Dans le cadre de la crise sanitaire actuelle et la lutte contre la propagation du Coronavirus, le recours à la télémédecine[1] apparaît plus qu’indispensable pour assurer une « distanciation sociale », tout en garantissant la continuité du suivi des patients atteints du COVID-19 ou présentant des symptômes.
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Depuis 2018[2], les actes de téléconsultation font l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie, sous réserve de respecter certaines conditions définies par l’avenant 6 à la convention nationale[3].

Tout d’abord,  la téléconsultation doit s’inscrire dans le cadre du parcours de soins coordonné. Cela suppose que le patient soit initialement orienté vers le médecin téléconsultant par son médecin traitant, lorsque ce dernier ne réalise pas lui-même la téléconsultation (sous réserve des exceptions prévues par la réglementation).

En outre, le patient doit être connu du médecin téléconsultant, ce qui suppose que le patient ait bénéficié d’au moins une consultation physique au cours des douze derniers mois précédent la téléconsultation.

Compte-tenu de la nécessité de faire face à la crise sanitaire actuelle, les conditions de prise en charge des actes de téléconsultation et de télésoin (télésuivi infirmier)[4] ont été assouplies afin de déroger aux dispositions conventionnelles.

Cet assouplissement a pour objectif de permettre aux patients atteints du COVID-19 ou potentiellement infectés de bénéficier d’une consultation à distance, prise en charge par l’assurance maladie, même s’ils ne respectent pas les conditions de droit commun[5].

L’arrêté du 23 mars 2020[6], édicte de nouvelles mesures visant à élargir le recours à la télémédecine dans le cadre du suivi des patients atteints du COVID-19 ou suspectés d’infection.

La généralisation de la téléconsultation et du télésuivi infirmier dans le cadre de la crise sanitaire apparaît comme une réponse essentielle aux enjeux sanitaires de la gestion de l’épidémie.

De ce point de vue, l’assouplissement des conditions de prise en charge ne peut être que salué.

Il n’en demeure pas moins que son déploiement, même en situation exceptionnelle, doit veiller à assurer la sécurité des données personnelles traitées et échangées dans le cadre de la réalisation d'actes de téléconsultation ou de télésuivi infirmier.

Or, la généralisation des solutions et outils pouvant être utilisés pour réaliser de tels actes, fut-elle à titre dérogatoire et temporaire, ne permet pas de garantir un échange à distance sécurisé.
 

Un assouplissement des modalités de prise en  charge des actes de télé consultation et de télésuivi infirmier

Pour faire face à la crise sanitaire, les actes de téléconsultation réalisés au bénéfice des patients atteints du covid-19 ou suspectés sont pris en charge par l’assurance maladie même s’ils sont réalisés en dehors du parcours de soins coordonné et en l’absence de connaissance préalable du patient par le médecin téléconsultant.

Cette mesure a été étendue aux actes de télésuivi réalisés par les infirmiers diplômés d’Etat dès lors qu’ils concernent des patients dont le diagnostic de COVID-19 a été posé cliniquement et biologiquement ou présentant des symptômes, sur prescription médicale.

L’arrêté du 23 mars 2020, en son article 8, étend la prise en charge des actes de télésuivi réalisés par les salariés des structures visées à l’article L.162-1-7 du code de la sécurité sociale, ce qui laisse supposer que l’accès à la téléconsultation est possible en dehors d’une organisation territoriale coordonnée.

Il précise cependant que le télésuivi des patients doit s’inscrit prioritairement dans le cadre d’une organisation territoriale coordonnée (équipes de soins primaires, maisons et centre de santé, CPTS).

Un assouplissement risqué pour la protection des données 

Les décrets, ainsi que l’arrêté permettent de déroger à l’obligation de réaliser les actes par vidéotransmission.

En effet, il est précisé que les téléconsultations peuvent être réalisées « en utilisant n’importe lequel des moyens technologiques actuellement disponibles pour réaliser une vidéotransmission (lieu dédié équipé mais aussi site ou application sécurisé via un ordinateur, une tablette ou un smartphone, équipé d’une webcam et relié à internet ».

Concernant les actes de télésuivi, le décret autorise une telle dérogation, « lorsque le patient ou l’infirmier ne dispose pas du matériel nécessaire ».

A cet égard, l’arrêté du 24 mars 2020 précise que « le télésuivi infirmier doit être réalisé préférentiellement par vidéotransmission  avec le patient, ou par téléphone si les équipements du patient ou de l’infirmier ne le permettent pas ».
Toutefois, il rappelle que « les professionnels de santé assurant la prise en charge des patients par télésanté doivent recourir à des outils numériques respectant la politique générale de sécurité des systèmes d’information en santé et la réglementation relative à l’hébergement des données de santé ou, pour faire face à la crise sanitaire, à tout autre outil numérique ».

Peu ou prou, les pouvoirs publics invitent donc les professionnels de santé à privilégier prioritairement la vidéotransmission.
L’Agence du Numérique en Santé ainsi que le Ministère chargé de la santé encouragent les médecins et les infirmiers à s’équiper en solution de téléconsultation et de télésuivi pour prendre en charge les patients atteints du COVID-19.

Par conséquent, l’allègement du cadre juridique ne dispense pas les professionnels de santé d’utiliser des outils respectant le RGPD, la réglementation relative à l’hébergement des données sur un serveur certifié HDS et la politique générale de sécurité des systèmes d’informations pour les échanges de documents.

Cela suppose que les outils utilisés respectent la confidentialité des échanges et la sécurité des données transmises (respect des référentiels de sécurité et d’interopérabilité, recours aux messagerie sécurisées de santé pour l’envoi des comptes-rendus, respect des conditions d’hébergement des données de santé dès lors que le dispositif utilisé implique une externalisation des données etc.).

Pour l'heure, le ministère chargé de la santé a recensé les solutions disponibles  en télésanté (logiciels, des plateformes, des accès Web ou des applications spécifiques). Cette liste a été établie sur la base d’une autodéclaration des éditeurs de solutions qui engagent leur responsabilité.
Cependant, les niveaux de garantie de sécurité sont très variables et apparaissent pour le moins aléatoires en l’état d’une simple déclaration.

Les professionnels de santé intéressés ont tout intérêt à se rapprocher des Agences Régionales de Santé ou des Unions Représentatives des Professions Libérales pour connaître les solutions qui sont préconisées par la tutelle.

En tout état de cause, il convient d’éviter les solutions d’échanges en ligne conçues par les GAFAM telles que Hangouts (Google), Skype (Microsoft), face time (Facebook) qui ont été sanctionnées par la CNIL en raison de leur non-conformité au RGPD.
 

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[1] Relèvent de la télémédecine notamment les actes de téléconsultation, de télésurveillance médicale ou de téléassistance réalisés à distance, au moyen d'un dispositif utilisant les technologies de l'information et de la communication.

[2] Décret n° 2018-788 du 13 septembre 2018 relatif aux modalités de mise en œuvre des activités de télémédecine

[3] Avenant 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016 et approuvé par l’arrêté du 1er août 2018.

[4] Notion introduite par la loi n°2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation du système de santé

[5] Le décret n°2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces d’assurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au COVID-19, paru au JORF du 10 mars 2020
Le décret n°2020-277 du 20 mars 2020 paru au JORF du 20 mars 2020

[6] Arrêté du 24 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé, publié nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.