Dans le cadre de l’organisation de la prise en charge des patients atteints du COVID-19, l’hospitalisation conventionnelle est réservée aux cas les plus graves.

Néanmoins, l’HAD constitue une alternative à l'hospitalisation complète et participe à la prise en charge de certains patients atteints du COVID-19 dont la situation clinique et psychosociale ne permet pas une prise en charge en médecine de ville.

En pratique, lorsque le diagnostic est posé par un médecin  (médecin coordonnateur d'EHPAD, médecin traitant ou téléconsultant), le médecin décide de l’orientation du patient en fonction notamment de son état de santé et de son environnement.

L’admission d’un patient, dans le cadre d’une hospitalisation à domicile, de même que l'intervention des structures  d'HAD en EHPAD, sont strictement encadrées par les textes et doivent répondre à certains critères définis par le code de santé publique.

Or, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, l’arrêté du 1er avril, publié ce jour et complétant l’arrêté du 23 mars 2020[1], vise à faciliter l’intervention des établissements et structures d’hospitalisation à domicile, y compris au profit des résidents des établissements sociaux et médico-sociaux afin de limiter le nombre d’hospitalisations dans les établissements de santé. Il assouplit également les modalités d'une intervention conjointe avec les services de soins infirmiers.  

I/ Admission sans prescription préalable et dispense de l’accord du médecin traitant

Selon les règles de droit commun, l’admission en HAD est prononcée par le responsable de la structure après avis du médecin coordonnateur sur l’admissibilité du patient (après évaluation) et avec l’accord du médecin traitant ou du médecin désigné. Ces derniers sont le référent médical du patient durant le séjour. L’article 10-1 I et II de l’arrêté du 1er avril 2020 permet de déroger à ces règles. Ainsi, l’admission peut se faire :

  • sans prescription préalable, sous réserve d’en faire faire mention dans le dossier patient.
  • sans l’accord du médecin traitant «  en cas d’indisponibilité du médecin traitant ou lorsque l’urgence de la situation du patient le justifie ».

Dans ce cadre, le référent médical n’est plus nécessairement le médecin traitant ou le médecin désigné par le patient.

L’arrêté précise ainsi que « le médecin coordonnateur de l’établissement d’hospitalisation à domicile ou tout médecin intervenant dans la structure d’accueil du patient peut être désigné comme  référent de la prise en charge ».

Toutefois, le médecin traitant doit être informé de l’admission en HAD de son patient et des motifs de sa prise en charge.

Cet arrêté revient sur certains principes de prise en charge des patients en HAD et sur les lignes directrices du Ministère chargé de la santé pour la prise en charge des patients atteints du COVID-19 en ville (dans sa version du 20 mars 2020)[2] .

Rappelons tout de même que si l'hospitalisation à domicile n’est plus formalisée par une prescription médicale, cet arrêté ne revient pas sur les critères d’éligibilité à l’HAD des patients atteints du COVID-19.

L’admission d’un patient en HAD suppose de caractériser une prise en charge complexe, laquelle ne peut être réalisée en ville pour des raisons médicales (existence de comorbidités, risques de complications, nécessité d’une surveillance médicale) mais aussi psychosociales (isolement, vulnérabilité, précarité etc.) .

De même, si l’accord du médecin traitant n’est plus requis pour l’admission, son information ainsi que la réalisation d’une surveillance en accord avec ce dernier demeurent nécessaires.

Enfin, l’arrêté rappelle l’importance de faire mention dans le dossier patient du motif d’admission dérogatoire d’un patient en HAD.

Dans le cadre d’un éventuel contrôle d’activité sur les séjours facturés au titre de l’année 2019, il est impératif de pouvoir justifier du motif d’admission dérogatoire d’un patient (outre les critères d’éligibilité et les modalités de prise en charge durant le séjour), et partant, de pouvoir justifier du non-respect des règles de droit commun de l’admission en HAD dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire afin de prévenir toute contestation de la facturation du séjour en HAD.  

II/Assouplissement des modalités d’intervention

Initialement, l’intervention d’un établissement d’HAD au sein d’un ESMS ainsi que la prise en charge conjointe HAD/SSIAD ou SPASAD  obéissent à certains critères d’éligibilité et requièrent la signature préalable d’une convention  entre la structure d’HAD et le gestionnaire de l’ESMS (dans le premier cas), et avec le service concerné (dans le second cas).

Outre que ces conventions obéissent à un formalisme particulier, la réglementation impose leur transmission à l’ARS et à l’organisme d’assurance maladie compétents.

Dans le cadre de dispositions dérogatoires, l’arrêté permet d’alléger (du moins en apparence) le formalisme préalable à leur intervention mais aussi d’assouplir les modalités d’intervention par dérogation aux articles D.6124-311 et D.6124-312 du code de la santé publique.

1. La signature d’une convention transmise à l’ARS et l’assurance maladie n’est plus nécessaire durant la période d’état d’urgence sanitaire. 

En toute hypothèse, l’arrêté prévoit que la prise en charge est organisée dans le cadre d’un protocole personnalisé de soins.

  • Dans le cadre d’une intervention de l’HAD au sein d’un ESMS, le protocole personnalisé de soins doit préciser "notamment" la répartition des actes entre l’établissement d’hospitalisation à domicile et la structure d’accueil.
  • Dans le cadre d’une prise en charge conjointe, le protocole personnalisé de soins doit préciser notamment la répartition des actes entre l’établissement d’HAD et le service.​​​​​​​

​​​​​​​En dépit d'un formalisme allégé apparent, l'adverde "notamment" commande une certaine précaution lors de la rédaction des protocoles de soins afin d'assurer la traçabilité de la prise la prise en charge du patient et de sécuriser les interventions.

Les mentions habituelles liées à l'évaluation médicale, la faisabilité d'une prise en charge en HAD et d'une manière générale, à l'organisation des soins, en particulier en cas d'aggravation de l'état de santé du patient, ne sont donc pas à exclure.  

2. Assouplissement des modalités de l'intervention conjointe de l’établissement d’HAD et du SSIAD/SPASAD

Initialement, les modalités de prise en charge conjointe d’un patient sont encadrées par un décret du 1er juin 2018 et sont fixées à l’article D.6124-312 du code de la santé publique.

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, et par dérogation à ces dispositions, l’arrêté autorise la prise en charge conjointe d’un patient « si leur intervention répond aux seules conditions suivantes » :

  • La prise en charge de chaque patient est organisée dans le cadre d’un protocole personnalisé de soins ;
  • Les soins infirmiers sont coordonnés par l’établissement d’hospitalisation à domicile et mis en œuvre dans les conditions suivantes :
    • Les soins relevant de la compétence des aides-soignants sont réalisés par le personnel salarié du service de soins infirmiers à domicile ou du SSIAD ;
    • Les soins réalisés par les infirmiers sont organisés par l’établissement d’hospitalisation à domicile.
  • Le suivi médical et les autres soins paramédicaux sont organisés et coordonnés par l’établissement d’HAD

L’arrêté permet donc de déroger également à la durée de prise en charge minimale. D’autre part, l’arrêté rappelle le devoir de coordination qui pèse initialement sur la structure d’HAD dans le cadre de l’organisation des soins infirmiers, du suivi médical et des autres soins paramédicaux (cette obligation n'est pas nouvelle).

Enfin, il convient de ne pas négliger la rédaction des protocoles personnalisés de soins afin de sécuriser l’organisation des soins et la coordination des différents intervenants.  

Me HUET, avocat en droit de la santé et spécialisé dans le conseil des établissements de santé et professions de santé, vous accompagne dans le cadre des mesures d'adaptation sanitaires mises en oeuvre durant la période de l'état d'urgence sanitaire.

Références :

[1] Arrêté du 1er avril 2020 complétant l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041776842&dateTexte=&categorieLien=id

[2] https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/covid-19_doctrine_ville_v16032020finalise.pdf, l’annexe 5 concerne le prise en charge en HAD, pages 36 et suivant.