alinéa précédent recueille l’accord écrit du professionnel, distributeur ou établissement, son montant est opposable aux deux parties. » ;

Le présent texte vise à remédier à l’impossibilité matérielle de l’assurance maladie de vérifier toutes les factures. Sous prétexte d’améliorer la gestion des deniers publics, il permettrait à l’assurance maladie de réclamer l’indu en cas d’erreur de facturation ou de fraude en extrapolant les résultats de contrôle d’un échantillon des facturations et de demander le remboursement d’indu évalué par extrapolation des résultats de contrôle sur plusieurs années.

Les inquiétudes exprimées par les fédérations et les syndicats professionnels sont légitimes.

Cet article n’a d’autre finalité que de pallier l’impossibilité ou l’inefficacité de l’assurance maladie pour mener des contrôles a priori  (ce que confirme l’exposé des motifs) et des actions préventives aux côtés des professionnels de santé.

Mais s'il venait à être adopté, exit le droit à l'erreur et vive les notifications d'indus arbitraires!

De quoi parle-t-on exactement ?

Les mots ont un sens, une erreur de cotation ne constitue pas nécessairement une fraude. De même, tous les professionnels de santé contrôlés ne sont pas des fraudeurs. Or, ce texte vise à instaurer une présomption de fraude.

Comment peut-on affirmer que la procédure contradictoire sera respectée lorsque cet article permettra de fixer le montant d’indu de façon forfaitaire par extrapolation sur plusieurs années au-delà de la seule période contrôlée.

Il y a une contradiction évidente entre « extrapolation » et respect d’une procédure contradictoire.

De plus, cet article ne donne aucune garantie de respect de garanties procédurales qui apparaissent souvent bafouées par les contrôleurs dans le cadre des contrôles des libéraux.

Le Ministre peine à convaincre sur ce point en indiquant que les professionnels de santé pourront contester les décisions de récupération d’indu en justice.

Or, le respect du principe du contradictoire s’impose dès le début du contrôle et le code de la sécurité sociale comporte d’ailleurs certaines garanties procédurales notamment dans le cadre des contrôles effectués par le service médical de la caisse.

Il implique un contrôle réel de leurs facturations et que le professionnel de santé soit en mesure de produire des observations au stade du contrôle.

Enfin, il ne fait aucun doute que ce sentiment d’arbitraire sera à l’origine d’une augmentation des contentieux liés au contrôle d’activité alors que paradoxalement les chances de succès des prétentions face à la sécurité sociale au stade contentieux sont relativement amoindries.

En tant qu’avocats nous sommes les témoins privilégiés des errances procédurales de certaines caisses, des compensations illégales d’indus, de la technicité des dossiers, des divergences d’interprétation dans l’application des règles des nomenclatures ou de codage et d’une jurisprudence particulièrement favorable à la sécurité sociale (par manque de formation ou par connivence?) .

En tout état de cause, c’est au stade du contrôle que les professionnels de santé et établissements de santé ont le plus de chance à mon sens d’obtenir gain de cause.

Il est donc pour le moins illusoire d’affirmer que les professionnels de santé pourront se défendre utilement au stade contentieux.

Affaire à suivre…

En attendant, il est impératif que les professionnels de santé se préparent à faire face aux contrôles qui séviront à l’horizon 2023 et ce dès le stade de la notification de contrôle.

Le cabinet assiste de manière régulière et dominante les établissements de santé et professionnels de santé dans le cadre des contentieux liés aux contrôles d'activité.

Nous proposons un accompagnement global à tous les stades de la procédure et ce, dès la notification du contrôle (assistance lors de l’audition du professionnel libéral, appui méthodologique lors de la phase contradictoire, en phase précontentieuse et contentieuse, demande d'expertise technique) et devant tout type de juridiction (section des assurances sociales, judiciaires, administratives, section des assurance sociales, pénales). 

Notre intervention dès le stade précontentieux a pour objectif de mettre en place une méthodologie rigoureuse de justification permettant d’optimiser la défense des établissements et des professionnels de santé, et partant, les chances de succès de ses prétentions en cas de recours contentieux.

 

[1] https://assurance-maladie.ameli.fr/sites/default/files/2022-09-30-dp-lutte-contre-la-fraude-Assurance-Maladie.pdf

[2] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0274_projet-loi#D_Article_44